Dans le cadre de la double confrontation de football entre les Etalons du Burkina et les Eperviers du Togo prévue pour les 24 et 28 mars 2023, Libreinfo.net a contacté le sélectionneur national des Etalons, M. Hubert Velud. Il a été question de pour le sélectionneur de revenir sur son ambition pour l’équipe, les critères de sélection des joueurs pour la double confrontation et sur l’avenir du football burkinabè.
Propos recueilis par Elza Nongana
Libreinfo.net: Comment vous, Hubert Velud, vous sentez-vous déjà au Burkina Faso ?
Hubert Velud : Cela fait 8 ou 9 mois que je suis là. J’ai très bien été accueilli par tout le pays et je tiens à le souligner. Que ça soit au niveau des autorités, au niveau de la fédération et, de manière globale, au niveau du peuple burkinabè.
Je sens beaucoup d’effervescence autour de moi mais aussi beaucoup d’attentes. Je me sens très bien, les gens sont très gentils avec moi, ça se passe très bien pour l’instant et j’espère que ça va durer.
Libreinfo.net: Est-ce que vous n’avez pas été marqué par cette psychose d’insécurité quand vous êtes arrivé à Ouagadougou ?
Hubert Velud : Je me suis forcément posé des questions. Mais avant de venir, j’ai quand même pris des renseignements…c’est normal quand on voit que tous les médias français parlent de l’insécurité dans certaines zones au Burkina.
Forcément, quand on est sélectionneur national on se renseigne ; que cela soit au niveau des autorités françaises et burkinabè mais aussi au niveau de la Fédération burkinabè de football (FBF). Ces derniers m’ont rassuré qu’il n’y aura pas de problème pour moi et ça se confirme puisque jusqu’aujourd’hui, je ne remarque rien de particulier.
Libreinfo.net : Après quelques matches avec l’équipe nationale des Étalons, est-ce que votre ambition de départ reste la même ?
Hubert Velud : Oui. L’évolution de l’équipe avec ma présence au début est un peu paradoxale puisque je suis arrivé très tard, tout juste avant deux (2) matchs de qualification pour la CAN (Coupe d’Afrique des Nations) officiels très importants.
Je suis arrivé une semaine avant le regroupement ; donc il a fallu que je m’adapte très vite pour travailler. Heureusement que j’avais travaillé en amont sur la liste, sur le groupe potentiel de joueurs burkinabè qui peuvent constituer cette liste.
Heureusement aussi que ma relation avec la Fédération était déjà bien en amont, soit un ou deux mois avant mon arrivée. Malgré le peu de temps de préparation, nous avons réussi à gagner ces deux matchs.
Et je dirai que c’est paradoxal dans le sens où que ce n’est qu’après que j’ai pu vraiment faire un travail de préparation dans les regroupements d’après. J’ai commencé un peu par le plus dur, le plus officiel et cela a marché.
Et depuis, tout ce que nous avons fait, c’est bien sûr en vue des deux (2) matches contre le Togo pour les qualificatifs de la CAN ; c’est-à-dire que tous les regroupements qui ont suivi ont servi à la préparation des qualificatifs de la CAN.
Libreinfo.net : Quel est votre rêve aujourd’hui pour cette équipe nationale ?
Hubert Velud : Tout le monde a le droit de rêver. Nous pouvons rêver de tout mais le problème aussi, en tant qu’entraineur, est qu’il faut beaucoup tenir compte de la réalité des choses. Il faut être réaliste.
Nous avons tous des rêves d’aller loin dans les compétitions intercontinentales. Déjà se qualifier pour la CAN est notre premier objectif et ce n’est pas un rêve. Un rêve c’est ce qui ira plus haut si nous nous qualifions.
Libreinfo.net : Et le plus haut c’est quoi ?
Hubert Velud : Le plus haut c’est vraiment d’être très performants si nous nous qualifions pour la CAN ou très près ou remporter la CAN. Mais c’est un rêve donc pas forcément la réalité. Et un rêve qui peut être réaliste aussi, c’est que nous pensons à la Coupe du Monde.
Il y a beaucoup plus de place pour les Africains en qualification pour la prochaine Coupe du Monde. Donc nous pouvons rêver de façon réaliste aussi pour les qualifications de la Coupe du Monde.
Libreinfo.net : Mais la CAN c’est déjà à côté, à Abidjan. Pour vous entraîneur qui connaissez bien l’Afrique, est-ce que la proximité géographique peut être un avantage pour le Burkina Faso ?
Hubert Velud : Énorme. Je dirai que c’est déjà un avantage même pour commencer. Les joueurs, la Fédération, les autorités de l’Etat et tout le peuple burkinabè ont une grande motivation pour aller faire la CAN en Côte d’Ivoire.
Ce pays, je dirai, est plus que frère du Burkina parce que j’ai cru comprendre qu’à un moment donné, c’était pratiquement le même pays avant la scission.
La majorité des Burkinabè ont un lien familial avec la Côte d’Ivoire donc je mesure et j’ai conscience de l’importance pour les Burkinabè de se qualifier pour la Côte d’Ivoire.
Libreinfo.net : Et comment vous trouvez l’équipe ivoirienne au regard de la qualité des infrastructures en Côte d’Ivoire, accompagné d’un sélectionneur qui est très bien connu aussi ? Est-ce que le Burkina peut tutoyer la coupe d’Afrique en Côte d’Ivoire ?
Hubert Velud : Déjà, je vous rappelle que nous avons battu l’équipe ivoirienne au dernier regroupement, ce qui n’est pas rien. La Côte d’Ivoire a, bien sûr, un réservoir de joueurs plus grand que nous.
Mais ce qui fait la différence entre nous, c’est qu’aujourd’hui nous avons une vraie équipe, un vrai groupe tandis qu’eux, ils sont dans la constitution d’un groupe ; ce qui est différent. Nous avons une longueur d’avance sur eux.
Et si, de façon plus large, nous arrivons à nous qualifier, nous n’aurons pas que la Côte d’Ivoire comme adversaire. Nous aurons à rencontrer probablement toutes les grandes nations africaines.
Librenfo.net : Est-ce que vous avez peur d’une équipe comme le Maroc, le Sénégal ?
Hubert Velud : Non, on n’a jamais peur mais quand on voit ce qu’a fait le Maroc à la Coupe du Monde et la liste de son sélectionneur, c’est du très haut niveau. C’est une super équipe.
Libreinfo.net : Qu’est-ce qui vous fascine le plus chez votre équipe nationale ?
Hubert Velud : C’est vrai que l’emploi du mot fascination est rare en football mais je peux en parler. Je dirai plutôt que je suis satisfait mais je suis très méfiant en parlant de ça parce que je voudrais que ça continue car c’est un état d’esprit.
Il s’agit de l’investissement des leaders dans la discipline du groupe qui, pour l’instant, a été très importante et de façon parfaite.
Mais il faudrait continuer dans ce sens. Pour l’instant, nous sommes très disciplinés, nous avons un très bon groupe et nous sommes solidaires. Nous avons aussi de bons résultats mais il faut que cela perdure même si des périodes difficiles venaient à arriver. Il faut qu’on reste soudés et disciplinés. Je jugerai ce que je viens de dire sur la durée.
Aujourd’hui, nous sommes sur la bonne voie mais il faut y rester, surtout avec les prochains matchs décisifs qui nous attendent.
Libreinfo.net : Est-ce que c’est cela qui vous a permis de battre la Côte d’Ivoire (en match amical) pour l’une des rares fois ? Est-ce que c’est ça votre secret ?
Hubert Velud : C’est exactement ça. C’est parce que nous nous sommes très bien préparés avec l’appui aussi du staff technique qui nous apporte beaucoup. Je pense que c’est le travail d’équipe qui a donné les bons résultats en appui avec l’état d’esprit des joueurs.
Ce n’est qu’un match amical mais l’équipe avait réellement l’envie de gagner le match contre la Côte d’Ivoire. Je savais que c’était un match particulier pour les Burkinabè, il y avait cette envie de gagner. C’est donc un bon état d’esprit et un bon plan de jeu qui ont donné de bons résultats.
Libreinfo.net : Quel est alors ce plan de jeu ?
Hubert Velud : Je ne vais pas tout dire, mais avec la Côte d’Ivoire c’était un plan de jeu de vraiment utiliser la profondeur, l’espace à la récupération du ballon après le pressing. Ce qui a été très bien fait même si la Côte d’Ivoire a eu la maîtrise du ballon, du jeu, pendant une grande partie du match. A l’arrivée, nous avons eu plus d’occasions de but qu’eux.
Libreinfo.net : Généralement nous sommes curieux de savoir ce que vous dites dans les vestiaires avant le match et à la mi-temps aux joueurs pour les gonfler à bloc ?
Hubert Velud : Je ne peux pas trop divulguer les secrets des vestiaires. Ce qui se dit dans les vestiaires reste dans les vestiaires. Il faut quand même que vous sachiez que les vestiaires c’est un sanctuaire.
C’est réservé aux joueurs et aux entraîneurs. Des fois, il se passe certaines choses dans les vestiaires qui sont très particulières. Que ça soit dans le positif ou dans le négatif, ça reste un peu entre nous.
La mi-temps est un moment très délicat pour un entraîneur parce que y a l’émotion du match à gérer mais aussi la lucidité pour remettre les choses en place. Il faut être très serein et très souvent réfléchi à la fois malgré l’émotion du match.
Avec l’expérience, on arrive de mieux en mieux à gérer les mi-temps. Mais, ce qu’il y a de plus difficile pour un entraîneur c’est de gérer la mi-temps.
Libreinfo.net : Alors comment appréhendez-vous les deux matchs contre le Togo ? D’aucuns parlent déjà de derby parce que Paulo Duarte (entraîneur du Togo) avait déjà entraîné l’équipe nationale du Burkina. On se dit également que vous connaissez bien le Togo, et en plus de cela, ces matches arrivent à un point important. Alors comment appréhendez-vous ces matches ?
Hubert Velud : Avant tout cela, c’est l’enjeu au-delà du Togo. Bien sûr que c’est un pays frère et cousin du Burkina. Quand j’étais au Togo c’était la même chose. C’est des matchs qui sont très serrés et très disputés.
Et aussi une situation qui n’est pas banale ; les deux entraîneurs étaient dans les deux équipes aujourd’hui opposées, ce qui est très rare. Donc Paulo (entraîneur du Togo) connait très bien le contexte et moi aussi.
Donc ça sera très serré et il y a aussi l’enjeu qui est très important. Pour nous, ce qui compte c’est l’enjeu. Après un premier match à Marrakech, c’est vrai que nous aurions préféré jouer à Ouaga devant le peuple burkinabè. Pour cela nous sommes pénalisés, et ça il ne faut pas se le cacher. Nous allons nous adapter.
Libreinfo.net : Mais êtes-vous sur de remporter ces matches ?
Hubert Velud : Il y a tellement d’incertitude dans le football qu’aucun entraîneur ne vous dira qu’il est sûr de remporter un match.
Libreinfo.net : Lorsque vous jouez hors du Burkina, quelles peuvent être les conséquences sur les résultats du jeu ?
Hubert Velud : Ce qui est bien quand même est que nous avons nos habitudes à Marrakech. La pelouse est très bonne ce qui nous avantage ; donc ça c’est un point positif. Maintenant, nous connaissons l’importance des matches à domicile en Afrique ; que l’évidence c’est de jouer rapidement à Ouaga.
C’est tellement important pour plusieurs raisons. Déjà, cela nous avantage sportivement mais aussi pour le peuple pour qu’il soit avec son équipe afin de permettre aux joueurs de se transcender dans les moments difficiles au cours du match. C’est tellement important.
Il y a un élément que j’ai évoqué pour le stade à Marrakech. Le jour où nous aurons le stade homologué à Ouaga, il faudrait songer à mettre une bonne pelouse parce que nous avons une équipe qui a l’habitude de jouer sur de bonnes pelouses, et c’est très important.
Libreinfo.net : Est-ce que vous êtes déjà inquiet pour la pelouse ?
Hubert Velud : Oui, parce que les dernières années, il y avait des petits problèmes. Elle (la pelouse) était moins bonne. Elle était un peu très lourde d’après ce qu’on m’a dit. Donc je suis très méfiant par rapport à la pelouse.
Libreinfo.net : Est-ce que vous en avez déjà parlé avec le ministère ?
Hubert Velud : Oui, à chaque fois que l’occasion se présentait, nous en avons parlé. Tout le monde adhère à ce que je pense et il n’y a pas de souci à ce niveau. Après, il y a des choses que je ne maîtrise pas sur la durée. Je ne maîtrise pas du tout le dossier. Moi, c’est juste ma volonté de vouloir jouer ici (Ouagadougou).
Libreinfo.net : Nous avons vu que votre dernière sélection a été vraiment apprécié au niveau de l’opinion burkinabè. Des gens ont trouvé que c’était une bonne sélection. Quel est votre secret ?
Hubert Velud : C’est rare, on ne me l’a jamais dit (rires).
Libreinfo.net : Ce qui est quand même rare…; nous avons vu trop de critiques sur la dernière sélection contre le Togo. Quels sont vos principaux critères pour la sélection des joueurs ?
Hubert Velud : Toutes les sélections, toutes les listes sont critiquées. Aucune liste n’est incontestable dans le monde entier. Donc, si vous me dites que ma sélection a été très appréciée, c’est très bien ça. Mais ce qui compte c’est de gagner les matchs.
Après les critères, c’est de suivre le joueur ; et il y a plusieurs critères… Déjà, il y a une ossature existante qui se connaît très bien et qui est un vrai groupe.
J’ai une certitude des 80 % de la liste. Ce qui me donne le plus de travail, c’est les 20% restants. Je dois choisir des joueurs qui jouent moins et qu’on connaît moins.
Et c’est un grand travail d’observation des états de forme, des temps de jeu et aussi des profils des joueurs par rapport aux 80 % de l’ossature. Je dois observer en fonction des besoins de l’équipe, des postes et des secteurs de jeu plus ou moins fragilisés et chercher des joueurs pour ces postes. C’est donc un travail journalier pour compléter le groupe.
Libreinfo.net : Vous avez été récemment à Bobo-Dioulasso pour assister à certains matches. Dans quelle dynamique s’inscrit cette visite ? Est-ce que c’est une visite de loisirs ou une visite professionnelle ?
Hubert Velud : L’idée est venue du président de la Fédération (FBF), qui m’a fait la proposition que j’ai jugée très intéressante. C’est une très bonne initiative de pouvoir délocaliser la conférence de presse mais aussi que le sélectionneur national aille assister à des matchs.
J’ai également rencontré des entraîneurs et c’était une super réunion à Bobo-Dioulasso. J’ai assisté à deux (2) matchs avant de tenir la conférence de presse. Tout le monde était ravi là-bas ; c’est-à-dire que tous les Bobolais m’ont bien accueilli.
C’est une excellente initiative parce que nous avons besoin de tout le monde, de tout le pays et de tout le Burkina derrière nous. Et le Burkina ce n’est pas que Ouaga, c’est tout le pays et nous jouons pour tout le pays. Il faut à cet effet faire l’union sacrée pour pouvoir se qualifier pour cette CAN et c’est très important.
Libreinfo.net : Mais comment appréciez-vous, de façon générale, le championnat national burkinabè ?
Hubert Velud : Il y a deux styles d’équipes en championnat national. Il y a tout d’abord les clubs historiques dans lesquels il y a un peu de pression et qui veulent des résultats à tout prix avec des joueurs expérimentés. Et à côté de cela, il y a les académiciens.
C’est deux (2) styles d’équipes différentes qui n’ont pas les mêmes objectifs. Elles se ressemblent dans le jeu et dans les matchs. Souvent les académies recherchent le jeu, l’attaque placée, la construction du jeu ; ce qui est intéressant pour la formation.
Et les autres sont beaucoup plus solides, ont plus d’impact physique et plus de réalisme. C’est vraiment un football un peu opposé mais ça donne quand même des matches intéressants. En tous cas, à Bobo, c’était des matches intenses et bien animés.
Libreinfo.net : Finalement, pensez-vous que le football burkinabè a de l’avenir avec ce que vous avez vu dans les centres ?
Hubert Velud : Oui, absolument et l’avenir, il est là. Ce que j’ai vu dans les centres et aussi la volonté de se donner les moyens pour construire des centres ; je peux dire que l’avenir du football burkinabè est complètement là.
Il y a quand même des gens, sur leurs fonds propres, qui ont construit des centres très performants. Et aussi, il y a quand même des joueurs qui sortent de ces centres pour les raffermir encore.
Mais sur le principe de construire des centres et de travailler là-dessus, nous sommes sur le bon chemin. Après, ça demande des moyens et tout le monde n’a pas les moyens de faire son propre centre. Cependant, l’Etat pourrait avoir une réflexion là-dessus pour essayer de développer la construction de centres de formation en football.
Je connais très bien le Togo et là-bas, ils ne sont pas du tout à ce niveau-là pour les centres de formations. Je pense qu’ils aimeraient qu’il y ait des gens qui investissent dans les académies chez eux, alors que chez nous, même si tout n’est pas parfait, nous avons quand même des académies existantes.
Libreinfo.net : Nous avons vu récemment un club burkinabè qui a joué un match avec 7 joueurs sur le terrain contre 11. Le match n’est pas arrivé à son terme et la raison qui a été avancée, c’est un problème de salaires. Parfois, on dit que c’est un problème général sur le continent africain…Vous, en tant que professionnel du foot, qu’est-ce que ça vous fait ?
Hubert Velud : Ah ! C’est catastrophique ! Ce n’est pas bon pour l’image mais aussi ça fausse le championnat. Ce n’est pas très sérieux ; donc il faut mettre des garde-fous pour ne pas que cela se reproduise. Ce genre de situation décrédibilise. Malheureusement, nous savons aussi qu’en Afrique, des fois, il y a des petits problèmes budgétaires.
Mais après les renseignements pris, est-ce qu’il s’agit véritablement d’un problème budgétaire ou pas ? Est-ce qu’il y a d’autres problèmes ou pas ? Je ne sais pas trop.
Il faut tout faire pour éviter ce genre de situation à l’avenir. C’est vrai que je n’ai pas compris cette histoire même si j’ai assisté au match. Je suis parti au bout d’une minute ; nous devons lutter, je ne sais pas de quelle manière, pour que cela ne se reproduise plus ; parce que ça pénalise même au niveau sportif, le championnat et c’est très embêtant.
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