La Cour constitutionnelle du Togo a confirmé hier, voix pour voix, les résultats provisoires des élections législatives et régionales du 29 avril dernier. Aucune surprise, aucune modification au sujet des 108 sièges de députés remportés par l’Union pour la République (Unir, au pouvoir). Les recours formulés par l’opposition, qui ne récolte que cinq sièges dans cette Assemblée nationale très « vague bleue », ont tous été rejetés…
Une nouvelle brique vient d’être posée pour l’édification de la cinquième République au Togo. Une nouvelle ère qui fait basculer le pays dans un régime parlementaire, au cœur du débat des élections législatives et régionales du 29 avril 2024. La modification de la Constitution à la veille du scrutin a en effet transformé les urnes de ces consultations en un référendum pour ou contre la nouvelle direction institutionnelle formatée par le pouvoir en place, et très décriée par l’opposition et par une partie de la société civile.
L’Union pour la République (Unir) du président Faure Essozimna Gnassingbé tient donc sa victoire. Mais quelle victoire ! Un raz-de-marée électoral qui lui confère définitivement, selon les résultats confirmés par la Cour constitutionnelle ce 13 mai, 108 des 113 sièges de députés, soit 95,57 % des voix, au sein de la nouvelle Assemblée nationale. L’Unir rafle en plus 137 conseillers régionaux sur 179, à l’issue de ces élections dont la participation est établie à 61 %.
Si l’opposition continue de dénoncer une « mascarade électorale », les témoignages restent constants sur le calme dans lequel se sont déroulées les opérations de vote. Au final, les fraudes révélées ont été balayées du revers de la main par la Cour constitutionnelle. Le parti présidentiel effectue ainsi un véritable triomphe, même au niveau de la capitale, Lomé, traditionnellement acquise à l’opposition.
Une opposition laminée
« Des gens ont été convoyés de l’intérieur du pays pour venir voter par dérogation à Lomé, alors qu’ils ne remplissaient pas les conditions », affirme à ce sujet Brigitte Adjamagbo Johnson, coordinatrice de Dynamique pour la majorité du peuple (DMP, opposition). Pas du tout, rétorque Pascal Bodjona, conseiller politique de Faure Gnassingbé, qui pense que « le résultat du parti Unir est dû au fruit d’un travail constant, d’une occupation du terrain ». De plus, ajoute-t-il, « les populations ont été charmées par les actions des députés et conseillers régionaux sur le long terme ».
À présent que la messe est dite, que peut bien faire l’opposition à l’Assemblée nationale avec ses cinq sièges de députés dans cette vague bleue ? Et comment peut-elle faire pression dans les régions avec seulement 42 conseillers sur 179 ? Les semaines et mois à venir permettront sans doute de dessiner la tendance, une fois que les résultats définitifs seront publiés au Journal officiel de la République du Togo et que les nouveaux députés seront installés dans leurs fonctions.
En fait, on s’interroge beaucoup maintenant sur la suite des évènements. En effet, la nouvelle Constitution est promulguée depuis le 6 mai par le président de la République et les élus du 29 avril devraient bientôt occuper les travées du parlement. Le Togo est donc de facto, indiquent plusieurs observateurs, dans la cinquième République et est désormais portée par un régime parlementaire.
Cependant, ce parlement, pour être complète, doit attendre la désignation des sénateurs qui composeront sa seconde chambre. La nouvelle Constitution dispose en effet que le sénat « est composée pour deux tiers de ses membres de personnalités élues par les représentants des collectivités territoriales et pour un tiers de ses membres de personnalités nommées par le Président de la République sur proposition du Président du conseil ».
Démission ou pas ?
Il va donc falloir attendre l’élection-désignation de ces deux personnalités qui dirigeront le pays pour la mise en place de la seconde chambre du parlement. Mais comment opérer cette alchimie alors que la même Constitution indique que « le Président de la République est élu sans débat par le Parlement en séance conjointe de ses membres » ?
Christian Spieker, président de l’association Germany is back, avait justement indiqué, dans une longue note explicative, qu’il faudrait de nouvelles élections législatives en 2025. Il y a donc lieu d’attendre, indique-t-il, la fin du mandat actuel du chef de l’État, qui court jusqu’en 2025, pour que « les nouvelles autorités du régime parlementaire sortent dans une nouvelle élection législative ». Mais, précise-t-il, le président de la République a également « la possibilité de démissionner avant la fin de son mandat afin que les nouvelles autorités soient mises en place ».
On entre donc dans une période de transition, ainsi que l’indique aussi Pascal Bodjona, conseiller politique du président de la République, qui estime que cette nouvelle Constitution « diminue les tensions qui sont souvent malheureusement dues, dans nos pays, à la fixation sur la fonction présidentielle ». En tout cas, jusque-là, on attend le canevas programmatique de la mise en œuvre effective des nouvelles institutions qui devraient ouvrir le véritable compteur de la cinquième République au Togo, avec un parlement complet, composé de l’Assemblée nationale et du sénat.
Il faut rappeler que la Constitution adoptée en seconde lecture par l’Assemblée nationale sortante le 19 avril dernier octroie la réalité du pouvoir à un président du Conseil des ministres, poste réservé au chef du parti majoritaire à l’Assemblée nationale. Quant au président de la République, il jouera simplement un rôle honorifique.