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[Interview] Sénégal, « le duo Faye-Sonko, un attelage un peu difficile » selon Ismaël A Diallo

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Le Sénégal vient de tourner une nouvelle page de son histoire avec l’élection du cinquième président de la République, Bassirou Diomaye Faye. Une élection qui a attiré l’attention du continent par les crises qui ont émaillé la période préélectorale. Malgré tout, la présidentielle a connu un dénouement heureux avec l’élection du plus jeune Président du pays.  Que retenir de ce scrutin ? quels sont les défis économiques et régionaux qui attendent le Président de 44 ans ? Ismaël A Diallo, diplomate et analyste politique répond à toutes ces questions à travers cette interview accordée à Libreinfo.net.

Propos recueillis par Issoufou Ouédraogo 

Libreinfo.net : Comment avez-vous vécu l’élection et l’investiture de Bassirou Diomaye Faye au Sénégal ?

Ismaël A Diallo : Je l’ai trouvée propre, j’exagère peut-être, mais comparée à la plupart des élections pas seulement en Afrique, elle a été très convenable surtout si l’on tient compte de l’atmosphère des semaines précédentes avec les perturbations qu’il y a eu ainsi que les dérapages et le rôle des différents acteurs.

On peut dire qu’au moment de l’investiture du nouveau président de la République sénégalaise, le pays est sorti grandi de cette expérience enrichissante.

Il y a eu des moments anxieux et dans d’autres pays, il aurait eu un coup d’état ou un soulèvement, une insurrection, et l’armée aurait eu beaucoup de mal de s’interdire une  intrusion dans les institutions de la République.

Au Sénégal, l’armée s’est gardée de faire quoi que ce soit pour montrer aux uns et aux autres qu’elle est une armée républicaine. En dehors du Sénégal et du Cap-Vert, y a-t-il un  pays en Afrique de l’ouest où il n’y a pas eu de coup d’état ?

Notre pays, le Burkina Faso a la palme des coups d’Etat. 

Tout cela parce que les officiers refusent de comprendrent le sens intrinsèque de ce que veut dire être un militaire, un soldat.

Le Sénégal a pu donner une belle leçon de respect des institutions, de pratique de la démocratie.

Libreinfo.net : Est-ce que la jeunesse du nouveau Président pour vous est un atout ?

Ismaël A Diallo : La jeunesse est un atout parce que tous les deux, Faye le président élu et son camarade Sonko sont jeunes comparativement à la moyenne d’âge du personnel politique, en Afrique et ailleurs.

Ils sont également le reflet de la jeunesse africaine. Les deux tiers de la population ont moins de 35 ans, alors on ne peut pas ne pas compter avec cette jeunesse.

C’est cette qualité de la jeunesse, qui fait qu’il faut compter avec elle.

Elle est une arme «atomique», elle veut aller vite, mais elle doit savoir raison garder pour éviter certains chemins hasardeux.

On peut vouloir anticiper, sauter les obstacles, mais il faut avoir de la sagesse et être courageux, sans être téméraire.

 Le nouveau pouvoir sénégalais doit travailler à répondre aux aspirations du peuple. Il ne doit pas se laisser aller dans des chemins sans issue. Dans une sorte de populisme qui va complexifier la situation.

Le nouveau pouvoir doit  être constant dans sa gouvernance, de manière résolue et consciente.

Libreinfo.net : Le Sénégal reste tout de même un pays historiquement stratégique pour la France, qui est alors décriée un peu partout par la jeunesse africaine. Comment voyez-vous les futures relations entre les deux pays ?

Ismaël A Diallo : Le Sénégal jusqu’à présent paraîssait être un des noyaux durs de la fidélité à la France. Que va-t-il se passer ?

Dans plusieurs discours, Diomaye Faye et son camarade Ousmane Sonko ont parlé de rupture, de l’emprise politique et économique de la France sur les pays Africains.

J’espère que le nouveau pouvoir sénégalais fera une rupture douce, plus consciente que nous le Burkina Faso. Une rupture qui pose des conditions, un nouvel mode de relations, qui montre la porte s’il n’y a pas d’entente. plutôt sans traiter la France de tous les maux.

 Penser que n’importe quel partenaire est meilleur, comme la Russie, la Turquie, l’Iran. J’espère que le Sénégal invitera la France à s’asseoir pour discuter point par point, cas par cas de leurs relations afin de parvenir à ce qui est bon pour le Sénégal.

Confirmer ou  amender ici et là et rejeter ce qui était en défaveur du Sénégal, calmement. Il n’aura pas besoin d’invectiver. Je vois ici que le problème ne se posera pas pour le Sénégal, mais pour la France.

 Du côté du Sénégal, il sera très clair. Les Sénégalais auront la franchise de dire à la France «voici où nous sommes, voici où nous voulons aller. L’esprit et la lettre de tel accord ne nous convient pas.»

«Voici ce que nous suggérons. Voici comment nous allons faire des réglages pour épuiser toute la gamme des accords entre la France et le Sénégal». 

Le problème ne sera pas du côté du Sénégal, mais de celui de la France qui a toujours dû mal à comprendre et accepter que les Africains ont changé.

Libreinfo.net : Diomaye Faye dans sa campagne n’exclut pas une sortie progressive du F CFA pour une monnaie nationale, est-ce qu’une telle décision ne mettrait pas en péril l’UEMOA ?

Ismaël A Diallo : Oui certainement. Si le Sénégal vient à être contraint d’opter pour la création de sa monnaie nationale, je peux imaginer que cela ne ferait pas l’affaire de l’Union monétaire ouest africaine (Uemoa).

Et peut-être qu’il finira dans cette démarche à convaincre le chef d’état de la Côte d’Ivoire en particulier  de l’urgente nécessité de sortir du statu quo.

Libreinfo.net : Diomaye Faye souhaite voir les pays de l’AES reconsidérer leur position vis-à-vis de la CEDEAO, y-a-t-il des raisons vraiment d’œuvrer à cela ?

Ismaël A Diallo : Ce serait l’idéal et je comprends qu’il veuille s’investir pour cela.

Même le Président du Nigeria Ahmed Bola Tinubu travaille à ramener ces trois pays dans la CEDEAO.

Il ne faut pas casser nos institutions régionales, il faut chercher plutôt à les  renforcer pour promouvoir la réelle intégration.

Personnellement, je me demande si la création de l’AES est antinomique de l’appartenance à la CEDEAO.Au contraire, il faut travailler à propulser la CEDEAO vers une intégration plus rapide.

Je doute cependant que les trois chefs d’État de l’AES puissent retourner à la CEDEAO parce qu’ils sont  otages de leur opinion.

Comment vont-ils expliquer les raisons qui les amènent à retourner surtout que celui du Burkina Faso a dit que c’est une décision irréversible.

 Je crois que c’est un effort louable de la part du Sénégal. Il faut faire en sorte que tous les ponts ne soient pas coupés entre la CEDEAO et l’AES. Faire en sorte que les chefs d’État de la CEDEAO comprennent qu’on ne peut pas continuer comme avant, qu’il faut accepter que la CEDEAO n’ait pas progressé de manière satisfaisante vers l’intégration.

 L’intégration ne doit pas seulement être économique, il y a l’intégration sociale pour éviter les tracasseries.

On ne peut pas prétendre promouvoir l’intégration en parlant de non-ingérence dans les affaires intérieures des États et de l’intangibilité des frontières, cela n’a pas de sens.

Par exemple moi qui suis Burkinabè et m’identifie depuis toujours au Liptako-Gourma, ayant des parents dans chacun des trois pays, pour moi l’AES ne sera que lorsqu’un Malien arrivant  au Burkina ou au Niger mènerait sa vie comme s’il était au Mali.

  La même chose pour le burkinabè au Niger, ou au Mali, le nigérien au Burkina ou au Mali.

Que l’espace soit véritablement intégré. Intégré ne veut pas dire avoir des réunions des chefs d’état, ministres et hauts-fonctionnaires. Il  faut promouvoir de manière agressive la mobilité et l’interaction des peuples.

Libreinfo.net : Est-ce que le duo Faye et Sonko à la tête de l’exécutif peut vraiment créer un nouvel ordre dans les relations internationales avec le Sénégal ?

Ismaël A Diallo : Si Ousmane Sonko avait été candidat élu et nommé Diomaye Faye, premier ministre, cela aurait été peut-être un non-événement, mais que ça soit Faye qui est Président et Sonko premier ministre… Est-ce que Sonko se limitera à son rôle de Premier ministre sans faire de l’ombre au président ? Quelle sera sa marge de manœuvre ? Surtout que leur programme indique un trop grand pouvoir du président de la république qu’il faut réaménager.

Comment le Président lui-même s’accommodera du dynamisme de Ousmane Sonko ? C’est un attelage délicat.

On  verra comment ils pourront travailler et  combien de temps l’entente durera . Les personnalités, l’égo, l’entourage vont jouer.

Cet attelage va être difficile et cela est coutumier  dans l’histoire politique, partout et de tous temps.

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