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Exportation de l’Energie: «Je suis un peu peiné de voir que les Burkinabè n’ont pas d’ambition et ça c’est malheureux» Dr Bachir Ismaël Ouédraogo

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Le transport de l’Energie entre la Côte d’Ivoire et le Burkina est une question capitale. Le Traité d’amitié et de coopération (TAC) est l’un des rendez-vous d’affaire privilégié entre les deux pays pour discuter de cette question. C’est ce qu’a laissé entendre le ministre burkinabè de l’Energie, des mines et des carrières, Dr Bachir Ismaël Ouédraogo, présent à Abidjan au 9ème TAC. Dans un entretien accordé à Libreinfo.net en marge de cette rencontre entre les deux pays, le jeune ministre (42 ans) en charge de l’Energie se montre très ambitieux avec des projets majeurs au nombre desquels le transport de l’Energie entre la Côte d’Ivoire et le Burkina, la construction d’un pipeline entre Abidjan et Ouagadougou, la fourniture de l’Energie à d’autres pays, l’industrialisation, etc.

 

Propos recueillis à Abidjan par Albert Nagreogo

Libre info (Li) : Vous êtes à Abidjan dans le cadre du 9è TAC. Qu’est-ce qu’on peut retenir de cette rencontre en ce qui concerne les questions sur l’énergie ?

Bachir Ismaël Ouédraogo (BIO) : Dans le cadre du TAC, on était arrivé à un accord avec la Côte d’Ivoire pour avoir en permanence 90 mégawatts. Cette année, nous n’avons eu en moyenne que 30 mégawatts. Ce qui veut dire qu’on a pratiquement un déficit de 60 mégawatts que nous avions à combler. La grande difficulté, c’est que la Côte d’Ivoire avait un problème avec ses barrages hydroélectriques mais aussi avec ses centrales à gaz. Donc à l’interne même, la Côte d’ivoire avait un déficit de 200 mégawatts à 300 mégawatts. Cela s’est répercuté sur les pays comme le Burkina, le Mali, la Sierra Léone, qui importent l’énergie de la Côte d’ivoire.

Dans le cadre du TAC 9, l’objectif était de voir si les problèmes étaient résorbés et si on était arrivé à un niveau où chacun respecte ses engagements. Parce que c’est important que dans le cadre du TAC nous puissions avoir une collaboration gagnant gagnant. Et il faut que les engagements que chacun prend puissent être respectés. Sinon on se retrouve à la case départ et il y’a un problème de confiance qui se pose.

Ça veut dire que dans une bonne collaboration où nous pouvons compter sur un partenaire, il faut travailler à ce que les engagements puissent être respectés. Mais je suis conscient que tant que la Côte d’Ivoire ne va pas résoudre ses problèmes, elle ne va pas aussi résoudre les problèmes du Burkina à notre place. Cela pose aussi un problème que nous connaissons très bien. A savoir qu’il faudrait que nous essayions nous-mêmes de trouver des solutions à nos propres problèmes et ne pas seulement attendre que les autres résolvent nos problèmes

Li : ça veut dire que dans cette coopération, il n’y a pas que l’amitié mais il y’a aussi des intérêts à gagner du point de vue économique ?

BIO : Absolument ! Il y’a un président qui disait qu’il n’y a pas d’amitié entre les Etats, il n’y a que les intérêts. Il ne faut pas se leurrer. Celui qui va dans une collaboration entre Etats- Etats et qui pense que c’est de l’amitié et le romantisme se trompe. Chacun défend ses intérêts et il faut le comprendre. Nous ne venons pas en Côte d’Ivoire en villégiature, il faut savoir que nous devons défendre nos intérêts et les ivoiriens aussi défendent leurs intérêts. C’est de l’économie, c’est du commerce, c’est de l’emploi. Et il faut qu’au niveau du Burkina, les paradigmes changent.

Il faut qu’on comprenne qu’aujourd’hui il n’y a plus de sentimentalisme dans les relations entre les peuples. Il faut aller dans cette relation pour voir qu’est-ce qu’on gagne dans ce traité d’amitié et de coopération et quel est le partenariat que nous avons ? Quel est la part que nous prenons dans ce gâteau-là. Parce qu’il faut le dire, nous avons un marché sous régional et dans ce marché sous régional le Burkina doit se poser la question de savoir quel est notre part dans ce marché. C’est en cela que je dis que nous ne devons pas aller dans cette collaboration en tant que consommateur seulement. Nous devons aussi penser vendre à la Côte d’Ivoire,

Li : Vous voulez vendre quoi à la Côte d’Ivoire ?

BIO : Il y’a beaucoup de choses. Que ce soit dans l’agriculture, dans l’élevage, dans l’énergie, dans le transport, il faut que nous puissions prendre notre part et ne pas seulement se transformer en un pays de consommateur.

Li : Est-ce que vous adhérez à ce projet de pipeline pour le transport de l’Energie entre la Côte d’Ivoire et le Burkina?

BIO : Bien sûr que nous y adhérons parce qu’aujourd’hui, il n’y a pas moins de 200 camions par jour qui déportent à la SONABHY. Et quand vous extrapoler dans 10 ans, 15 ans nous ne serons plus à mesure de le faire. Ça veut dire quoi ? vous avez 200 camions qui déportent, vous avez au moins 200 camions qui sont sur la route, vous avez 200 camions qui sont entrain de charger, vous avez 200 camions qui sont entrain de venir.

Ce sont donc des milliers de camions qui sont sur la route constamment. Nous n’allons pas arriver à satisfaire la demande au Burkina si nous n’avons pas de pipeline. Donc le pipeline aujourd’hui s’impose à nous. Ce n’est plus un choix. Dans dix ans, si nous n’avons pas un pipeline, le Burkina Faso ne pourra pas avoir suffisamment de fuel pour sa population. C’est aussi simple que ça. Donc il faut s’y prendre très tôt sinon on aura le couteau à la gorge.

Li : Quel est l’état d’avancement de ce projet aujourd’hui. Est ce qu’à l’issue de ce 9ème TAC, il y’a eu un pas de plus qui a été franchi ?

BIO : Absolument ! Nous avons échangé parce que les ivoiriens ont déjà démarré. Ils ont démarré avec le pipeline Abidjan-Bouaké mais il faut qu’on rattrape vite les choses. C’est ce que j’ai dit car le volume et les dimensions du pipeline que les ivoiriens sont entrain de faire ne va pas répondre réellement à la demande. Parce qu’un tel pipeline ne pourra pas desservir le nord de la Côte d’Ivoire et desservir en même temps le marché burkinabè.

Il faut qu’on redimensionne le projet pour qu’il puisse prendre en compte nos aspirations et c’est ce que nous avons tenu à dire aux Ivoiriens pendant ce TAC. Il faut rapidement redimensionner ce projet de pipeline pour que le tonnage puisse être plus important. Je pense que normalement d’ici l’année prochaine nous aussi on devrait être à mesure de démarrer le projet à notre niveau.

Lire aussi: Traité d’amitié et de coopération, le projet de pipeline Côte d’Ivoire-Burkina dans les tuyaux

Li : Combien coûte à l’Etat burkinabè le transport de l’Energie entre la Côte d’Ivoire et le Burkina?

BIO : C’est une grande question mais vous savez que nous avons diversifié un peu nos sources d’approvisionnement. Vous savez qu’avec la société ivoirienne de raffinage (SIR) nous avons eu des difficultés à un temps donné. Ce qui a fait que le tonnage a diminué de ce côté. Je peux dire grosso modo qu’on n’est pas à moins de 100 à 200 milliards par an.

Li : Le Burkina est actionnaire à la SIR dit-on, comment expliquer les difficultés que vous avez eues avec cette société dans le transport de l’Energie avec la Côte d’Ivoire?

BIO : Nous avons des difficultés avec le coût, avec les facilités de transport et de stockage et nous l’avons dit à nos partenaires de la SIR. Je comprends qu’en réalité, la Côte d’Ivoire aujourd’hui n’en a pas suffisamment pour sa consommation interne. Ce qui fait que des fois, ce n’est pas qu’elle ne veut pas mais en réalité elle n’a pas suffisamment pour leurs propres consommations. C’est ce que j’ai compris. Ce qui fait qu’avec la SIR, ils vont importer, prendre une marge avant de nous revendre et cela ne nous arrange pas du tout.

Retour sur un sujet qui défrayé la chronique

 

Li : Vous avez parlé devant l’Assemblée nationale d’exporter et de vendre l’énergie. Est ce que vous êtes toujours sur votre position de vendre l’énergie à d’autres pays ?

BIO : Je suis un peu peiné de voir que les Burkinabè n’ont pas d’ambition et ça c’est malheureux. C’est malheureux, parce qu’un pays comme la Côte d’Ivoire nous vend l’énergie depuis plus de 25 ans. Quand les ivoiriens nous vendaient l’énergie, ils étaient autour de 40% de la population qui avait accès à l’énergie. Aujourd’hui le Burkina Faso a 50% de sa population qui a accès à l’énergie et vous n’avez pas d’ambition pour pouvoir faire le commerce avec les autres, c’est malheureux.

Je le dis. Un pays qui n’a pas d’ambition, un pays qui n’aspire pas à vendre avec les autres, c’est un pays qui ne va jamais se développer. Un pays comme le Ghana, quand il nous vendait l’énergie, il ne couvrait pas 100% de la population. Je pense que le Burkinabè doit changer un peu sa mentalité. Pourquoi nous payons avec la Côte d’Ivoire ?

Posez-vous la question. C’est parce qu’ils produisent le kilowattheure à un coût qui est moins chère que nous ? Vous ne payez pas avec quelqu’un qui à un coût qui est plus cher que vous sinon vous allez produire localement. Aujourd’hui avec l’énergie solaire le Burkina Faso a le meilleur coût de kilowattheure moins cher que l’hydro, moins cher que l’éolienne, moins cher que le thermique, alors si vous n’avez pas d’ambition je suis désolé (rires).

Li : Qui n’a pas d’ambition ? le gouvernement ?

BIO : Quand un ministre dit qu’il va le faire et que vous tous, que ce soit la presse, que ce soit le peuple, vous lui tombez dessus. Qu’est ce que ça veut dire ? Ça veut dire que c’est le peuple qui n’a pas d’ambition. Le ministre vous a donné la vision, il vous a montré qu’on peut y arriver. Il vous montre même ce qu’il faut comme investissements et au lieu de l’écouter, au lieu que nous nous donnions la main pour l’accompagner pour pouvoir atteindre les objectifs, on dit que c’est un rêveur, un démagogue. C’est malheureux de voir que nous sommes dans cet état d’esprit parce que les autres pays pensent à comment ils vont prendre notre potentiel mais nous non.

Li : Mais la contradiction est venue de votre camp politique ?

BIO : Non ! C’est l’Assemblée nationale, ce n’est pas de notre camp politique (rires). Elle a joué son rôle, c’est normal. L’Assemblée est dans son rôle. Ce n’est pas un problème. Moi je parle de la population de façon générale sinon ce n’est pas un problème.

Li : Mais vous n’avez pas été aidé par votre bord politique ?

BIO : Moi je n’ai aucun problème par rapport à ça mais vous vous rendez compte qu’aujourd’hui le MCC (Millennium challenge corporation, ndlr) nous donne raison, la Banque mondiale nous donne raison. Le MCC est entrain de signer un troisième compact avec nous pour faire une ligne avec la Côte d’Ivoire en 330 kilovolts. Je dis qu’il n’y a pas meilleure satisfaction que de voir que vos idées sont épousées par des plus grands penseurs et des gens qui ont la capacité de non seulement avoir l’expertise technique mais aussi les finances pour pouvoir vous accompagner.

Li : On a entendu des gens dire que vous êtes dans une position de libéralisme. Est-ce que ces exemples que vous citez ne confortent pas la position de vos détracteurs ?

BIO : Libéralisme, c’est trop dire. Nous sommes dans un mécanisme où nous sommes dans un marché sous régional. Quand vous acceptez de rentrer dans un marché sous régional, vous devez jouer dans les règles du marché sous régional. Qu’est-ce qu’un marché sous régional ? Quand vous êtes dans un marché avec la Côte d’Ivoire, vous voulez acheter, vous voulez vendre ; c’est ça le principe de l’économie. L’économie aujourd’hui ce n’est pas seulement de s’assoir et d’aller faire import export comme on le voit où on va payer pour venir vendre. Il faut penser à l’industrialisation.

C’est l’industrie qui crée de l’emploi, qui crée de la richesse et si vous rentrez dans le marché de l’industrialisation, vous êtes obligé de jouer les règles du jeu et moi je pense qu’aujourd’hui il faut prendre un peu l’exemple de la Chine. La Chine est dite communiste mais tout le monde va payer avec la Chine, c’est devenu l’usine du monde entier. Moi je pense qu’il faut éviter de faire du mimétisme. Il faut trouver sa voie et c’est ce que nous sommes en train de faire. Le Burkina doit trouver sa propre voie. Et c’est ce que nous sommes entrain de faire dans le secteur de l’énergie. Nous avons un potentiel, nous devons trouver notre propre voie, ne pas faire du copier-coller mais travailler à trouver notre propre voie. C’est important parce que quand vous n’avez pas votre voie, vous êtes entrain de regarder comment font les autres, vous êtes entrain d’imiter seulement les autres mais vous n’allez pas voir votre propre personnalité.

Et cela ne va pas vous permettre d’aller de l’avant. Quand vous prenez des pays comme les Etats-Unis, la Chine, l’Inde, ce sont des gens qui ont une identité, ce sont des gens qui ont trouvé leurs chemins. Ils n’ont pas regardé quelqu’un pour pouvoir se développer, pour pouvoir trouver leurs voies. De façon intrinsèque, ils ont trouvé leurs chemins. C’est ce que nous sommes entrain de faire aussi avec le Burkina. Nous devons trouver notre propre voie à nous et ne pas faire du mimétisme. Avec nos propres moyens, avec les moyens de bord, nous devons travailler à développer notre pays sans avoir de sentiment d’infériorité ou de petitesse. On est des burkinabè, on est fier de l’être et on devait être fier de pouvoir développer ce pays-là, de transformer ce pays. Si nous n’avons pas l’ambition de transformer le Burkina, qui va le faire à notre place ? ça ne va pas être les Chinois, ni les américains.

Lire aussi: [Entretien] TAC: «C’est une chance d’avoir cet instrument de coopération et il faut l’exploiter à fond» Alpha Barry

www.libreinfo.net

 

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