Ousmane Dan Fodio Diallo, est un responsable politique et administrateur d’entreprise. Celui qui a fondé le parti ARDI (l’Alliance pour la Renaissance, la Démocratie et l’Intégration) en 2004 n’est pas de ceux qui pensent que l’insurrection a apporté du renouveau au Burkina Faso. Dans cet entretien à Libreinfo.net il est critique de cet évènement politico-social qui a fait basculer le régime de Blaise Compaoré le 31 octobre 2014.Le Président du parti ARDI, pense qu’il faut laisser la lutte contre le terrorisme aux forces armées au lieu de vouloir tous s’immiscer.
Le Burkina Faso commémore les cinq ans de l’insurrection populaire que d’aucuns estiment avoir été vidé de son contenu. Comment analysez-vous un tel jugement ?
J’écoute les uns et les autres dans les kiosques, les cafés et consorts ainsi que les analystes politiques. Au sein de la commission de réflexion de notre parti, nous avons estimé que les analyses sont fonction des intérêts des uns et des autres. Personnellement, je tire l’enseignement que cette insurrection a empêché la modification de l’article 37 et la tenue d’élections non contestées. Pour le reste, j’estime que quand on fait la balance entre ce que l’on a perdu et ce que l’on a gagné, l’on a plus perdu que gagné avec toutes les pertes en vies humaines et les destructions de biens que l’insurrection a engendrés. L’insurrection a, à mon avis, été noyautée par des intellectuels petits bourgeois qui sont parvenus à des postes auxquels ils n’ont peut-être jamais pensé y être un jour.
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A qui vous faites allusion ?
Ce n’est pas pour indexer X ou Y. Il ne s’agit forcement de personnes physiques, c’est dans l’esprit.
Depuis quelques années, le Burkina Faso est en proie à une insécurité qui va grandissante. Comment vous appréciez cela ?
La question de l’insécurité est à analyser dans un grand ensemble. Les mutations actuelles appellent à des changements de comportements. Malheureusement au Burkina, nous sommes marqués par des mentalités figées. Tout le monde voyait venir le phénomène puisqu’il sévissait à nos portes mais on n’a pas fait ce qu’il y avait lieu de faire, c’est-à-dire anticiper.
Comment y venir à bout ?
La division sociale du travail est, à mon sens, claire : que chacun fasse son travail en fonction de ses compétences. Les forces de défense et de sécurité(FDS) ayant la compétence des armes, il revient de leur donner toute la latitude pour leur permettre en place leur stratégie.
Vous estimez que ce n’est pas le cas ?
A mon avis non. Comme vous le savez, le premier responsable de la défense est un civil. Dans un pays en guerre, cela est inapproprié.
D’aucuns diront que dans des pays disposant des plus grandes armées, les ministres sont des civils y compris à la défense…
Les peuples n’ont pas été formés de la même manière. Ce sont des pays avec une longue tradition militaire contrairement au nôtre. En plus dans ces pays même si les ministres sont civils, ils sont formés militairement. Figurez-vous qu’au Burkina Faso, depuis le début de la crise, tout le monde est devenu stratège…
Il y a que cette insécurité a des impacts sur l’économie nationale. Comment relancez celle-ci ?
Pour relancer l’économie, il faut faire avec. Au besoin nous pouvons prendre l’exemple de pays comme l’Algérie qui ont des situations plus difficiles avec le Front Islamique du Salut(FIS). Après, il faut penser à en sortir définitivement d’autant que le peuple est encore marqué par une division entre insurgés et non insurgés.
Dans une année, auront lieu des élections présidentielle et législatives. Comment l’ARDI les envisage-t-il ?
Depuis la création du parti en 2004, nous avons toujours participé aux élections locales. Il est vrai que l’ARDI n’est pas un parti électoraliste. Vous savez, il y a deux sortes de partis : les partis électoralistes et les partis qui ont une grande vision. Les problèmes au Burkina sont dus au fait que ce sont les partis électoralistes qui gagnent les élections. Nous faisons partie des seconds. Du reste, pendant quinze (15) ans, tout notre discours a porté sur la problématique de l’eau. La future Constitution allant consacrer le droit à l’eau comme un droit constitutionnel et le président Kaboré ayant promis zéro corvée d’eau en 2020, nous estimons qu’à cette échéance, la question de l’eau-qui est jusque-là notre crédo-sera définitivement réglée. C’est pourquoi il nous faudra nous adapter en allant à la conquête du pouvoir.
Des pays de la sous-région sont en proie à des menaces potentielles avec les fameux troisièmes mandats. Quels commentaires cela vous inspire-t-il ?
Alpha Condé est un professeur qui s’est battu pour la démocratie et a, pour cela, suscité bien de sympathies. Aussi bien du point de vue intellectuel que politique, c’est une personnalité hors pair.je suis étonné qu’il tienne à faire un troisième mandat. C’est un monument qui devrait se garder de sortir par la petite porte.
L’élection en Côte d’Ivoire suscite aussi des inquiétudes…
Je pense que vu son âge et l’expérience des crises post-électorales qu’il a, le président Ouattara va finir par faire prévaloir la sagesse.
Propos recueillis par Soumana Loura, Stagiaire
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