Au Burkina, un couvre-feu a été instauré de 20 heures à 5 heures du matin le 23 janvier 2022 à cause de la mutinerie. Le 24 janvier, après que cette mutinerie se solde par un putsch, le couvre-feu a été prolongé jusqu’à nouvel ordre de 21 heures à 5 heures du matin. Ce couvre-feu est-il le bienvenu chez les détenteurs d’activités de nuit ? N’a-t-il pas des impacts sur les activités des restaurants, des maquis, des taxis de nuit et des stations-services ?
Par Rama Diallo et Nicole Sawadogo, stagiaire
Rasmané Guigma, est un conducteur. Nous l’avons rencontré à la gare routière de Ouagadougou. Il pense que la situation actuelle du pays nécessite l’instauration d’un couvre-feu. Pour lui, «la situation sécuritaire doit primer sur tout, car sans sécurité, personne ne pourra sortir pour travailler. »
Il invite les militaires à revoir l’heure du couvre-feu dans les jours à venir. Il propose que le couvre-feu commence à minuit pour permettre aux chauffeurs de nuit de gagner leur pain quotidien.

Un appel qui a été entendu avec le réajustement des horaires du couvre-feu ce 27 janvier. Désormais, le couvre-feu débute à 24 heures et finit à 5 heures du matin.
Autre lieu, autre réalité. Le chiffre d’affaire de l’espace culturel et touristique, « Espace Morène » de Ouagadougou a considérablement baissé depuis le 23 janvier 2022. Selon son directeur Basile Bationo, ce sont les soirs qu’il fait de bonnes recettes.
Bationo explique que ses recettes journalières sont à plus de 60% réduite à cause du couvre-feu. Il espère que le couvre-feu sera levé dans un bref délai, pour le bien des acteurs de la nuit.

Le maquis-bar-restaurant « La Dynastie » subit également les conséquences du couvre-feu.
« Depuis le 23 janvier, on ne fait plus de grandes recettes parce que le bar ne fonctionne presque plus. Le maquis et le restaurant ferment à partir de 20h30. », d’après son gérant Ahmed Moré.
Il indique que si le couvre-feu dure un ou deux mois, le maquis n’arrivera pas à couvrir ses dépenses. Pour cette raison, il souhaite que l’on renvoie le couvre-feu à minuit.
Les restaurants ne sont pas en reste
De Ouaga 2000, nous prenons la direction de l’échangeur de l’Est pour le Salon International de L’Artisanat de Ouagadougou (SIAO).
Juste à l’entrée de la porte principale du SIAO, nous apercevons un restaurant à notre gauche. Nous nous y dirigeons.
Un homme nous accueille par des salutations d’usage. Du nom de Daniel Dabiré, il est le responsable du restaurant « Prestige Plus ». Il nous explique comment il vit le couvre-feu.
« Comme ci, comme ça. Comme c’est pour une bonne cause, nous aussi, on prend ça comme ça. Cela a un impact sur notre activité ici. D’habitude, nous ouvrons à 6h et nous fermons à 23 heures. Mais maintenant, on ouvre à 6 heures, et on ferme à 20 heures.», explique M. Dabiré.

Les impacts sont surtout liés à la réduction du marché. « Ce qu’on gagnait sur le marché, tout est cassé d’un coup. A partir de 19h30 déjà, il n’y a pratiquement plus personne parce que tout le monde est prêt à rentrer. », ajoute M. Dabiré.
Plus loin, du côté droit de la porte d’entrée principale se trouve un autre restaurant. Après quelques pas, nous nous y retrouvons. Des jeunes servants nous accueillent. Nous demandons à voir le responsable.
On perd presque 60% de notre chiffre d’affaire….
Stéphane Tankoano est le superviseur du restaurant « Titis ». Le couvre-feu n’est également pas sans impact sur ses activités.
« Economiquement, on est un peu touché. Déjà, on a une baisse de notre chiffre d’affaire compte tenu du fait que les clients viennent plus dans la soirée. On perd presque 60% de notre chiffre d’affaire. En plus de ça, il y a des denrées non conservables qui périssent. »
Les impacts du couvre-feu ne sont pas seulement économiques selon M. Tankoano. « On a un chamboulement de programme. D’habitude, nous ouvrons à 10h et fermons à 00h et même à 1h du matin les weekends. Mais maintenant, nous ouvrons à 10 heures et nous fermons à 20 heures 30 au plus tard. Donc, on perd pratiquement 5 heures de temps.», déclare-t-il.

La pression liée au couvre-feu influence aussi la façon de gérer les clients. « Quand l’heure approche, nous avertissons les clients. A défaut de manger sur place, d’autres prennent leurs commandes pour rentrer. Au début, il y avait des frustrations. Mais nous arrivons maintenant à gérer cet aspect. », explique M. Tankoano.
Pour résoudre ce problème, M. Tankoano propose de ramener le couvre-feu à 22h 30 ou alors de le lever carrément d’ici à la fin de la semaine, pour leur permettre de rattraper un peu les pertes.
Les stations-services subissent de leur côté, les impacts du couvre-feu
Un responsable à Total Burkina qui a souhaité rester dans l’anonymat, a expliqué les énormes pertes subies par l’entreprise en ce moment.
« L’impact est colossal ! On perd beaucoup d’argent. », déclare-t-il au journal sans ambages.
« Généralement, nous fermons nos stations à 22 heures. Maintenant, on est obligé de fermer à 20h 30 pour pouvoir rentrer tôt. Du coup, ça nous fait beaucoup de pertes. », explique-t-il
De son avis, ce sont les courses des populations en engins à moteur, qui profitent à Total. Car indique-t-il, pour se déplacer, les gens ont besoin du carburant.
Alors qu’avec le couvre-feu, les déplacements nocturnes sont limités. Ce qui a un impact sur les recettes nocturnes de l’entreprise.
Tout comme les autres intervenants, il souhaite que tout rentre dans l’ordre pour que le couvre-feu soit levé.