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[Interview] : retrait du Burkina Faso, du Mali et du Niger de la Cedeao, ce que pense Mélégué Traoré

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L’ancien Président de l’Assemblée nationale du Burkina Faso et ambassadeur Mélégué Traoré a accordé une interview à Libreinfo.net dans laquelle il donne sa lecture du retrait du Burkina Faso, du Mali et du Niger de la Cedeao. Il explique les enjeux de part et d’autre.

Propos recueillis par Daouda Kiekieta

Libreinfo.net : Le Burkina Faso, le Mali et le Niger viennent de quitter officiellement la CEDEAO, comment appréciez-vous cette décision des 3 pays de l’Alliance des Etats du Sahel (AES) ?

Mélégué Traoré : Je n’ai pas d’appréciation spéciale sur l’évènement, je suis comme tout le monde. Le fait est qu’on ne s’y attendait pas. C’est vrai. On ne s’attendait pas à une telle décision en ce moment. Mais en politique étrangère et en diplomatie, il n’y a pas de véritable surprise.

Tout est potentiellement possible. La vérité est que le sujet est tellement important qu’il va faire l’objet de débats pendant des mois, voire des années, au Burkina, aussi bien qu’au Mali et au Niger, mais également dans les pays voisins et en Afrique.

Ce qui est incontestable, c’est que ces trois pays sont dans une situation tellement difficile depuis une décennie au plan intérieur, du fait du terrorisme, que tout ce qui aux yeux des gouvernements peut aider à sortir de la situation, on le fait sans hésiter.

La crise dans laquelle nos pays se trouvent plongés, est de nature existentielle. Il s’agit d’une crise qui peut remettre en cause l’existence même des États ; pas physiquement bien sûr ; mais comme acteurs effectifs au plan interne, et respectés au plan international.

C’est une crise qui remet en cause beaucoup de choses et de certitudes au sein de ces trois États. C’est pour cette raison que j’estime que le sujet est capital.

La décision des gouvernements sahéliens fera resurgir de vieilles questions, telles que celles de la nature de la CEDEAO et de son fonctionnement, mais peut-être surtout, celle de l’intégration régionale et de l’unité africaine ou du panafricanisme, et des modes de gouvernance des Etats africains, ainsi que du régionalisme, qu’il s’agisse de la coopération ou de l’intégration régionale.

Libreinfo.net : Est-ce que le retrait de la CEDEAO ne répond pas à l’adage qui dit qu’il ne faut pas casser le thermomètre pour croire qu’on pourra faire baisser la fièvre? Est-ce que c’est la CEDEAO qui est le problème dans la lutte contre le terrorisme ? 

Mélégué Traoré  : Méfiez-vous des adages ! Cela étant, non ; évidemment, la CEDEAO n’est pas le problème dans la lutte contre le terrorisme. Mais elle aurait dû compter au nombre des solutions.

Le problème du terrorisme est d’abord interne aux Etats avant d’être exogène. C’est la tenue même de ce que sont les États et leur gouvernance qui sont en cause. La tenue de l’État burkinabè, de l’État malien, l’État nigérien.

Il n’y a pas de réponse absolue à ce type de questionnements dans un pays, dès lors qu’il est investi par le terrorisme. «Détruisez tout, ne restera que ce qui est fondamentalement bon». Au XIXe siècle, c’était là, la devise de Netchaïev, le maître nihiliste et son fidèle Bakounine : le théoricien et le praticien en chef du terrorisme en Europe.

C’est pour cette raison que je dis que la crise est existentielle. Cela dure depuis une dizaine d’années pratiquement. Disons qu’au Burkina Faso en gros, depuis le départ de Blaise Compaoré du pouvoir, la tenue de l’État pose beaucoup de questions ; c’est indiscutable.

Est-ce qu’il fallait aller aussi loin que la cassure avec la CEDEAO? Je suis dubitatif face à cette question et cela reste à discuter. C’est vrai que je n’ai pas toutes les informations. On va en discuter encore pendant longtemps ici. Mais il n’y a rien de définitif en diplomatie ; il n’y a rien de définitif pour l’Etat, surtout dans les rapports avec les autres acteurs étatiques et les organisations internationales.

La décision qu’on prend aujourd’hui, qu’elle ait été prévisible ou non, qu’elle soit juste ou pas, peut être remise en cause demain, si un jour un nouveau gouvernement estime qu’il faut faire l’inverse. C’est dommage, mais c’est ainsi.

Cela ne me gêne pas tellement, à condition que l’Etat continue d’exister sans être altéré dans son Être et dans ses fondamentaux. Le reste, c’est de l’évènementiel et du circonstanciel.

Libreinfo.net : La CEDEAO rappelle que selon ses textes, il faut une notification pour acter le retrait. Est-ce que vous pensez que la CEDEAO peut ne pas reconnaître cette décision de retrait ?

Mélégué Traoré : Vous savez, les textes en Afrique ! Non non, la CEDEAO n’a pas le choix, elle n’y peut rien. De toute façon, les délais paraissent respectés en la circonstance. L’annonce du retrait d’une organisation ne veut pas dire que l’effet commence avec elle.

Nos dirigeants le savent ; ils ont des experts autour d’eux : ils savent qu’il faut commencer par l’annonce et que c’est à partir de la notificaton à l’organisation que le délai d’un an court.

Autrement, aucun partenaire, les autres Etats comme les organismes internationaux, n’auront plus confiance en la parole, à la signature et aux engagements du Burkina Faso. Il fallait donc la notifier à la Commission de la CEDEAO ; il ne fallait pas seulement faire l’annonce. C’est ce qui est fait, si on en croit les informations rendues publiques.

Nos autorités ont fait ce qu’il fallait faire. Donc cela, n’est pas le côté gênant. Pendant un an, les obligations des trois pays vis-à-vis de la CEDEAO restent valables. C’est au bout d’un an après la notification, qu’elles ne les seront plus. Donc cela n’est pas un gros problème.

Libreinfo.net : Même quand les trois pays disent que le retrait est « sans délai »!

Mélégué Traoré : Ils ont dit « sans délai » ; c’est une façon de parler, si on s’en tient à la rupture politique, mais pourquoi l’ont-ils notifié à la CEDEAO ? On est alors dans le verbe, la réalité peut-être sensiblement différente.

Nos dirigeants, les trois chefs d’État, le savent bien ne serait-ce que pour l’avenir que personne ne maîtrise. Je trouve que c’est assez bien mûri de ce côté, de leur part, parce qu’ils ne se sont pas dérobés à l’obligation de notifier le départ des trois pays de la CEDEAO.

Ils auraient pu dire, « on se retire », tout court. Mais nos trois pays ont signé et ratifié le traité qui a institué la CEDEAO.

Libreinfo.net : Et après ?

À la CEDEAO telle qu’elle a été construite au départ, il y a des pays qu’on ne peut pas contourner facilement, et le Burkina Faso en fait partie, d’où justement le caractère inédit de la décision de rompre avec elle, qui en même temps soulève beaucoup de questions. Car le Burkina Faso fait partie du centre nerveux du groupe fondateur de l’organisation ; les deux autres Etats aussi d’ailleurs.

On n’aurait pas pu créer et édifier la CEDEAO en 1975, on n’aurait pas pu l’établir à l’époque, sans la Haute-Volta. Quand je dis le Burkina Faso, c’est au sein d’un noyau de pays autour de la Côte d’Ivoire.

Chaque État membre de l’AES a décidé son retrait de l’organisation communautaire, mais en réalité, ils se sont sans doute concertés pour cela. Donc je ne crois pas qu’il y ait un problème du côté de la procédure. Et s’ils en sont arrivés à une telle décision, c’est qu’il y avait des raisons de fond de le faire.

Ce n’est pas le genre de décisions qu’un gouvernement prend au hasard et dans la précipitation. Cela n’empêche évidemment pas le débat sur le bien-fondé de la décision

Libreinfo.net : Pourquoi le Burkina Faso est selon vous incontournable dans la CEDEAO ?

Mélégué Traoré : C’est pour des raisons géo-politiques. Il faut bien observer que le Burkina Faso c’est géographiquement le nucléus de l’espace Afrique de l’Ouest.

C’est pour cette raison, je le dit dans plusieurs de mes écrits, qu’aucune construction interétatique en Afrique de l’Ouest, qui a l’ambition d’être vraiment sous-régionale, ne peut prospérer longtemps sans le Burkina Faso. Ou en tout cas, elle le fera avec difficulté.

C’est aussi pourquoi toutes les grandes décisions qui touchent à la CEDEAO dans ses fondations, impliquent une responsabilité lourde pour notre pays. Le Burkina Faso ne peut pas casser la CEDEAO, parce qu’il n’en a pas les moyens, mais le Burkina Faso peut empêcher la CEDEAO de tourner en rond, à cause de sa position géographique.

Les flux, qu’ils soient économiques, sociaux ou politiques en Afrique de l’Ouest, passent tous par le Burkina Faso, et de manière plus large, par l’espace de l’AES.

C’est pour cette raison que notre pays est important et c’est également pour cela que la décision qui a été prise est déterminante pour nous. Elle est ainsi dangereuse pour la CEDEAO elle-même, à moins que cet organisme ne se reforme.

Libreinfo.net : D’aucuns parlent déjà d’une volonté des trois chefs d’État militaires au pouvoir de ne pas aller aux élections et se dérober de ces élections en annonçant leur retrait de la CEDEAO. Que dites-vous ?

Mélégué Traoré : Il ne faut pas tout confondre ; tout n’est pas dans tout. Je pense qu’il n’y a pas de lien entre les deux choses. Il est possible que ce lien existe, mais c’est moi qui ne le vois pas, et qui n’y crois pas. Je ne crois pas que les chefs d’État de l’AES aient agi pour éviter qu’on les emmerde encore avec cette question des élections.

De toute façon, ce problème de scrutin est incontournable dans n’importe quel État moderne aujourd’hui. Il n’y a plus aucun État au monde, quel que soit son système politique et son régime politique, qui puisse se dérober de nos jours, longtemps à l’obligation d’organiser des  élections.

Ce que les dirigeants des États font habituellement, c’est qu’ils trouvent des mécanismes, non pas pour contourner les élections, mais pour les maîtriser et les contrôler, quitte à tricher et à frauder.

Tout à l’heure, vous avez dit que parmi les pères fondateurs de la CEDEAO figuraient plusieurs militaires. C’est vrai ; mais le droit international ne reconnait pas des régimes, civils ou militaires. Il ne reconnait que des États.

Leur gestion interne relève de la souveraineté de chaque État. Si un pays décide, quel que soit son système de gouvernement, d’être dirigé par des militaires, qu’est-ce que vous y pouvez ? Il est souverain.

J’entends des gens dire : « oui c’est vrai, même le chef de l’Etat l’a dit hier : à la création de la CEDEAO, les chefs d’État militaires étaient en nombre ». C’est exact, mais c’est une façon curieuse de voir les choses, parce que si vous prenez notre cas, c’est Aboubacar Sangoulé Lamizana qui était le chef de l’Etat en 1975.

Mais à l’époque, Lamizana n’était plus vraiment un chef d’État militaire. Il était devenu de facto un chef d’État civil. D’ailleurs c’est  en partie ce qui a facilité le fait qu’il se présente sans difficulté à la présidentielle de 1978. Il est vrai que formellement, il avait quitté l’armée.

Libreinfo.net : de part et d’autre, chacun reconnaît que ce retrait aura des conséquences. À votre avis, quelles sont les conséquences que les États de l’AES et la CEDEAO devraient s’attendre ? 

Mélégué Traoré : Je commence par la CEDEAO. Les trois États en un ensemble, dont on parle, l’AES, n’est que l’institutionnalisation d’un espace qui est central du point de vue géographique en Afrique de l’Ouest.

Cet espace, on l’appelait avant, l’hinterland de l’Afrique de l’Ouest. L’AES correspond exactement à cet espace et à ce territoire qui a existé et que tout le monde semble oublier aujourd’hui.

Il s’agit du Haut-Sénégal-Niger, qui avait été créé en 1904 par le colonisateur français. C’est une partie de ce territoire que la France a détachée pour ériger la Haute-Volta en1919. Il s’appelait le Haut-Sénégal-Niger. Il englobait pour l’essentiel, les territoires des trois pays actuels de l’AES, avec le Mali comme centre, Kaye, ensuite Bamako étant la capitale.

Forcément, que la CEDEAO perde un tel espace en son centre, n’est bon pour elle, ni en image, ni en termes d’effectivité même de l’organisation. Par exemple, si vous prenez les flux migratoires pour l’essentiel, ils partent de ces pays.

Tout ce qu’on peut rattacher comme avantages ou désavantages aux flux migratoires et à la circulation des personnes et des biens, implique et intègre l’espace de l’AES.

Cela dit, le départ du Burkina, du Mali et du Niger, peut faire l’objet de plusieurs lectures. Même sans ces trois pays, la CEDEAO continuera sans doute à exister. Ce ne sont pas des pays importants de la CEDEAO, en termes de puissance ou d’effectivité commerciale, économique, militaire et d’influence diplomatique ou militaire.

Comme je le fais observer souvent, la seule ville de Lagos est peuplée de 20 millions d’habitants. Elle est plus riche que le Burkina Faso, le Mali ou le Niger pris individuellement. C’est dire que quelque part, la CEDEAO va subir, surtout aux plans de l’image et politique, des dommages ; ce n’est pas bon pour elle.

Mais du point de vue fonctionnel et de l’existence de l’organisation, cela ne remet rien en cause, contrairement à ce que beaucoup pensent ou disent.

La CEDEAO peut se passer du Burkina, du Mali et du Niger. Cette défection ne sera pas bonne pour l’organisation, mais celle-ci peut la dépasser. Et contrairement à ce que j’entends ou lis également, sauf surprise, le départ des trois Etats centraux, n’en provoquera pas d’autres.

Libreinfo.net : Et qu’en est-il des trois États en partance ?

En revanche, ce sera un peu plus difficile pour nos trois États. Ce sont des pays enclavés ; aucun n’a d’accès à la mer. Les biens que l’on achète dans les boutiques et dans les marchés dans nos pays, viennent en bonne partie des pays côtiers.

On ne peut pas ne pas tenir compte de cela. Et nous particulièrement, le Burkina Faso, qui est un pays d’émigration massive. Or le réceptacle des migrants est constitué de ces pays côtiers; c’est aussi là que se trouvent le travail, l’emploi et les richesses.

Conséquences, de ce côté là, il est clair que ce sera difficile. En tout cas, sur le plan économique, cela va être difficile à gérer. Tout le monde le sait ; que ce soit le chef de l’Etat, le Premier ministre, le gouvernement ou le Parlement et la population. Surtout qu’on ne s’est pas préparé longtemps à l’avance pour ce qui est en train d’arriver.

Une décision aussi lourde se prépare pendant plusieurs années. Le Brexit dont on parle tant en Europe, avait été préparé longtemps par le Royaume-Uni.

Par conséquent, c’est tout une autre manière de s’organiser et un nouveau fonctionnement de l’État qu’il va falloir mettre en place. Et cela, croyez-moi, ça ne sera pas aisé. Mais quand on est souverain, on s’assume et on assume sa souveraineté, en positif comme en négatif, en agrément, comme en désagréments. C’est ce qui va se passer, qu’on le veuille ou non, si la rupture est maintenue, et si elle dure ou s’installe dans la permanence.

Il faut s’y préparer. Mais, remarquez ; l’histoire du Burkina, c’est une lutte permanente contre l’adversité ; elle consiste à relever les défis, aussi rudes soient-ils. On y est habitué ; mais cela ne veut pas dire qu’on peut tout faire.

Libreinfo.net : Ici les autorités disent avoir longuement mûri la réflexion avant d’annoncer le retrait, est-ce que cela souffre encore d’inquiétude ?

Mélégué Traoré : Ah si…le gouvernement le dit … Mais les Burkinabè ressentent ce qu’ils ressentent et c’est cela aussi la réalité à la base dans le corps social. Cette réalité aujourd’hui au Burkina Faso, au Niger et au Mali, est la suivante : qu’est-ce que les populations ressentent ? Qu’est-ce qui va toucher la population dans les zones frontalières, mais aussi dans toutes les régions des pays sahéliens que nous sommes.

L’économie malienne est lourdement dépendante du Sénégal, et celle du Niger est tellement sous la coupe du Bénin ! Quant au Burkina Faso, il a été créé comme appendice de la Côte d’Ivoire en 1919. Notre pays n’avait pas été érigé pour se développer un jour, mais pour développer la terre d’Eburnie, la Côte d’Ivoire.

Ce sont les Burkinabè qui au forceps, se sont mis à développer ce pays De toute les façons, on sera obligé de trouver de nouveaux mécanismes de coopération avec les pays côtiers et la CEDEAO. Simplement, ce ne sera plus dans le cadre de la CEDEAO. Reste à savoir si les Burkinabè s’en sortiront mieux que ce que nous vivons.

Les rapports bilatéraux ne pourront pas toujours remplacer une dynamique communautaire dans tous les domaines et sur toutes les échelles. Il faut en être conscient.

Regardez, comme par hasard, j’ai ici mon passeport diplomatique que voici. La couverture porte d’abord le titre, « Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest ». Même nos passeports ordinaires sont mis sous le magistère de la CEDEAO.

C’est avec ces passeports que nous circulons à travers le monde. C’est pour vous dire que forcément, la rupture aura des conséquences et certaines seront amères. On ne peut éviter ces conséquences ; il nous faudra les assumer.

Libreinfo.net : Mais on voit une population en liesse sur la toile qui salue l’initiative du retrait de la CEDEAO

Mélégué Traoré : Oui, la liesse est incontestable et c’est généralement comme cela en Afrique aujourd’hui. Mais l’enthousiasme ne remplace pas la réalité du quotidien. Et puis, souvent les gens applaudissent ce qu’ils ne connaissent pas, ou approximativement seulement.

Bien sûr, voir un petit pays comme le Burkina Faso prendre son courage et son destin en main avec deux autres États faibles, évidemment, cela rend tout le monde fier de quitter la CEDEAO.

Sauf que le lendemain matin, c’est plus compliqué. Ça le sera quand on ira au marché, ou qu’on voudra voyager en Côte d’Ivoire, au Ghana, au Bénin, au Togo, au Sénégal, en Guinée ou au Nigéria, et que nos opérateurs économiques voudront faire des commandes dans ces pays.

Et puis, il faut faire attention aux médias ; je suis navré de vous le dire, car vous êtes des hommes de médias de qualité, et que vous faites admirablement votre boulot. Il faut faire très attention aussi aux réseaux sociaux, parce que tout cela peut être trompeur ou ambigüe.

L’enthousiasme dont l’on fait montre dans de tels cas, peut ne pas être durable car c’est la gestion de l’ambiance. Cela fait partie du subjectif. On voit ça dans tous les pays africains. Le vrai enthousiasme, on verra dans quelques semaines ou quelques mois s’il se maintient ou pas.

C’est pourquoi je pense qu’il faut faire preuve de sang froid, et la seule question à se poser est de prendre du recul par rapport à l’événement. Et de faire en sorte qu’on s’interroge sur ce qu’on doit faire désormais, comme il faut se demander comment en est-on arrivé là.

C’est sur cela que le gouvernement et l’élite devraient réfléchir et débattre désormais. Ceux qui sont pour, comme ceux qui sont contre la rupture. Dans tous les cas, le Burkina ne va pas disparaître, et c’est nous qui allons faire face aux problèmes, personne d’autre.

Au lieu de gémir et de pleurnicher sur l’événement et sur notre sort, il faut le gérer, mais pas dans la naïveté. Et ça, c’est un énorme défi pour tout le monde, mais pour les élites surtout.

Je ne crois pas que ça sera facile, et en tout cas, on ne se passera pas de trouver les mécanismes de coopération dont je parle. Il faudra bien vivre avec la CEDEAO et des pays comme la Côte d’Ivoire, le Ghana, le Bénin, le Togo et le Nigéria qui sont les poumons économiques du Burkina.

Les spécialistes de géopolitique savent bien qu’il n’y a que quatre véritables mini-puissances sous-régionales en Afrique de l’Ouest. Il s’agit du Nigéria, du Ghana, de la Côte d’Ivoire et du Sénégal. C’est comme ça, qu’on le veuille ou non.

Les autres États sont des acteurs de second rang. Quand vous allez à l’ONU, lorsque la plupart des chefs d’Etat d’Afrique de l’Ouest font un discours, il n’y a personne dans la salle de l’Assemblée générale pour les écouter.

Il n’y a pas grand monde, sauf quelques Africains, parfois de passage. Mais il y a chef d’État et chef d’État. Quand le chef d’État du Nigéria fait une intervention, croyez-moi, on fait tout de suite la différence avec les chefs d’État du Mali, du Burkina ou du Niger ; pareil pour le Ghana, le Sénégal et la Côte d’Ivoire.

Les États membres de l’AES sont des acteurs des relations internationales, il est vrai, mais il s’agit d’acteurs mineurs et de second ordre. Mais, remarquez que je vous parle ici comme spécialiste des relations internationales et non comme membre de l’élite et des  Burkinabè intellectuels.

Tout cela dit, j’ai toujours été fier de servir mon pays comme diplomate de métier et de carrière, y compris à l’ONU quand j’y vais.

Libreinfo.net : La CEDEAO a de grands projets communautaires dans les États de l’AES, quel est l’impact de ce retrait sur ces projets ?

Mélégué Traoré : Le départ des États de l’AES de la CEDEAO va indubitablement affecter les projets communautaires dans lesquels ils sont parties prenantes. Le retrait brusque des trois pays qui ne sont pas éloignés les uns des autres, car il y a un continuum géographique entre eux, va porter un coup rude aux projets.

Leur retrait tout d’un coup, comme c’est le cas, aura un impact négatif à un niveau ou à un autre. Certes, lorsque vous regardez la plupart des projets, la part du Burkina, du Mali et du Niger, en dehors de l’aspect formel, y est relativement faible lorsqu’ils ne sont pas directement concernés.

Mais ces projets ne vont pas renforcer leurs performances avec la création de l’AES ; bien au contraire. Puis, il y a le problème des millions de Burkinabè, de Nigériens et de Maliens émigrés dans les pays de la façade atlantique, sans compter les fonctionnaires internationaux de la CEDEAO, ressortissants des trois États en question.

La libre circulation des personnes et des biens est l’un des grands acquis de l’intégration communautaire. C’est la plus effective en Afrique en comparaison avec les autres sous-régions.

Dans la nouvelle situation, les travailleurs de ces organisations qui sont burkinabè, nigériens ou maliens, vont devenir quoi ? Il faut que les trois gouvernements prennent ce dossier en mains. Dans un tel domaine, la diplomatie tribunitienne et le discours à vocation politique ne suffisent pas. Il faudra inventer de nouvelles approches.

Libreinfo.net : Que faire alors ?

Pour prendre en charge les nouvelles données, il faut en tout cas compter avec la volonté déterminée des gouvernants, notamment celle des chefs d’État avec les gouvernements, et la résilience des populations.

Nous sommes obligés d’être résilients dans une telle situation. C’est une résilience forcée. Il faut bien se le dire, nous sommes devant un défi inédit. Nos initiatives doivent elles aussi, être inédites.

C’est peut-être là que je m’inquiète le plus. Je m’inquiète parce que si vous écoutez la plupart des intellectuels au Burkina Faso, en dehors du cercle des inconditionnels du gouvernement, ils sont sceptiques ou carrément contre cette décision de partir de la CEDEAO.

Quand vous discutez avec eux, beaucoup se demandent si on n’est pas entrain de faire un saut dans l’inconnu. En tout cas, il faut s’attendre à des lendemains difficiles, et savoir gérer la nouvelle situation. Il reste que de toute façon, le Burkina est habitué à gérer son développement malgré les difficultés de touts sortes ; on va donc continuer ainsi.

Libreinfo.net : Les pays qui se sont retirés ont dénoncé l’abandon de certains idéaux par la CEDEAO, dont la solidarité et l’entraide dans la lutte contre le terrorisme. Est-ce que ce retrait est une garantie forte pour la lutte contre le terrorisme ?

Mélégué Traoré : Évidemment non. Nous n’avons pas pu battre les terroristes en étant dans la CEDEAO, comment allons-nous les battre quand on sera hors de l’organisation ? La question n’est pas là. Je suis sceptique sur ça.

Sauf si évidemment, nous trouvons de nouveaux pays ou des organisations internationales alliés, et si nous nous organisons différemment de ce que nous faisons jusqu’à présent.

Cela dit, les trois gouvernements ont tout – à – fait raison sur la question du combat contre le terrorisme. Le principal reproche fait à la CEDEAO et qui est incontestablement fondé, c’est qu’elle n’a rien fait depuis une décennie pour apporter son aide, notamment militaire, aux trois États aux prises avec le terrorisme.

Il est paradoxal, aux yeux des populations, mais pas seulement elles, qu’au même moment, l’organisation ait trouvé des moyens et des armes pour envisager une intervention militaire au Niger afin de réinstaller un président déchu.

Le simple fait que les gouvernements de trois États fondateurs de l’organisation la quittent aussi brutalement, interpelle la Communauté. Celle-ci est devenue trop administrative. L’institutionnel et le fonctionnement organique l’emportent sur la raison d’être de l’organisation et le contenu des politiques d’intégration communautaire. Personne ne peut nier le bien-fondé de ce reproche que les trois pays dissidents font à la CEDEAO.

Libreinfo.net : Est-ce qu’il y a déjà de nouveaux alliés quand on voit que la Russie est bien appréciée au Burkina, au Mali et au Niger ?

Mélégué Traoré : Oui certes, et il y en aura toujours. Mais, qu’est-ce qu’il y a de nouveau dedans ? La Russie n’était pas là avant ? Ce qu’on reproche à la CEDEAO , on peut très bien le reprocher également à toutes les grandes puissances qui se disent nos amis, notamment la France, sauf que ces puissances n’appartiennent pas à la même communauté que nous.

Vous savez, j’ai été ambassadeur à Moscou auprès de l’URSS et de tous les pays communistes, sauf la Yougoslavie et la Roumanie. Dans tout ce que j’écris jusqu’à aujourd’hui, je rappelle toujours que la Russie ne donne jamais rien sans rien. La générosité et l’altruisme n’existent pas dans la politique extérieure russe. C’est d’ailleurs pareil chez toutes les puissances.

En matière de coopération, il y a toujours une contrepartie avec les Russes, et cela est valable pour tous les États dans les relations internationales. Il n’y a pas de cadeau ou de sentiments en la matière.

Les Russes ne nous aiment pas spécialement, et ils ont raison, mais est-ce que nous aimons les Russes particulièrement ? Non ! La politique étrangère de la Russie ne fait pas de la charité, sauf à l’époque soviétique où la solidarité idéologique jouait en faveur des pays qui optaient pour le communisme.

Certes, aujourd’hui, la Russie coopère avec nous, mais ça ne sera pas décisif dans la victoire contre le terrorisme. Il faut se le dire. Je ne le crois pas, sauf pour les armements et les équipements qu’ils peuvent nous vendre, et pour la formation des hommes. Mais tout cela remonte à 1967.

C’est en février 67 que le Président Lamizana avait dépêché Pierre Claver Damiba, qui était Ministre du développement, en mission en Russie. Autrement, nous n’avions aucun contact avec les pays communistes jusqu’à cette date. Tout se faisait avec la France et les pays capitalistes occidentaux.

C’est depuis ce temps que la Russie coopère avec le Burkina,  à partir de l’établissement des relations diplomatiques. C’est l’URSS qui accordait aussi le plus grand nombre de bourses aux étudiants  voltaïque à l’extérieur, comme au Mali d’ailleurs.

Libreinfo.net : Les pays de l’AES reprochent à la CEDEAO d’être manipulée par des puissances étrangères, avec en filigrane la France. Est-ce que vous croyez que la CEDEAO est sous le contrôle de ces puissances ?

Mélégué Traoré : Non, évidemment, il faut être juste. Je n’ai pas toutes les informations dont disposent les gouvernements sur cette question. Mais je suis dubitatif quant à cette thèse. Certainement les Français, par exemple eux, voudraient jouer ce rôle probablement, mais ils n’ont pas les moyens de jouer à ça. Cependant, il faut savoir que c’est très difficile de contrôler un ensemble tel que la CEDEAO.

Et l’Union européenne?

Si vous connaissez comment fonctionne la politique internationale, vous devez savoir que l’Union européenne ne peut pas prendre le risque de fâcher la CEDEAO ou dans l’autre sens, les trois États sahéliens.

En tout cas, que, des pays comme la France veuillent jouer à ce jeu, c’est sa façon de voir les choses et son ambition. Mais est-ce que vous voyez sérieusement le Nigéria ou le Ghana manipulés par la France ?

Non, ce n’est pas raisonnable de le penser ; ce n’est pas non plus crédible. Mais une fois de plus, tout est possible dans ce secteur. Et si tel est le cas, rappelez-vous qu’on ne colonise, on ne manipule, que les pays colonisables ou manipulables.

Libreinfo.net : Mais elle peut passer par d’autres pays comme la Côte d’Ivoire ou le Sénégal. N’est-ce pas ?

Mélégué Traoré : C’est possible, sauf que ces pays que vous citez, pris individuellement, peuvent être manipulés, mais pas collectivement à travers l’organisation qu’est la CEDEAO. Les rapports internationaux ne fonctionnent pas de cette façon. Surtout pas sur la base de suppositions, d’appréhensions ou d’hypothèses.

Libreinfo.net : De plus en plus, les pays de l’AES réfléchissent à une monnaie commune. Quelle est l’opportunité d’une nouvelle monnaie ?

Mélégué Traoré : Une monnaie commune  propre à l’AES? Pour parler franc, pour moi, ce ne serait, ni avisé, ni opportun. Mais si les gouvernements le décident, cela peut probablement se faire, et ça risque de se faire.

Toutefois, les exemples que nous avons vécus en Afrique depuis l’indépendance, doivent nous amener à être prudents, aussi bien l’élite que les gouvernants. Le Mali avait quitté le CFA et créé sa propre monnaie jusqu’aux années 70, mais où est-ce que le franc malien est passé finalement ?

Mon village Kankalaba, est à 35 km de Sikasso sur notre frontière avec le Mali. Mais les Maliens ont beaucoup regretté après d’avoir créé leur monnaie. De plus, ils ont eu beaucoup de difficultés pour revenir au CFA.

Je l’ai vécu, étant à l’école primaire et au collège. Avoir sa monnaie suppose des fondamentaux solides, car la monnaie est fondée toujours sur une masse d’or. Mais surtout, sur de la puissance économique effective, ce qui n’est pas le cas de nos trois États.

Avoir des mines d’or ne signifie pas qu’on détient une masse d’or suffisante pour faire fonctionner durablement une monnaie. Je ne sais pas ce qui va se passer, mais ce que vous dites, pose la question de notre présence dans l’UEMOA. Parce que pour ce qui est de l’assiette géopolitique, l’organisme qui est le plus important pour le Burkina, c’est l’UEMOA, ce n’est pas la CEDEAO.

Or, personne ne dit qu’on va quitter l’UEMOA dont la monnaie est le CFA même s’il y a ici ou là des supputations. Attendons de voir venir… ,On ne peut pas envisager créer notre monnaie et demeurer dans l’UEMOA. Il faudrait choisir. Là encore, il y aurait un défi redoutable.

Libreinfo.net: Le siège de l’UEMOA se trouve au Burkina. Est-ce que quitter cette institution, ce n’est se tirer une balle dans le pied?

Mélégué Traoré : Personnellement, je ne souhaite pas qu’on le fasse, et je ne crois pas qu’on va le faire. Mais aujourd’hui, tout est possible. Pour un pays comme le Burkina, plus il a des articulations avec les autres États, mieux cela vaut.

L’un des principaux atouts du Burkina Faso, en termes de diplomatie, comme en matière d’économie et de commerce, c’est notre centralité spatiale au cœur des articulations en Afrique de l’Ouest.

C’est pourquoi, quelle que soit la décision qui sera prise en définitive par les gouvernements, il faut gérer intelligemment l’espace qui existe entre nous et les autres pays de la CEDEAO.

Quand vous regardez celle-ci, il n’y a pas d’incompatibilité fondamentale entre son existence et celle de l’Alliance des États du Sahel. On peut imaginer que l’AES existe à l’intérieur de la CEDEAO.

Dans les cinq grandes sous-régions d’Afrique, il existe de tels organismes sub-régionaux un peu partout, en Afrique Centrale, en Afrique Australe et en Afrique de l’Est. Pourquoi pas en Afrique de l’Ouest.

La tendance actuelle dans le monde, celle qui est la plus fructueuse pour les États, c’est plutôt les regroupements ; la fusion et non l’inverse la fission. Sincèrement, je pense qu’on doit trouver les fameux mécanismes dont je parle et discuter avec les autres pays.

Quelque soit le scénario qui sera retenu, on est obligé de trouver de tels mécanismes si on veut survivre en tant qu’ État et nation.

Libreinfo.net : Quel avenir pour tous ces projets quand on sait que ces chefs d’État seront appelés à céder le pouvoir aux présidents démocratiquement élus ?

Mélégué Traoré : Il y a beaucoup d’incertitudes dans tout ça, et il vaut mieux lever celles-ci, en engageant des discussions franches et approfondies avec les autres États de la CEDEAO et de l’UEMOA. Que ce soit ici, au Mali ou au Niger, un autre gouvernement, civil, issu des élections, ou militaire, sera libre de prendre d’autres options.

De cette même manière, que le gouvernement actuel a pris une option, de la même manière, un autre gouvernement qui viendrait, pourrait prendre des options contraires. Cela n’est pas à écarter dans les trois pays dans l’avenir ; mais ce serait dommageable pour nos États. Donc le jeu est ouvert. Mais nous n’en sommes pas là encore.

Libreinfo.net : Est-ce qu’on n’aurait pas perdu du temps ?

Mélégué Traoré : Il n’y a pas de perte ou de gain définitifs de temps en relations internationales et en diplomatie ; en tout cas pas dans l’absolu. C’est toujours équilibré quelque part.

Il faut simplement avoir l’intelligence des faits et des situations dans la gestion des rapports internationaux ; c’est tout ! Cela étant, le Burkina Faso, notre Faso, et nous de l’élite, nous devons toujours être engagés pour sa défense et sa souveraineté, en nous référant à l’intérêt supérieur de la nation.

Et puis, il n’y a qu’un gouvernement du Faso, pas deux. On peut ne pas être d’accord avec le gouvernement, mais on ne peut pas ne pas le soutenir, dans l’ordre de la politique internationale qu’il mène, et de la diplomatie, lorsqu’il est question de dossiers fondamentaux pour l’ État, son existence et son avenir.

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