Le Burkina Faso a décidé le 29 mars 2023, en conseil des ministres, de reprendre ses relations avec la République populaire démocratique de Corée du Nord. Selon le gouvernement burkinabè, cela vise à « entretenir une coopération bilatérale exemplaire dans plusieurs domaines comme le secteur de la sécurité».
Par Nicolas Bazié
Les relations commerciales entre les deux États avaient été officiellement suspendues en 2017 à cause d’une disposition recommandée par l’Organisation des Nations-Unies (ONU) à tous ses États membres dans une résolution de sanctions prises contre Pyongyang.
Six ans après, soit le 29 mars 2023, le Burkina Faso décide de se tourner de nouveau vers la Corée du Nord. Avec cette démarche, le Burkina Faso entend compter sur ce pays d’Asie pour l’acquisition de matériels militaires.
C’est d’ailleurs ce que la ministre burkinabè des Affaires étrangères, Mme Olivia Rouamba a expliqué au cours d’un point de presse. «Cette reprise des relations diplomatiques avec la Corée du Nord permettra à ce pays d’Asie de l’Est et au Burkina Faso d’entretenir une coopération bilatérale exemplaire dans plusieurs domaines comme le secteur de la sécurité, à travers l’octroi à notre pays d’équipements et de matériels militaires, les secteurs des mines, de la santé, de l’agriculture et de la recherche» a déclaré la cheffe de la diplomatie burkinabè après la tenue du conseil des ministres.
L’État burkinabè a ainsi examiné et approuvé un agrément pour la nomination d’un ambassadeur de la République populaire démocratique de Corée auprès du Burkina Faso avec pour résidence Dakar, au Sénégal.
Selon la ministre Rouamba, le Burkina Faso a, de par le passé, entretenu « de très bonnes relations avec ce pays qui était un partenaire privilégié sous la période de la Révolution d’août 1983».
La Corée du Nord et l’Afrique, une vieille amitié
La Corée du Nord et l’Afrique, c’est une histoire d’amitié qui date de la Guerre froide (1947 à 1962). À l’époque, la plupart des pays nouvellement indépendants avaient décidé de se rallier au Mouvement dit des non-alignés.
En dépit des pressions américaines, des résolutions onusiennes et des sanctions internationales, le pays de Kim Jong-Un est loin d’avoir rompu ses vieilles relations avec le continent africain.
Jusqu’en 2016, la Corée du Nord conservait plus de vingt ambassades sur le continent. Les liens diplomatiques et commerciaux persistent, et le rapprochement avec la Corée du Sud (Ndlr :rivale historique de la Corée du Nord) n’implique pas nécessairement de rupture avec Pyongyang, la capitale nord-coréenne.
Le Nigéria, par exemple, entretient depuis 1976 des liens diplomatiques importants avec la Corée du Nord où il possède même une ambassade, mais demeure en même temps l’un des principaux partenaires commerciaux de la Corée du Sud en Afrique.
A l’instar du Nigéria, d’autres pays africains entretiennent toujours des relations avec la Corée du Nord. C’est notamment le cas du Sénégal, (pays de résidence du nouvel ambassadeur accrédité au Burkina) de l’Afrique du Sud, de l’Égypte, de l’Éthiopie, de la Guinée, du Ghana, de la Guinée équatoriale, de la Libye, de l’Ouganda, de la Tanzanie, etc.
C’est dire que la Corée du Nord a toujours une place importante sur le continent et que de nombreux États africains veulent poursuivre leurs relations avec elle.
La Corée du Nord et les menaces des Etats-Unis et l’ONU
En septembre 2017, un rapport d’experts de l’ONU avait pointé du doigt onze pays africains soupçonnés de poursuivre un partenariat militaire avec le régime de Kim Jong-Un, malgré les menaces américaines contre la crise nucléaire nord-coréenne. En effet, en 2016, l’ONU avait invité ses États membres à appliquer des sanctions « contre toute forme de prolifération nucléaire et balistique ».
La Corée du Nord privilégie plus ses relations diplomatiques dans la défense militaire. C’est l’un des rares pays au monde qui construit plus des infrastructures militaires, usines d’armements et de munitions, avec des productions y compris des transferts de technologie.
Selon un document publié, la Corée du Nord aurait livré des armes légères à l’Erythrée et à la République démocratique du Congo (RDC), des missiles sol-air au Mozambique, des missiles modernisés et des radars à la Tanzanie et entraîné des soldats et policiers en Angola et en Ouganda.
Le Burkina Faso reprend donc ses relations avec ce pays (l’un des plus isolés au monde), à un moment où il cherche des partenaires stratégiques pouvant l’aider à lutter contre les groupes armés terroristes qui harcèlent le pays depuis 2015.