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Côte d’Ivoire : Quand l’opposition sonne le regroupement

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C’est le cas de le dire, les grandes et les petites manœuvres sont résolument engagées en Côte d’Ivoire pour l’élection présidentielle de 2025. Entre inquiétudes et espoir, les Ivoiriens aimeraient enfin, après les violents rendez-vous de 2010 et de 2020, être gratifiés d’un processus électoral apaisé, transparent et crédible. L’opposition, elle, resserre ses rangs et se met en ordre de bataille pour une remise à plat du système électoral… 

Par Serge Mathias Tomondji

Le gotha politique est en effervescence du côté de la lagune Ebrié ! Alors que les regards sont déjà résolument tournés vers la prochaine élection présidentielle qui devrait se tenir en octobre 2025, l’opposition engage la bataille du toilettage de la liste électorale.

Programmée par la Commission électorale indépendante (CEI) pour la période allant du 30 septembre au 31 octobre 2024, la révision de cette liste nourrit de profonds désaccords et tensions entre le pouvoir et l’opposition.

Et c’est pour montrer leur détermination à parler d’une même voix avant le scrutin, très attendu en Côte d’Ivoire et dans la sous-région, que plusieurs partis d’opposition ainsi que des organisations de la société civile ont signé, le 9 août dernier, un protocole d’accord.

Réunis au siège du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI) à Abidjan, cette plateforme politique ambitionne de « mener des actions communes pour des élections transparentes et crédibles » dans le pays.

De façon concrète, et pour cette première bataille unitaire, les onze partis politiques et les deux organisations de la société civile comptent obtenir, indique Simone Ehivet Gbagbo, présidente du Mouvement des générations capables (MGC), « des réformes en profondeur du système électoral ». Ce préalable, affirme-t-elle, constitue « une nécessité impérieuse pour sortir définitivement des crises électorales aux conséquences tragiques ».

Simone Ehivet Gbagbo, porte-parole du groupement de partis politiques de l'opposition
Simone Ehivet Gbagbo, porte-parole du groupement de partis politiques de l’opposition

Légitimes appréhensions

Est-il besoin de le rappeler, deux des trois dernières élections présidentielles en Côte d’Ivoire ont été pour le moins heurtées, ponctuées par de terribles violences et des dizaines de morts.

On n’oublie pas la crise postélectorale de 2010-2011 qui aura fait au moins 3 000 morts. Il faut aussi garder en mémoire les nombreuses victimes de l’élection présidentielle du 31 octobre 2020.

On a ainsi dénombré 85 morts et 500 blessés entre août et novembre 2020, suite aux violences liées à ce scrutin. Seul le rendez-vous de 2015 s’est déroulé dans le calme avec des résultats non contestés.

On comprend donc que les Ivoiriens, et notamment la classe politique, nourrissent quelques légitimes appréhensions à moins de quinze mois de la prochaine échéance.

Aussi, pour contraindre le pouvoir à la négociation et à un accord consensuel sur le modus operandi de ce scrutin crucial, l’opposition tient-il à afficher une « volonté commune de construire un groupement uni et solide ».

Première cible d’attaque, le système électoral actuel qui, selon cette plateforme, « est l’une des sources majeures de conflits sociologiques qui occasionnent des crises graves en Côte d’Ivoire depuis 2010 ».

Pour garantir une élection « inclusive, crédible et transparente », le groupement de partis politiques et d’organisations de la société civile signataires du protocole d’accord du 9 août 2024 plaide ainsi pour une réforme en profondeur du système électoral et l’extension de la période d’inscription des nouveaux électeurs.

En effet, souligne Simone Ehivet Gbagbo, il n’est techniquement, ni objectivement pas possible… d’« inscrire en 30 jours des millions d’électeurs à qui il faut donner le temps et les moyens d’obtenir les pièces nécessaires à l’accomplissement de ce devoir citoyen ».

La requête d’une prolongation du délai initialement imparti par la Commission électorale indépendante (CEI) pour cette opération vaut donc son pesant de pertinence.

Et suffit à lui tout seul pour convoquer une concertation responsable et pacifique afin de gérer au mieux le scrutin de 2025. Ce qui est en jeu, c’est bien l’avenir de la Côte d’Ivoire, qui passe par une élection présidentielle pacifiée, après celles de 2010 et de 2020 qui auront été des plus traumatisantes pour les populations.

Vaste programme

On se demande alors, à juste raison, si le camp d’en face souscrira à cette demande de « dialogue inclusif avec les partis politiques, les organisations de la société civile et l’ensemble des forces vives de la nation ». Et au-delà, si l’appel à un réaménagement du calendrier de la révision des listes électorales sera entendu.

Et donc si, finalement, le pouvoir du Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP) s’engagera dans « des réformes électorales nécessaires et consensuelles dans leurs aspects juridiques et constitutionnels, organisationnels, sécuritaires et de financement, à même de conduire à une élection inclusive en 2025 ».

Vaste programme qui montre bien qu’au-delà de cette bataille pour l’écosystème électoral, la levée de boucliers des opposants au pouvoir vise aussi et surtout un changement de régime à la tête du pays.

En plus du Mouvement des générations capables (MGC) de Simone Ehivet Gbagbo et le Parti démocratique de Côte d’Ivoire-Rassemblement démocratique africain (PDCI-RDA) de Tidjane Thiam, ce collectif compte aussi, entre autres, le Congrès pour la justice et l’égalité des peuples (Cojep) de Charles Blé Goudé, ainsi que Génération des peuples solidaires (GPS) de Guillaume Soro. 

Des poids lourds de l’opposition ivoirienne ainsi que plusieurs organisations de la société civile scellent ainsi une union pour infléchir le rapport de force politique dans le pays. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que la Côte d’Ivoire est à nouveau en passe de négocier un virage sociopolitique délicat.

D’autant que plus d’une centaine d’organisations de la société civile ainsi que 19 partis et groupements politiques avaient déjà organisé, le 22 juin 2024, une journée de consultation populaire sur les contours de la matière électorale dans le pays. 

Grands enjeux…

La pression s’accentue sans nul doute sur le gouvernement, dans un contexte où l’on guette la voix du président Alassane Ouattara pour savoir s’il confirme ou non le « choix naturel » porté sur sa personne pour défendre les couleurs du RHDP au pouvoir lors de ce scrutin.

Indiscutablement, comme l’affirme la présidente de Alternative citoyenne ivoirienne (ACI), l’activiste Pulchérie Édith Gbalet, qui a organisé la journée de consultation populaire du 22 juin dernier, « les enjeux des élections de 2025 sont de taille ».

La participation à ce rendez-vous est plutôt pertinente, puisque des formations politiques de premier plan comme le PDCI-RDA, le Front populaire ivoirien de Pascal Affi N’Guessan, le Parti des peuples africains-Côte d’Ivoire (PPA-CI) de Laurent Gbagbo, le Cojep et le MGC étaient présentes.

Au moment où la question de la réinscription de Laurent Gbagbo et de Guillaume Soro sur les listes électorales est aussi sur la table.  

En tout état de cause, on peut saluer l’initiative de ce large regroupement de l’opposition pour amener le pouvoir à discuter et à promouvoir des voies consensuelles de gestion des prochaines élections dans ce pays.

Cependant, on attend de voir si les épreuves et des intérêts personnels ne le feront pas voler en éclats, dans un pays où les mariages politiques, souvent à géométrie variable, se défont au gré des saisons ! 

D’ailleurs, en Côte d’Ivoire comme ailleurs, les accords politiques ont ceci de déroutant qu’ils ne résistent pas souvent aux bourrasques de certaines opportunités.

Les signatures, même gravées dans du marbre, sont ainsi parfois reniées sur l’autel d’ambitions égoïstes et bassement politiciennes. 

L’opposition burkinabè en a ainsi donné l’illustration il y a quatre ans, en affichant des voix discordantes au soir de l’élection présidentielle du 20 novembre 2020, alors qu’elle avait scellé, avec fanfare, un accord en béton le 18 août de la même année.

Certes, l’objet du regroupement n’est pas le même dans les deux pays, mais l’éclatement de tels protocoles d’accord est symptomatique des querelles de clochers qui agitent souvent la cour commune de ces partis d’opposition, champions dans l’incantation de l’alternance sans le travail préalable de construction d’une véritable alternative…   

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