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Sénégal : Diomaye Faye entre rupture et promesses

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Porté à la tête de l’État sénégalais à l’issue du premier tour de l’élection présidentielle du 24 mars dernier, Bassirou Diomaye Diakhar Faye prend ses marques au palais de Dakar. À peine a-t-il été investi dans ses fonctions, le 2 avril, qu’il s’est adressé à la nation le lendemain, veille de la célébration, ce 4 avril, du 64e anniversaire de l’indépendance de son pays. Entre rupture et promesses, le cinquième président de la République du Sénégal, tient son rang avec pertinence et nuances…

Par Serge Mathias Tomondji

4 avril. Jour spécial pour la République du Sénégal qui célèbre son accession, en 1960, à la souveraineté nationale et internationale.

Ce jour-là en effet, le pays de Lat Dior monte ses couleurs — vert, jaune frappé d’une étoile verte et rouge, en trois bandes verticales — dans le ciel du monde sur les airs de « Le lion rouge », son hymne.

Souverain, le peuple s’était alors donné un but qu’il comptait atteindre avec foi, liant de la devise de la jeune République, « Un peuple, Un but, Une foi »

C’était il y a 64 ans et, aujourd’hui encore, le Sénégal, à l’image de nombre de pays de l’espace francophone ouest-africain, est toujours en quête de sa souveraineté véritable.

Une ambition martelée par les nouveaux tenants du pouvoir et proclamée, ce 3 avril, par Bassirou Diomaye Diakhar Faye, 44 ans, dans ses habits neufs de cinquième président de cette République.

« Nous avons la responsabilité historique de conforter notre souveraineté en rompant les chaînes de la dépendance économique par le culte permanent du travail et du résultat », a ainsi notamment indiqué celui qui a remporté, dès le premier tour de scrutin, l’élection présidentielle du 24 mars dernier et qui a été investi dans ses fonctions le 2 avril.

Premier exercice réussi…

La célébration de ce 64e anniversaire de l’indépendance du Sénégal a donc une connotation particulière, puisqu’elle intervient seulement deux jours après l’investiture du nouveau maître du palais de la République, qui s’est adressé à la nation ce 3 avril, à la veille de l’évènement.

La fête nationale, symbole de notre souveraineté, a encore précisé Bassirou Diomaye Faye, « nous rappelle que nous sommes seuls face à notre destin, et que personne ne fera à notre place ce que nous ne sommes pas disposés à faire pour nous-mêmes ».

Premier exercice somme toute réussi pour celui qui est quasiment passé, sous la houlette de son mentor, Ousmane Sonko, embastillé lui aussi, de la case prison à la magistrature suprême de son pays !

Ousmane Sonko contrecarré par mille et une arguties juridico-politiciennes qui l’ont empêché de valider sa candidature à cette élection cruciale, et qui vient d’être nommé Premier ministre par son alter ego. 

Indéniablement, c’est donc la paire Faye-Sonko qui gouverne désormais le Sénégal, sans doute dans des rôles inversés, au moment où on attend la composition du nouvel exécutif.

Le concepteur du « projet de rupture » proposé par Patriotes africains du Sénégal pour le travail, l’éthique et la fraternité (Pastef) devra ainsi s’occuper, à la tête du gouvernement, de la coordination et de l’exécution effective des réformes annoncées. 

Si l’on estime que cette distribution des rôles est on ne peut plus logique au regard des circonstances et du déroulement des évènements, on ne s’inquiète pas moins des duels que pourrait entraîner, à court ou à moyen terme, cette dualité au sommet de l’État.

Le maître saura-t-il toujours s’effacer devant son élève, qu’il a assis dans le fauteuil le plus prestigieux de la République en ses lieu et place ? N’aura-t-il pas tendance à se comporter comme le vrai détenteur du pouvoir ? 

Sonko-Faye : duo vertueux ou duel morbide ?

Les inquiétudes sont d’autant plus pertinentes à l’entame de cette nouvelle alternance tout en rupture, que le Sénégal a déjà vécu une telle sérénade qui s’est terminée, avec Léopold Sédar Senghor et Mamadou Dia, en eau de boudin. Plusieurs observateurs avertis n’hésitent d’ailleurs pas à rapprocher le duo Ousmane Sonko-Bassirou Diomaye Faye de celui qui, aux premières heures de l’indépendance du pays, a fait la preuve que dans les hautes sphères, le pouvoir ne s’accommode ni d’amitié, ni de partage, ni de contestation ouverte… 

Il faut donc espérer que l’attelage Sonko-Faye reste solide et affronte avec succès les bourrasques qui ne manqueront pas de pavoiser sa marche vers « les changements significatifs » que promet le président élu dans la feuille de route qu’il a soumise à ses compatriotes ce 3 avril.

En louant la maturité de son peuple, la vitalité de la démocratie et la force des institutions sénégalaises, Bassirou Diomaye Faye place ce 64e anniversaire de l’indépendance de son pays sous le signe de la sobriété. Une symbolique cérémonie de levée des couleurs remplacera ainsi le traditionnel défilé.

Et avant de dérouler les principaux chantiers qu’il entend faire avancer à la tête de l’État, le nouveau chef de l’État, dans sa première prise de parole à la nation, célèbre « nos vaillants résistants, héros célèbres ou méconnus, qui, se donnant corps et âme, ont défié l’odieux système colonial et sa prétendue mission civilisatrice, pour défendre la liberté de notre peuple et ses valeurs de culture et de civilisation ».

Il salue aussi « avec respect et affection nos anciens combattants, qui ont sacrifié leur jeunesse loin de leurs familles, au prix de leur vie et de leur liberté ». Et rend par ailleurs « un vibrant hommage à mes prédécesseurs, les présidents Senghor, Diouf, Wade et Sall, qui, chacun, a apporté sa pierre à l’œuvre de construction nationale »

Tirer les leçons du passé…

Mention spéciale, dans l’adresse du chef de l’État, aux Forces de défense et de sécurité, au cœur de la célébration de cette année avec le thème : « Les Forces armées au cœur de la cohésion nationale », qui rappelle, selon le président Diomaye Faye, que « la fête nationale est surtout l’occasion d’une introspection individuelle et collective sur notre commun vouloir de vie commune ».

Mention spéciale aussi aux jeunes, dont la profonde aspiration au changement a été des plus déterminantes dans son élection, le 24 mars dernier.

Bassirou Diomaye Faye ne pouvait donc pas ne pas partager les rêves et ambitions légitimes de cette jeunesse qui appelle à un autre Sénégal plus de six décennies après « les soleils des indépendances ».

C’est pourquoi le nouveau président compte faire de… « l’éducation, la formation aux métiers, l’emploi, l’entreprenariat des jeunes et des femmes une priorité élevée des politiques publiques, en concertation avec le secteur privé ».  

En tout cas, indique Bassirou Diomaye Faye dans son message à la nation, le moment semble venu, soixante-quatre ans après l’indépendance de son pays, de « tirer les leçons de nos réussites et de nos échecs pour une gouvernance publique plus moderne, plus républicaine et plus respectueuse des droits humains ».

Il compte ainsi convoquer de larges concertations avec la classe politique et la société civile sur un certain nombre de sujets.

Et notamment sur la réforme du système électoral, la rationalisation du nombre de partis politiques, ainsi que leur financement, la nécessaire réconciliation entre le peuple et la justice, l’instauration d’une gouvernance vertueuse, fondée sur l’éthique de responsabilité et de l’obligation de rendre compte. Il compte aussi prendre rapidement des mesures fortes pour infléchir la cherté de la vie.

Dans la vision programmatique du chef de l’État sénégalais, la bonne gouvernance économique et financière sera au cœur de tous les combats avec, entre autres, « la lutte sans répit contre la corruption ; la répression pénale de la fraude fiscale et des flux financiers illicites ; la protection des lanceurs d’alertes ; la lutte contre le détournement de deniers publics et le blanchiment d’argent ; l’amnistie des prête-noms et leur intéressement sous condition d’auto dénonciation… »

Si Diomaye Faye indique que la question de l’exploitation des ressources naturelles bénéficiera de l’attention particulière de son gouvernement, il s’est une fois de plus voulu rassurant vis-à-vis de tous les partenaires privés du pays, promettant que « les droits de l’investisseur seront toujours protégés, de même que les intérêts de l’État et des populations ».

Idéal panafricaniste…

Le successeur de Macky Sall ne manque d’ailleurs pas, en la circonstance, de rappeler l’idéal panafricaniste de Cheikh Anta Diop et de Léopold Sédar Senghor, un des pères fondateurs de l’Organisation de l’unité africaine, dont il revendique l’héritage.

De ce point de vue, le Sénégal veillera sans cesse « à maintenir et raffermir les relations de bon voisinage et de solidarité agissante au sein de nos organisations communautaires, notamment la Cedeao et l’Uemoa ».

Un pays fermement engagé, affirme encore le président, « dans la construction de l’intégration africaine et la réalisation des objectifs de la Zone de libre-échange continentale africaine ».

Mais aussi « pour une gouvernance mondiale plus juste et plus inclusive, dans le respect de l’égale dignité des valeurs de cultures et de civilisations ».

Au total, le cinquième président de la République du Sénégal a su, au cours de cette première sortie, allier élégance et réalisme, dans un esprit bien compris d’une rupture responsable et assumée.

Le discours devra à présent passer sur le gril de la réalité sociopolitique quotidienne pour faire la preuve de sa cohérence avec les aspirations de la jeunesse et l’indispensable besoin de changement de paradigme.

En tout état de cause, Bassirou Diomaye Faye entend jouer pleinement sa carte de chef suprême des armées et de garant de l’unité nationale. « Je suis déterminé à préserver notre vivre-ensemble hérité de nos ancêtres, parce que nous n’avons qu’une seule patrie, le Sénégal, notre abri commun, que nous aimons tous, qui ne commence pas par nous, et ne finit pas avec nous ». 
Un constat sous forme de leitmotiv pour la construction, enfin, 64 ans après l’indépendance, d’une République forte, décomplexée et vertueuse.
Chacun est donc appelé à contribuer à cette édification, qui pourrait constituer un tournant historique pour l’Afrique noire francophone, à la veille de la valse des célébrations du 64e anniversaire de l’indépendance.
Mais promis, juré, craché… Bassirou Diomaye Faye tendra « la main à toutes et à tous, pour rassemblerrassurer, apaiser et réconcilier, afin de conforter la paix, la sécurité et la stabilité indispensables au développement économique et social de notre cher pays ».

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