Depuis l’arrivée du capitaine Ibrahim Traoré au pouvoir au Burkina Faso, le 30 septembre 2022, le secteur minier connait beaucoup de sollicitations dans le cadre du financement de la lutte contre le terrorisme. En dépit des mesures dejà prises, le gouvernement burkinabè a décidé, le 19 avril 2023, en conseil des ministres, de modifier le Code minier pour que le Fonds minier de développement local puisse financer la lutte contre le terrorisme. L’exploitation minière apparaît désormais comme une source sûre de financement des actions des autorités dans le cadre de la lutte contre le terrorisme.
Par Daouda Kiekieta
L’or, premier produit d’exportation du Burkina Faso, est en passe de devenir la principale source financière dans la lutte contre le terrorisme.
En effet, le conseil des ministres du 19 avril 2023 a approuvé un projet de loi visant à modifier le code minier en vigueur depuis le 26 juin 2015, afin d’introduire des dispositions permettant d’affecter une partie des ressources financières du Fonds minier de développement local (FMDL) au Fonds de soutien patriotique (FSP). Il s’agit des articles 26 et 30 du code.
Le FSP est mis en place par les autorités burkinabè pour récolter les contributions destinées à la lutte contre le terrorisme. Ainsi, le secteur minier, qui contribue déjà à plus de 16 % du PIB et à 14,3 % des recettes de l’État, prend une autre tournure.
En effet, de précédentes décisions similaires avaient été prises pour faire de ce secteur un maillon fort dans la mobilisation des ressources financières destinées à la lutte engagée contre les groupes armés terroristes sévissant dans le pays.
Le 1er mars 2023, l’Etat avait décidé, par entente directe, de la cession de la mine de manganèse de Tambao, l’un des plus grands gisements du pays et la cession de la mine d’or d’Inata dans le Sahel à la société Afro Turk.
Cette cession, selon le ministre des Mines, M. Simon-Pierre Boussim, visait à permettre à l’Etat d’obtenir des ressources supplémentaires dans sa lutte pour la reconquête du territoire, notamment en équipement militaire.
Elle « s’est faite dans une condition qui permet à l’Etat d’acquérir des moyens stratégiques de surveillance et de combat» avait expliqué le ministre Simon-Pierre Boussim.
Bien avant cette cession, le gouvernement avait exceptionnellement réquisitionné 200 kg d’or produites par la société minière SEMAFO Burkina Faso SA pour « nécessité publique » et « conformément à l’article 16 du code minier ». Cette décision avait été « dictée par un contexte exceptionnel » selon le gouvernement de transition burkinabè.
Tout en rassurant les investisseurs après cette décision, le gouvernement n’avait pas donné plus de détails sur la destination de cet or.
C’est plus tard, le 14 avril 2023, que le ministre de la Défense, le colonel-major Kassoum Coulibaly a annoncé que de l’or a été utilisé pour garantir l’achat des équipements militaires avec une société turque du nom de «Company Raykar Makina Sanayi Ve Ticaret Sikett».
Le ministre avait donné cette précision lors d’une séance plénière à l’Assemblée législative de Transition (ALT) pour la ratification d’un projet de loi accordant une garantie de souveraineté de plus de 252 milliards de F.CFA à International Business Bank Burkina (IB Bank) pour l’acquisition de matériels de défense avec ladite société turque.
« C’est parce que le gouvernement est dans une situation difficile sur le plan financier (…) C’est d’ailleurs pour cette raison que la première partie de la garantie a été payée en or » avait expliqué le ministre de la Défense, sans pour autant mentionner qu’il s’agissait de l’or réquisitionné en février 2023.
Dans ce contexte où l’économie burkinabè est soumise à rude épreuve, le gouvernement tente de rassurer que toutes ces décisions concernant le secteur minier sont conformes aux textes en vigueur, notamment le Code minier.
C’est sans doute dans cette optique de respect des textes que la présente annonce de modification du code minier a été faite, pour «détourner légalement» la mission du Fonds minier de développement local (FMDL), censée financer les plans régionaux et communaux de développement au profit des communautés locales.
Selon l’article 26 de l’actuel code minier, le FMDL est alimenté par l’État à hauteur de 20% des redevances collectées et par 1% des chiffres d’affaires annuels des propriétaires de licences d’exploitation minière industrielle au Burkina.
En outre, le gouvernement prévoit la construction d’une raffinerie nationale d’or et la mise en place d’unités de traitement des résidus miniers afin de générer plus de revenus pour renflouer les caisses de l’Etat.
La construction d’une raffinerie d’or est une priorité pour le président de la Transition et chef de l’État, le capitaine Ibrahim Traoré qui y voit une source supplémentaire de financement du programme national de développement du pays.
Lors d’une grande interview qu’il avait accordée à la télévision publique le 3 février 2023, le capitaine Traoré avait déploré le fait que le pays ne contrôle pas «ce qui sort de son sol» en faisant allusion au manque d’une raffinerie d’or et d’autres unités de traitement des résidus miniers.
En tout état de cause, dans ce contexte sécuritaire et humanitaire difficile, ces décisions fortes et souvent exceptionnelles, semblent recueillir l’approbation des populations fortement éprouvées par la crise.
Il reste à savoir quelle attitude vont adopter les investisseurs dans le secteur minier, qui sont, eux aussi, éprouvés par cette crise. 4 mines d’or industrielles sont d’ores et déjà complètement fermées à cause des menaces des groupes armés terroristes.
Selon des informations diffusées par voie de presse, le président Ibrahim Traoré et des membres de son gouvernement auraient déjà rencontré des responsables de sociétés minières pour leur signifier qu’ils doivent contribuer à l’effort de guerre. Jusque là, officiellement, ces investisseurs sont restés silencieux.
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