Le procès de l’effondrement survenu en décembre 2022 à l’aéroport de Donsin s’est poursuivi le 2 mars 2023 au Tribunal de grande instance de Ziniaré, à une trentaine de km de Ouagadougou, la capitale du Burkina. Lors des interrogatoires, il est ressorti que le conducteur des travaux, M. Gildas Olive Amoussou, était en congé, sans que son patron n’en soit informé.
Par Daouda Kiekieta
Le procès de l’effondrement de la dalle à l’aéroport de Donsin s’est poursuivi le jeudi 2 mars à Ziniaré. Le coulage du béton de la dalle est une étape importante dans la construction du bâtiment qui devrait abriter une base militaire dans le nouvel aéroport en construction de Donsin, à environ 35 km de Ouagadougou.
Malheureusement, cette dalle s’est effondrée en cours de coulage du béton et a tué 7 personnes et fait des blessés. Plusieurs manquements qui seraient à l’origine de cet accident ont été relevés par les juges.
Parmi ceux-ci, il a été noté l’absence, au moment de l’accident meurtrier, du conducteur des travaux de construction, M. Gildas Olive Amoussou . Ce dernier avait pris un congé alors qu’il devait, entre autres, valider les résultats d’analyses de laboratoire de l’entreprise Apave Burkina, avant le démarrage du coulage du béton.
En l’absence de celui-ci, des employés non habilités auraient fait du prélèvement à des fins d’analyses à la place de l’entreprise accréditée pour cela.
Devant les juges, le patron de M. Amoussou, M. Dieudonné Soudré, directeur général de GESEB SAS, dit n’avoir pas été informé du départ en congé de ce dernier.
«Êtes-vous informé qu’il était en congé ? » interroge le juge. « Non, c’est le 30 décembre 2022 (après l’accident) que j’ai appris qu’il était en congé. J’ai d’abord tenté de le joindre au téléphone en vain. Je me suis rendu sur le terrain. C’est en ce moment que je me suis rendu compte qu’il n’était pas à son poste.» a expliqué M. Soudré aux juges, avant de reconnaître par la suite que ce conducteur des travaux absent n’avait d’ailleurs pas l’expérience requise pour occuper la fonction en question.
Outre ce « manquement », le mandataire du groupement d’entreprises chargé d’exécuter le marché de construction, M. Dieudonné Soudré, aurait failli à son devoir de mettre à la disposition des travailleurs des équipements de protection nécessaires.
«Les victimes n’étaient pas dotées de matériels de protection. Est-ce que vous avez rempli votre engagement en tant que chef d’entreprise ? » a fait remarquer le juge avant de lui demander : « Est-ce qu’une analyse de risque était faite à tout moment ? ». À cette question, le prévenu a répondu : « L’analyse se faisait, mais pas à tout moment. »
«Nous nous préparions à cela » répond M. Soudré, précisant qu’il n’y avait pas de difficultés financières liées au fait que ses employés ne soient pas formés en sauvetage et en secourisme.
À la question du tribunal de savoir ce qui pourrait bien expliquer l’accident qui a coûté la vie à 7 personnes, M. Dieudonné Soudré a répondu en disant que cela est « mystérieux ».
«Vous voulez dire que cela est dû à une force transcendante ? » interroge le juge. Et M. Soudré de s’expliquer : « J’ai été contacté par un chef d’entreprise de la part des propriétaires terriens. Ces propriétaires terriens disaient qu’ils avaient leur mot à dire par rapport à cette situation. Mais avec mes courses pour les enterrements des victimes, je n’ai pas pu les rencontrer. »
«Concrètement, qu’est-ce que vous voulez dire ? » a insisté le juge. Pour être un peu plus clair, M. Soudré indique que d’après les informations, « il y avait des mouvements qui se passaient les nuits sur le site que les travailleurs ne comprenaient pas. »
À la suite de M. Dieudonné Soudré, M. Lamine Yaoliré, président-directeur général de COGEA International, une entreprise membre du groupement attributaire du marché, a été appelé à la barre du procès de l’effondrement de l’aéroport de Donsin.
«Est-ce que vous êtes un établissement financier?»
Dès l’entame de son propos, M. Yaoliré tente de nier sa responsabilité dans l’accident car n’ayant pas « participé à l’exécution physique des travaux ».
Selon le parquet, ces propos sont « ahurissants et choquants. » « Cela veut dire que l’Etat fait appel à un groupement d’entreprises pour un travail, et à la fin, on se rend compte que c’est une seule entreprise qui a exécuté les travaux. L’Etat n’a nullement prévu que c’est l’entreprise de M. Soudré seule qui allait exécuter les travaux » a fustigé le procureur.
Pour M. Yaoliré, en associant son entreprise à celle de M. Soudré, il n’attendait rien d’autre que « les références similaires » autrement dit, l’expérience d’avoir exécuté un marché similaire.
«Quand on veut de l’expérience, on participe à l’exécution des travaux non ? » poursuit le parquet. « Oui, peut-être que cette participation n’est pas à la hauteur de ce que vous attendiez. Sinon, je participe financièrement » rétorque M. Yaoliré.
«Mais est-ce que vous êtes un établissement financier ?» lui demande le parquet. A cette question, le prévenu est resté silencieux.
Plus loin, M. Yaoliré a expliqué aux juges qu’un accord verbal avait été conclu entre lui et le directeur général de GESEB SAS pour qu’il (M. Yaoliré) intervienne uniquement sur le volet financier du marché et que M. Soudré et son entreprise s’occupent du volet technique dont les travaux de construction.
« Est-ce que vous avez injecté de l’argent dans l’exécution des travaux ? « , interroge le juge. « Non ». «À quoi sent-il d’aller en groupement si vous n’avez rien apporté comme financement ? » interroge le juge. « Je comptais le faire le moment venu » a répondu M. Yaoliré.
Dans ce procès qui a débuté le 15 février 2023, M. Dieudonné Soudré et M. Lamine Yaoliré, président directeur général de COGEA International sont poursuivis pour des faits d’« homicides involontaires et de blessures involontaires contraventionnelles et délictuelles et de fraude en matière de commande publique ».
Au total, ce sont huit personnes physiques, dont quatre chefs d’entreprises et trois entités dont l’Etat burkinabè, qui sont poursuivies dans cette affaire.
Lire aussi: Procès aéroport de Donsin: « les contrôleurs étaient absents» lors de l’accident