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École burkinabè : le savoir drapé de pagnes locaux

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Au Burkina, le gouvernement encourage les établissements d’enseignement à adopter les tenues scolaires à base d’étoffes locales.  Pour cette année scolaire 2023-2024, des villes pilotes comme Ouagadougou ont été choisies pour le port du pagne Faso Dan Fani à l’école, pépinière d’où sortiront les futurs Burkinabè fiers de leurs cultures et consommateurs des produits locaux. L’exemple devrait irradier le reste du pays. Reportage…

Par Nicolas Bazié

Lycée privé Remalia Philagora, quartier Cissin de Ouagadougou. Il est 9h00 en cette matinée du vendredi 22 décembre 2023. 

Dans la cour, l’attention du visiteur est vite attirée par la tenue des centaines d’élèves. Tous sont habillés en Faso Dan Fani, couleur orange, rayures bleues. 

La chemise pour les garçons, la robe pour les filles. Depuis son bureau, Souleymane Bamba jette un regard admiratif sur les élèves qui dans une ambiance festive organisent leur arbre de Noël. 

Le directeur de cette école vieille de plus de 20 ans, est lui-même habillé en Faso Dan Fani. Au Lycée privé Remalia Philagora comme ailleurs, le Faso Dan Fani « pagne tissé de la patrie » en langue dioula, est porté chaque lundi. 

Le directeur du Lycée Remalia, Souleymane Bamba habillé en pagne Faso Dan Fani
Le directeur du Lycée Remalia, Souleymane Bamba habillé en pagne Faso Dan Fani

Un vieux projet du  directeur Bamba dont la concrétisation a été accéléré par la décision du gouvernement d’instituer l’étoffe locale comme tenue scolaire.  

« La décision vient à point nommé et va dans le sens de notre vision », nous explique  Souleymane Bamba qui affirme que le lycée n’a pas rencontré de difficultés particulières pour se conformer. Bien au contraire.  

Avec un effectif de 815 élèves répartis dans 15 classes pour cette année académique 2023-2024, l’établissement a appliqué la recommandation du gouvernement, avec sa touche particulière. 

Les tisseuses dont les enfants sont inscrits dans l’école ont été recrutées pour confectionner les tenues. Elles étaient 30 et ce sont elles qui ont tissé fil après fil, les plus de 800 pagnes en moins de deux mois.

« Cela a contribué à faciliter beaucoup de choses comme par exemple, le coût du pagne qui est de 4 500 FCFA et la disponibilité de ces pagnes », se réjouit le Directeur Bamaba qui ajoute que les parents d’élèves en plus du gain financier, sont contents d’habiller leurs enfants élèves qui également épousent l’idée, en dehors de toute contrainte.  

«La preuve en est qu’ici, les élèves portent le Faso Dan Fani presque tous les jours de la semaine alors que le port n’est obligatoire que les lundis. Ça, c’est une fierté », ajoute le  directeur, le sourire au coin.

Pleinement dans la vision…

Adama Issaka, élève en classe de 2nde dans cet établissement ne cache pas sa joie d’arborer chaque jour l’étoffe locale.

«  Nous portons africain, nous portons burkinabè»
«  Nous portons africain, nous portons burkinabè», Adama Issaka

«  Nous portons africain, nous portons burkinabè. Le pagne nous appartient, il est local. J’en suis particulièrement fier. Bien vrai que c’est un habit, mais je sens du Sankara en moi» s’émerveille le jeune élève.

Sa fierté est partagée par  Mathieu T. Paloa, un  Français également inscrit dans l’établissement Remalia Philagora.

En classe de Terminale, il a vite adopté la nouvelle tunique qui, selon lui, porte des valeurs. « Ce pagne contribue à la promotion de la culture burkinabè. Transposer la tradition à l’école est vraiment une bonne chose» apprécie l’élève Paloa qui nous fait la confidence qu’en dehors de l’école, il reçoit régulièrement les appréciations positives de personnes fières de voir « un blanc » adopté le Faso Dan Fani. 

‘’Révolution’’ vestimentaire

Autre lieu, même engouement. Lycée Thomas Sankara. Au-delà du nom, l’idée est  d’épouser les idéaux du chef de la révolution d’août 1983, Noël Isidore Thomas Sankara.

Dans cet établissement d’enseignement scolaire créé en 2015 et situé dans le quartier Karpala de Ouagadougou, on tente d’implémenter un  pan de la vision du Capitaine Président : Le consommons local. Notamment dans le choix du tissu de la tenue scolaire depuis des années. 

Lycée Thomas Sankara.
Le Lycée privé Thomas Sankara.

Pour paraphraser le leader de la révolution, on pourrait dire que la matière première, le coton est cultivé par les agriculteurs burkinabè, les fibres tissées par les tisserands burkinabè, et les bandes cousues par des couturiers burkinabè pour habiller des écoliers burkinabè. 

Depuis 8 ans maintenant, tous les élèves, de la classe de 6e à la Tle, portent des chemises en Faso Dan Fani. Un lycée avant-gardiste, pourrait-on dire. 

Le lycée Thomas Sankara a signé un ‘’partenariat’’ avec des tisserands, qui, à chaque rentrée scolaire, travaillent à  satisfaire la demande. Cette année scolaire par exemple, le lycée compte plus de 500 élèves. Tous devront respecter le ‘’dress code’’ : la chemise en cotonnade locale de couleur blanche avec des rayures noires. 

Le motif de pagne Faso Dan Fani choisi par le Lycée Thomas Sankara exposé dans la salle de réception de l'établissement
Le motif de pagne Faso Dan Fani choisi par le Lycée Thomas Sankara exposé dans la salle de réception de l’établissement

« Les tisserands ont été ciblés dans les quartiers. Ensuite, nous les avons invités au sein de l’établissement pour leur présenter notre projet », explique le proviseur Parfait Bationo. Le projet «révolutionnaire» séduit ces derniers qui acceptent d’être les fournisseurs du lycée.

Heureux comme un tisserand

«Beaucoup ont été appelés, mais peu ont été retenus», pour paraphraser les saintes écritures. Parmi les tisserands retenus par le Lycée Thomas Sankara, Abdoul Aziz Ouangrawa.  Depuis 2017, ce jeune homme tisse et fournit des pagnes Faso Dan Fani au lycée.

Abdoul Aziz Ouangrawa tenant la tenue du Lycée Thomas Sankara
Abdoul Aziz Ouangrawa tenant le motif de pagne Faso Dan Fani du Lycée Thomas Sankara

Cette année, le lycée en a commandé plus de 200. Il nous reçoit dans son atelier de couture et de vente de vêtements, à Karpala. «Je suis né dans ce métier. Cela fait 30 ans que je l’exerce. C’est un héritage légué par mes parents», nous informe-t-il. 

Quand il y a une grosse commande comme celle du Lycée Thomas Sankara et pour respecter les délais impartis, le tisserand et styliste Ouangrawa travaille avec sa famille dont certains membres tissent également.

Avec  Abdoul Kader Ouangrawa, un de ses frères, Aziz nous amène dans deux maisons différentes, pour constater le travail qui est fait. Alors que certains filent le coton, d’autres sont en train de tisser. Filles et garçons sont à la tâche. L’ambiance est studieuse.

A un jet de pierre de l’atelier des  frères Ouangrawa, nous rejoignons Caroline Kafando dans son lieu de travail. Il est 12h et le son cadencé de son métier à tisser brise le calme apparent dans la ruelle qui mène  au domicile. Installée à l’ombre d’un manguier, dans une position assise, dame Kafando est en plein tissage. 

Nous observons les lisses actionnées par deux pédales, les fils de chaîne enroulés sur une bobine « ensouple » avec un fouet actionné par une poignée qui chasse la navette. 

Caroline Kafando assise devant son métier à tisser
Caroline Kafando assise devant son métier à tisser

Cela fait une dizaine d’années qu’elle est dans le domaine et 5 ans maintenant qu’elle livre des pagnes Faso Dan Faso à certains établissements de la capitale.

Cette année scolaire par exemple, dame Kafando a reçu une commande de 100 pagnes d’un lycée. Visiblement débordée par le travail, elle explique avoir accusé un retard dans la livraison, pour cause de maladie. Alors, elle met les bouchées doubles. 

Une petite économie locale dynamisée par des établissements, par une volonté, une décision.

Convaincre par la pédagogie 

Le 9 août 2023, en conseil des ministres, le gouvernement a décidé de l’institution du Faso Dan Fani comme tenue scolaire dans les établissements d’enseignement publics et privés des villes urbaines comme Ouagadougou, Bobo Dioulasso, Koudougou et la commune rurale de Sabou. C’est une phase pilote. 

La mesure s’inscrit dans le cadre de la mise en œuvre du décret n°2023-0647/PRES-TRANS/PM/MEFP/MDICAPME du 02 juin 2023 portant promotion du port du Faso Dan Fani, du Koko Dunda et autres tissus traditionnels.

L’option préconisée dans cette dynamique est celle progressive, non contraignante. « Le port du Faso Dan Fani se fera tous les lundis, jours de la montée des couleurs. Le choix du motif et des couleurs est laissé à l’appréciation de chaque établissement scolaire», a-t-on pu lire dans le compte rendu du conseil des ministres.

Mais, à ce stade, « aucun apprenant ne sera exclu de l’école du fait du non-respect de la mesure du port du Faso Dan Fani. Rien ne sera imposé aux Burkinabè parce que nous sommes conscients qu’une telle mesure doit être acceptée de l’ensemble des Burkinabè », rassurait l’ancien ministre de l’Éducation nationale, André Joseph Ouédraogo, le 11 août 2023, lors d’une conférence de presse à Ouagadougou.

Faso Dan Fani scolaire
L’ancien ministre de l’Education nationale Joseph André Ouédraogo

André Joseph Ouédraogo invitait surtout tous les élèves à «porter fièrement cette tenue » et tous les Burkinabè à soutenir l’initiative.

Lire aussi : BURKINA : PORT DU FASO DAN FANI EN MILIEU SCOLAIRE, VOICI LES VILLES CONCERNÉES

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