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Djibo (Soum) : chronique d’un retour de combattants « djihadistes »

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Le mercredi 21 octobre 2020, des combattants des groupes djihadistes en nombre important, à moto, sont entrés à Djibo. Ils sont arrivés sans armes. « Nous venons en paix », disaient-ils.  Quatre mois après cet évènement qui avait enflammé la toile, le correspondant de Libreinfo.net, en parle dans une chronique(première partie).

 Par TAM’S, correspondant Soum

Mercredi 21 octobre 2020. Il est 10 heures 30 à Djibo. L’hebdomadaire marché à bétail, l’un des plus grands de la sous-région, bat son plein. Des familles entières de la localité tirent leurs pitances de ce marché. L’ambiance était bon enfant lorsque surgirent des hommes à motos qui firent une entrée remarquée du coté nord de la ville. De par leur accoutrement, ils sont reconnaissables par tous. Ce sont des djihadistes. En effet, on les identifie généralement grâce à leur barbe fournie, au turban sur la tête et au pantalon « sauté », légèrement en dessous des genoux. A la vue de ces nombreuses motos, ce fut la débandade. Acheteurs, vendeurs et courtiers ont pris la tangente, abandonnant animaux et marchandises.

En moins de trente minutes, toute la ville était en alerte. On parlait d’une attaque des djihadistes, d’un envahissement de la ville par les combattants et chacun s’empressait de rejoindre son domicile.

« Ne fuyez pas », clamèrent les bruyants visiteurs, « nous venons en paix, vous voyez que nous sommes sans armes. »

Ils garèrent alors leurs motos pour traverser la ville. Ceux d’entre eux, qui ont leur famille dans la ville, se dirigèrent vers leur domicile et les autres firent le tour du marché central sous les regards ahuris et apeurés des habitants qui ne comprenaient pas ce qui arrive.

L’un deux, Amadou Salam, dont les parents résident toujours au secteur 1 de Djibo, est allé directement en famille dire bonjour aux siens tout aussi surpris de le voir. Il faut dire qu’il y a deux ans de cela, il était venu avec ses compagnons djihadistes pour emporter tout le cheptel de la famille. Son père ne lui a jamais pardonné. Sa mère, à sa vue, s’est mise à genou en pleurant à chaude larmes. « Tu es de retour mon fils ? Tu ne vas plus repartir n’est ce pas ? » se lamentait-t-elle. Il répondit simplement : « Je suis venu juste vous dire bonjour » et il ressortit retrouver ses camarades qui l’attendaient dehors.

Ils sont allés ensuite dire bonjour au chef du village qui, a leur vue est resté inquiet. « Chef, je suis passé vous saluer, nous sommes venus en paix », dit Amadou avant de demander des excuses pour le tort fait aux populations. Ces fils de la région qui semblaient des repentis reprirent la route pour aller chez le chef de canton. Ils furent alors encerclés en route par des hommes en tenue. Amadou fut jeté à terre, menotté, puis embarqué dans un pick-up, les yeux bandés. Un talkie-walkie et un portable trouvés sur lui, furent confisqués. Ses autres compagnons n’ont pas été inquiétés et poursuivirent leur chemin.

Ils allèrent en petits nombre au marché pour acheter quelques provisions.

Après une bonne rasade de « zom kom » un d’eux s’exclama : « Ah, ça fait plus de deux ans que je n’ai pas bu un truc aussi frais et sucré ; on était mort en brousse la-bas ! »

Un autre groupe qui voulait acheter des cartes Sim n’eurent pas gain de cause car ne possédant pas de CNIB. « Je ne peux vous vendre des cartes Sim sans CNIB, c’est la consigne » dit le jeune revendeur.

« Quelle consigne ? Notre CNIB, c’est le patron du Burkina Faso; il connait que nous sommes là aujourd’hui », rétorqua celui qui semblait être le plus instruit. Mais voyant qu’ils n’auront pas gain de cause, ils décidèrent tous de partir. Qui était ces hommes ? Étaient-ils des djihadistes repentis ayant conclu un accord avec les autorités pour déposer les armes ? Nul ne le savait.

C’est aux environs de midi que les nouvelles commencèrent à circuler en ville sur le dépôt des armes par certains combattants de la branche d’Ansarul Islam affiliée aujourd’hui au  GNIM.

Les commentaires allaient bon train sur leur nombre. Certains  parlaient d’une centaine, d’autres de 500 combattants.

Ce jour là personne n’a été rassuré en ville. Ce qui jeta encore le doute dans l’esprit des gens, ce sont les patrouilles accentuées des FDS qui arrêtèrent et amenèrent certains d’entre eux, menottes aux points.

A partir de 17h, toute la ville semblait morte, chacun étant déjà à la maison pour une nuit qui risquait d’être mouvementée. Nous avons essayé d’interroger quelques décideurs de la localité pour en savoir davantage sur le prétendu dépôt des armes des combattants, mais tous, nous ont répondu ne rien savoir et de n’être impliqués à une démarche quelconque.

Du coté des Forces de Défense et de sécurité c’est l’Omerta. Personne ne veut en parler. Ce n’est pas traité à notre niveau, voyez avec la hiérarchie, c’est la réponse de tous ceux que nous avons essayé de rentrer en contact. Néanmoins, nous savons que le jour de l’arrivée massive des combattants le 21 octobre, certains FDS ont découvert la chose en même temps que les habitants de la ville.

www.libreinfo.net

 

 

 

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