La France a célébré mercredi 14 juillet sa fête nationale. Au Burkina Faso,l’Ambassadeur de France Luc Hallade a convié plusieurs personnalités à sa résidence pour célébrer le 231 ème anniversaire de la prise de la Bastille. La soirée a été ponctuée d’un discours marqué par l’actualité: Covid 19,relance économique,élections présidentielle et législatives et lutte contre le terrorisme. Libreinfo.net vous propose un extrait de son discours.
(…)Cette année, vous l’avez remarqué, nous sommes peu nombreux. J’ai dû en effet limiter le nombre d’invités, de façon à nous permettre de respecter la distanciation sociale.Mais j’ai tenu malgré tout à organiser ce cocktail, pour marquer le 231 ème anniversaire de la prise de la Bastille, symbole de la Révolution française, mais aussi pour nous réunir entre partenaires et amis de la France et du Burkina Faso en cette période post-Covid, même si l’épidémie n’est pas encore jugulée.
Malgré certains augures, l’Afrique
en général et le Burkina Faso en particulier n’ont pas connu la catastrophe
humanitaire annoncée, et il faut bien sûr s’en réjouir.
Je voudrais d’ailleurs saluer les efforts de tous, à commencer par ceux de
Mme la ministre de la Santé, de ses équipes, des personnels de santé, de
toux ceux qui se sont mobilisés et continuent à le faire pour maîtriser
l’épidémie, soigner les malades, prévenir la propagation de la Covid-19,
sensibiliser aux gestes barrière, etc.
Les efforts menés ont porté leurs fruits, puisque le Burkina Faso n’a connu jusqu’à présent qu’un peu plus d’un millier de cas déclarés, moins d’une soixantaine de décès.Rien n’est définitivement acquis, comme on le voit dans plusieurs pays où l’épidémie connaît déjà une 2eme vague. Mais la situation relativement favorable du Burkina nous autorise à reprendre peu à peu le cours d’une vie presque normale.
Je voudrais aussi remercier les autorités burkinabè qui, malgré la fermeture des frontières, ont accepté que nous organisions, avec la collaboration active d’Air France, plusieurs vols « rescue » en avril, puis spéciaux depuis le mois dernier, dans le sens Sud/Nord, et enfin aujourd’hui aussi dans le sens Nord/Sud.
C’était important, en attendant la réouverture que j’espère prochaine des frontières aériennes, pour permettre aux personnes résidant en Europe ou devant s’y rendre pour divers motifs de pouvoir voyager, comme aussi aux burkinabé ou résidents européens au Burkina Faso d’y revenir.
Cette épidémie, a mis le monde et l’économie littéralement à genoux. Elle a révélé nos faiblesses, mais aussi la face cachée et les conséquences négatives de ce qu’il est convenu d’appeler la mondialisation. Nous devons en tirer collectivement 2 leçons de vie en société :
1/ L’humilité :
Nous avons trop longtemps cru que l’homme pouvait dominer la nature, voire l’asservir. Nous comprenons aujourd’hui que nous devons davantage protéger notre environnement et éviter les manipulations et agressions en tous genres à son égard, qui aboutissent à ce genre de catastrophes mondiales que nous vivons aujourd’hui.
2/ La solidarité :
Nous ne vaincrons pas cette épidémie sans une plus grande solidarité entre nations et individus, sans une coopération accrue entre gouvernements, chercheurs, scientifiques, médecins et personnels soignants.
Ce qui nous arrive aujourd’hui semble au contraire raviver les tensions entre États, entre sociétés, entre individus quelquefois même.
Nous devons lutter contre la tentation du repli sur soi, de l’enfermement ou de l’ostracisme. Avoir la Covid-19 n’est pas une punition divine ni une marque d’infamie. On peut en mourir malheureusement, mais on peut aussi en guérir et en ressortir plus forts, car conscients de nos propres faiblesses. Pour illustrer cela, nous vous offrirons à votre départ une BD qui met en bulles le récit d’une lutte contre cette épidémie dans le quartier de Taab-Yiri.
Cette épidémie aura des conséquences économiques et sociales graves, partout dans le monde, y compris ici au Burkina Faso. Le Gouvernement a préparé un plan de riposte global, intégrant les aspects sanitaires, mais aussi économiques et sociaux.
Nous devons, en tant que partenaires techniques et financiers, mais plus encore en tant qu’amis du Burkina Faso, y vivant et donc solidaires de sa population, nous atteler et nous coordonner pour soutenir cet effort de résilience que mènent les autorités burkinabè.
Le Burkina Faso se dirige vers des élections, présidentielles mais aussi législatives puis municipales.Les élections sont toujours dans un pays une période délicate à gérer, où les tensions liées aux combats politiques s’exacerbent.Permettez-moi, MM. les responsables politiques présents ce soir, d’exprimer le vœu, en tant qu’ami du Burkina Faso, que chacun exerce le jeu démocratique dans le respect de l’adversaire et plus encore dans le souci de préserver l’unité nationale, votre bien le plus précieux.
Dans ma longue carrière diplomatique, j’ai malheureusement connu des pays qui se sont déchirés à l’occasion de processus électoraux et qui ont mis des années à retrouver la paix et l’unité, quand ils y sont parvenus.Puisse le Burkina, qui est une démocratie encore jeune, éviter de tomber dans le piège de la division, des affrontements ethniques, des conflits intercommunautaires, au risque de ruiner les acquis de la révolution pacifique de 2014.
Nous aimons tous ce beau pays, qui souffre depuis plusieurs années sous les coups du terrorisme, qui a coûté la vie à trop de soldats et de populations civiles innocentes.Ce terrorisme, à travers ses différentes formes et composantes, n’a qu’un seul but : briser l’unité nationale, mettre à bas l’État et asservir les populations à ses desseins funestes.Nous sommes tous, et particulièrement mon pays la France, solidaires du Burkina Faso et des Burkinabè. Nos soldats luttent chaque jour aux côtés de vos soldats, et quelquefois y laissent eux aussi leur vie.C’est un juste retour des choses, après le sacrifice consenti sur le sol français de milliers de « tirailleurs sénégalais » – pour une part significative burkinabè ou plutôt voltaïques à l’époque, pendant les 2 guerres mondiales.
Ces sacrifices ne doivent pas être vains. Ils ne l’ont pas été hier. Ils ne doivent pas l’être aujourd’hui. Et même si une guerre n’est jamais propre, il faut éviter d’y perdre son âme.Je souhaite donc que ce combat mené en commun contre les forces du mal respecte nos valeurs partagées et ne se transforme pas en une chasse à l’autre, indexé ou suspect a priori du fait de son ethnie, de sa religion, ou de ses origines.Le Burkina a longtemps été un modèle de tolérance, de cohabitation harmonieuse entre ethnies, races et religions. Préservez ce capital ! Il est le sel de la nation burkinabè et le sens même de votre combat, de notre combat commun.
Pour clore mon propos sur une note moins grave, je voudrais maintenant vous inviter à lever nos verres au bien qui nous est à tous le plus précieux, qui est le symbole que porte notre fête nationale et le 1er mot de notre devise : la liberté.Que cette liberté continue à irriguer la société burkinabè comme elle l’a fait en 2014, qu’elle continue à inspirer les sociétés à travers le monde et qu’elle continue à justifier que certains meurent pour la préserver.
Vive la liberté, vive le Burkina Faso, et vive la France !
Discours de Luc Hallade,Ambassadeur de France au Burkina,