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Circulation : le dur quotidien des bénévoles de sécurité routière

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Dans la ville de Ouagadougou, il est fréquent de croiser des jeunes à certains carrefours qui régulent la circulation. Ils forment des équipes de huit personnes pour intervenir à chaque carrefour. Quatre personnes régulent la circulation et les quatre autres se promènent avec une pancarte demandant une contribution des usagers de la route. Généralement habillés dans des tenues vert ou orange, ils sont membres de l’Association Faso One Village (AFOV). Libre info a suivi du 7 au 8 février 2021, ces jeunes, couramment appelé agents de sécurité routière bénévoles,  pour comprendre leur motivation, connaitre les difficultés qu’ils rencontrent et leurs moyens d’existence.

Par Georges Youl, Stagiaire

Il est 12 heures au carrefour dit de Katre yaar. Habillé d’une tenue de couleur verte et d’un gilet vert fluorescent, Donald Lankoanda régule la circulation avec une petite pancarte portant l’inscription stop en lettres lumineuses et un sifflet jaune à la bouche. Une autre fille habillée avec la même tenue verte, se promène entre les usagers avec une pancarte où on peut lire : ‘‘ Association Faso One Village, votre contribution pour nous membres volontaires de la sécurité routière’’. Arrêtés aux quatre coins du carrefour, les jeunes vont réguler la circulation toute la journée jusqu’à 18h30 mn, heure à laquelle ils arrêtent leurs activités.

Ce qui motive les jeunes à s’engager comme agent de sécurité bénévoles de la circulation

Approché par l’équipe de Libre Info, Donald Lankoanda pourquoi il a choisi de faire cette activité : «quand tu vois les jeunes qui s’organisent et qui travaillent, cela motive et on a envie de faire comme eux. De plus je n’ai rien à faire à la maison et si je ne veux pas vagabonder». Il ajoute que l’esprit d’équipe et la solidarité qui règnent entre ces jeunes l’a aussi motivé à s’engager en tant qu’agent de sécurité routière bénévole. «Chaque soir je les voyais se suivre pour aller à la maison ou pour aller manger et revenir ensemble encore pour travailler et cela m’a encore motivé», précise t-il.

Au niveau du carrefour de l’université de Ouagadougou, Odilon Ouédraogo, le chef d’équipe des jeunes volontaires explique que c’est le manque d’emploi qui l’a contraint à rejoindre l’association : « Si tu peux faire quelque chose pour ton pays et en même temps subvenir à tes besoins, cela est bien». Il ajoute que le nombre élevé des accidents de la circulation est une également une raison qui l’a motivée. Pour lui, contribuer à la réduction du nombre de victimes d’accidents est une manière de participer au développement du pays.

En écoutant les commentaires des autres jeunes sur place, il ressort que c’est principalement le chômage qui pousse ces jeunes garçons et filles à s’engager dans le bénévolat.

Comment gagnent-ils leur vie ?

Les agents de sécurité routière bénévoles nous ont confié que ce sont les contributions volontaires (en espèces) des usagers de la route qui sont leur principale source de revenue. En effet, Chaque soir, ils partagent sur place la totalité de la somme récoltée et ramènent une partie pour le président de l’association AFOV. Ces jeunes empochent en moyenne 1300 FCFA par jour, soit 39 000 FCFA par mois. Le président reçoit quant à lui en moyenne 6000 FCFA par jour. C’est avec cette somme qu’ils se nourrissent, s’habillent et arrivent à vivre quotidiennement.

A ces contributions financières s’ajoutent les soutiens en matériels (chaises, tables) de certains particuliers et surtout de la société BRAKINA (tenues, gilets, panneaux lumineux stop, plots, chaussures…).

Pour le moment, ces bénévoles ne reçoivent aucun soutient financier de l’Etat. Odilon Ouédraogo nous confie qu’ils ont adressé plusieurs demandes de soutien à plusieurs mairies qui sont restées sans réponse.

Les difficultés liées à cette manière de gagner sa vie 

L’une des difficultés majeures auxquelles les bénévoles font face est le manque de respect des usagers de la route. Ils font l’objet chaque jour d’injures et de moqueries. «Il y a des gens qui insultent même nos parents. On sent que leur objectif c’est de te décourager pour que tu ne reviennes plus au carrefour. Mais il faut être courageux pour ne pas abandonner», explique M. Lankoandé.

Ousmane Sawadogo fondateur de l’Association AFOV qui s’invertit dans la régulation de la circulation routière

Ces jeunes sont souvent victimes d’accidents pendant qu’ils régulent la circulation. Certains usagers forcent le passage et montent souvent sur les pieds des volontaires. «Un jour, une voiture a cogné deux bénévoles en même temps. L’une d’elles a eu la jambe cassée et l’autre défiguré» témoigne Ousmane Sawadogo fondateur de l’association. Le manque de siège est aussi une préoccupation  de l’association. Le président de l’association a fait une demande auprès de la mairie de l’arrondissement 11 pour avoir un terrain mais cette demande est restée sans suite. Actuellement, l’association a trouvé un accord avec l’association des parents d’élèves et le directeur de l’école Sinyiri. Ayant mesuré le rôle important que ces bénévoles jouent pour permettre aux élèves de traverser les routes aux heures de pointes (7h, 12h et 15H et 17h), l’école a permis  à l’association de construire provisoirement leur siège sur le terrain de l’école en attendant de trouver leur propre terrain.

Collaboration entre la police municipale et les bénévoles 

Les carrefours où se trouvent sont aussi des carrefours où la police municipale intervient pour réguler la circulation. Sani Kam, inspecteur de police à la Direction de sécurité publique de la police municipale de Ouagadougou indique que les agents de la police municipale et les bénévoles ont une bonne collaboration sur le terrain. Il explique que l’association a échangé avec la police municipale pour qu’elle leur permette d’exercer au niveau de ces carrefours. Lorsqu’il  arrive que la police municipale doit intervenir dans un carrefour occupé par les bénévoles, ces derniers cèdent le terrain à la police et reviennent après leur départ.

Les propos de l’inspecteur Sani sont corroborés par le président de l’association, Ousmane Sawadogo. Il explique qu’il existe une bonne attente entre les bénévoles et les policiers, de sorte qu’il n’y a jamais eu d’incident entre eux.

Sur la question de savoir ce que les textes disent sur la régulation de la circulation par des civils, M. Sani répond en ces termes : «les textes ne sont pas très claires sur la question. Quand des citoyens s’engagent pour réguler la circulation, étant donné que les textes ne l’interdisent pas et cet acte étant utile pour la société, on les laisse faire ». Il précise aussi que ces bénévoles sont membres d’une association reconnue par l’Etat et à ce titre, le fait qu’ils régulent la circulation ne posent pas de problème.

Ce que pensent les usagers de la route du travail des bénévoles

La grande majorité des usagers interrogés pensent que l’engagement de ces jeunes dans la régulation de la circulation est à encourager car leurs actions contribuent à éviter des accidents. Ali Sawadogo pense que sans l’apport des ces bénévoles, on ne pourrait pas compter les accidents au niveau du carrefour  Katre yaar.

«Il y a beaucoup de lieux  où les feux tricolores ne marchent pas. S’il n’y avait pas ces jeunes, on se demande comment on allait faire» s’interroge Alexis Ouédraogo. Il déplore le fait que ces bénévoles ne sont pas respectés par certains usagers.

Sakir Koné pensent que les actions des bénévoles sont louables mais qu’il faut que les autorités portent un regard sur eux pour qu’ils soient plus efficaces. «Ils font un bon travail mais ils n’ont pas été formés. Je pense que si l’Etat les forment bien, il seront plus efficaces» estime-t-il.

L’association Faso one village (AFOV) a été créée en 2008. Elle était basée à Zorgho (province de Ganzourgou région du Plateau Central). Au début, c’était une association qui œuvrait dans le domaine de l’environnement. Le fondateur rejoindra ensuite Ouagadougou. En 2014, les délestages à répétions lui font prendre conscience de la nécessité de s’engager en tant que bénévole pour réguler la circulation au niveau des grands carrefours.  Les carrefours de Katre yaar, de l’Université de Ouagadougou, du Centre médical avec antenne chirurgicale (CMA) de Bogodogo, de la Zone d’activité diverses (ZAD) sont les principaux points où se retrouvent les volontaires. L’association qui a débuté avec cinq jeunes, compte aujourd’hui 207 membres. Le fondateur de l’association a également lancé la même initiative à Bobo-Dioulasso. 15 jeunes y travaillent actuellement au niveau de deux carrefours. Aujourd’hui, le souhait  du fondateur de l’association est qu’une institution puisse former les bénévoles en matière de sécurité routière.

www.libreinfo.net

 

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