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[Interview] affaire charbon fin : « on a décidé de sacrifier la vérité », dit Yacouba Ladji Bama 

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L’État burkinabè et la société minière IAMGOLD Essakane SA ont signé un accord de transaction dans le dossier du charbon fin le 26 décembre 2023, après cinq ans de procédure judiciaire. Que pense le journaliste d’investigation, Yacouba Ladji Bama qui avait révélé l’affaire dite de fraude de charbon fin ? Dans cet entretien en ligne accordé à Libreinfo.net, il donne sa lecture de cette transaction.

Entretien réalisé en ligne par Nicolas Bazié 

Libreinfo.net : Comment avez-vous apprécié l’accord transactionnel entre l’Etat burkinabè et la société minière IAMGOLD Essakane dans l’affaire dite charbon fin ?

Yacouba Ladji Bama : Il m’est difficile à cette étape de pouvoir me prononcer de façon totalement rigoureuse sur la contenance de cet accord.

Je n’ai pas encore toutes les motivations des réels arguments qui ont prévalu à cet accord si bien que tout ce que l’on sait aujourd’hui est qu’il y a eu 9 milliards de francs CFA qui ont été arrêtés comme frais adressés à l’Etat en plus de la cargaison confisquée.

Le reste, on ne sait vraiment rien, il est un peu difficile de pouvoir dire quoi que ce soit sur l’accord en question.

Libreinfo.net : pensez-vous qu’il fallait poursuivre le procès ?

Yacouba Ladji Bama : C’est assez curieux qu’à cette étape du dossier où l’on était presque à la fin d’un procès, on change subitement pour faire recours à une transaction au lieu de laisser le procès aller à son terme pour pouvoir connaître la vérité.

C’est vraiment dommage que l’on puisse laisser la vérité au profit d’une transaction, où on nous annonce que c’est 9 milliards de francs CFA que l’Etat va recouvrer en plus d’une cargaison à confisquer.

Libreinfo.net : A qui profite cette transaction ?

Yacouba Ladji Bama : À cette étape, on ne saurait vraiment dire à qui ça profite, mais je pense qu’il y a quelque chose qui n’est pas du tout rassurant et réconfortant dans la manière dont cela a été fait.

Une transaction où on n’a même pas une idée de la valeur de l’or qui est mis en cause. On ne sait pas à ce jour combien de tonnes d’or il y a dans cette cargaison.

Et, on fait une transaction dans le vide. On ne sait même pas sur quelle base l’on a arrêté les 9 milliards qui doivent être payés à l’Etat.

Il faut noter que cette somme de 9 milliards que l’Etat doit récupérer, en termes d’amendes, elle se situe en fonction de la valeur de l’or, c’est-à-dire que si nous avons 5 tonnes d’or, ce n’est pas la même chose que si l’on a 15 tonnes ou 20 tonnes d’or.

Mais, si on ne sait pas le nombre de tonnes d’or qu’il y a dedans et qu’on fixe un montant à recouvrer sans savoir sur quelle base cela a été fait, c’est un peu difficile d’apprécier. Moi je dis qu’il y a beaucoup de raisons d’être méfiant de ce qui s’est passé. Il y a de quoi suspecter cette transaction.

Libreinfo.net : Est-ce que vous regrettez d’avoir levé le lièvre dans cette affaire et de la voir terminer ainsi ?

Yacouba Ladji Bama : Il n’y a pas de regret possible. À partir du moment où j’ai fait mon travail et que j’ai donné le relais à d’autres personnes en ce qui concerne le traitement de ce dossier en justice ou par quelque voie que ce soit qui ne relève pas de mes compétences, le sort que les personnes qui sont habilitées à gérer réservent à ce dossier n’engage qu’elles.

Cela ne m’engage pas du tout, je ne me sens ni offusqué, ni déçu, j’ai fait ma part de travail, c’est ce qui m’intéressait. Le reste, les intéressés vont aussi assumer leur part de responsabilité dans leur travail.

Libreinfo.net : Pourquoi selon vous, Essakane SA a choisi la voie transactionnelle au lieu de celle judiciaire ?

Yacouba Ladji Bama : C’est une attitude assez curieuse. Voilà une société qui a été prise et accusée d’avoir voulu frauder de l’or et qui nie catégoriquement les faits, qui dit qu’elle est innocente et qui négocie un accord dans le noir. Pourquoi ? Est-ce qu’elle a peur de la vérité ? Pourquoi ne pas laisser les choses se poursuivre pour qu’on puisse laver son honneur ?

Je ne sais pas pourquoi la société l’a fait mais, il y a vraiment des raisons de se poser des questions. Y a-t-il une vérité qui fait peur à IAMGOLD Essakane ? Je ne sais pas.

Mais les responsables devraient nous en dire plus, ne serait-ce que pour leur dignité. Ils doivent nous dire pourquoi ils ont refusé la vérité en cours de route.

Libreinfo.net : Ce règlement à l’amiable est prévu par les textes selon le gouvernement. Quel est votre commentaire ?

Yacouba Ladji Bama : Je connais les textes qui prévoient cette procédure. Il y a le code des douanes à son article 198, il y a aussi la loi sur la commercialisation de l’or à son article 158, il y a plusieurs textes en matière économique et commerciale qui prévoient ce genre d’entente entre le gouvernement et certains acteurs économiques dans certains aspects précis. C’est bien légal. Maintenant, la question que je me pose est de savoir si cette transaction est légitime. Est-ce que c’est opportun ?

Dans cette affaire, ce n’est pas la question de la légalité qui se pose mais celle de l’opportunité. En termes d’opportunité, je pense que si on veut être dans le bon sens, il est clair que c’est la voie judiciaire qui serait plus opportune parce qu’on saurait la vérité dans cette affaire qui a défrayé la chronique pendant tant d’années.

Les gens se sont tellement tiraillés sur ce dossier qu’il aurait fallu avoir la vérité une bonne fois. Malheureusement, on a décidé de sacrifier la vérité pour des raisons que l’on ignore jusque-là.

Libreinfo.net : Est-ce qu’il y a un point sur lequel vous souhaitez revenir ? 

Yacouba Ladji Bama : J’ai beaucoup à dire sur ce dossier mais j’attends vraiment d’avoir l’accord transactionnel, le document physique lui-même afin de voir son contenu réel.

On aura le temps de revenir sur ce dossier parce qu’il est si important qu’on ne peut pas le clôturer aussi facilement autour d’un accord. N’allons pas vite en besogne, attendons de voir l’accord…

www.libreinfo.net

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