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[Interview] « Nous ne voyons pas très clairement l’action de lutte contre la corruption sous le MPSR», Sagado Nacanabo, SE du REN-LAC

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À leur prise du pouvoir par les armes en janvier 2022, les militaires du MPSR ont promis faire de la lutte contre la corruption au Burkina Faso leur cheville ouvrière pour une gouvernance vertueuse. Dans un entretien accordé à Libreinfo.net, le 9 juin 2023 à Ouagadougou, le Secrétaire exécutif du Réseau national de lutte anti-corruption (REN-LAC), M. Sagado Nacanabo a déclaré qu’il n’a vraiment pas senti une politique mise en œuvre dans ce sens.

Propos recueillis par Nicolas Bazié

Libreinfo.net : Comment le REN-LAC apprécie-t-il la trajectoire de la lutte contre la corruption depuis l’avènement du MPSR ?

Sagado Nacanabo : Nous ne voyons pas très clairement l’action de lutte contre la corruption sous le MPSR. On ne sent pas qu’il y a une politique qui est mise en œuvre dans ce sens.

A notre niveau, dès l’arrivée au pouvoir du MPSR 1, nous avions déjà décliné la façon dont la lutte contre la corruption devrait être menée.

Jusqu’à présent, et malgré les assurances du pouvoir en place de prendre en compte nos recommandations, la lisibilité de cette politique n’est pas évidente pour nous.

Libreinfo.net : Comment avez-vous trouvé l’audit de l’Assemblée nationale ?

Sagado Nacanabo : Nous n’avons pas l’audit de l’Assemblée nationale. Nous avons suivi la conférence de presse comme tout le monde, le rendu du rapport qui en a été fait par l’ASCE-LC (….).

Nous n’avons pas de détails, c’est-à-dire que nous ne connaissons pas les sommes d’argent qui sont incriminées ; nous savons aussi que l’Assemblée nationale a contesté les résultats ; nous n’avons pas de détails sur ce cas précis.

Libreinfo.net : Que pensez-vous de la suite qui est donnée à ce dossier ?

Sagado Nacanabo : Par rapport aux sommes d’argent qui ont été incriminées, l’ASCE-LC nous a rassuré qu’il y a des gens qui sont déjà en train de rembourser ce qu’ils ont pris.

Maintenant, s’il y a des cas qui nécessitent des procédures judiciaires, des procédures seront enclenchées. S’il y en a d’autres aussi qui nécessitent des corrections administratives, l’ASCE-LC les fera.

Libreinfo.net: Il se dit aussi que des audits, voire des investigations, ont été menées par l’ASCE-LC dans l’armée et la sécurité pour la gestion 2016-2021 ; le REN-LAC a t-il été associé à cela ?

Sagado Nacanabo : Nous ne pouvons pas être directement associés en tant qu’organisation de la société civile dans le travail d’une institution d’Etat.

Mais, nous avons un numéro vert ainsi que des agents qui savent bien faire les investigations.

Donc, nous avons communiqué notre numéro vert pour recueillir des éléments d’information à charge de les transmettre à l’ASCE-LC.

Nous sommes donc comme une courroie de transmission des informations vers la structure étatique de contrôle.

Libreinfo.net : Avez-vous le sentiment que la transparence sera faite dans l’acquisition des matériels de l’armée et la gestion des fonds qui y sont affectés aux FDS ?

Sagado Nacanabo : Nous, nous allons tout faire pour qu’il ait de la transparence parce qu’on ne peut pas lutter contre le terrorisme sans transparence et redevabilité.

On rappelle la nécessité, l’incontournabilité de la lutte contre la corruption, dans un contexte de lutte contre le terrorisme.

Donc, pour nous, c’est un passage obligé. Le régime militaire issu d’un coup d’Etat, n’a pas l’habitude de la redevabilité mais, je me dis qu’ils (Ndlr : les dirigeants) n’ont pas d’autre choix parce que quand on gouverne, on doit être transparent. Pour leur propre intérêt, ils sont obligés de passer par la redevabilité et la transparence.

Libreinfo.net : Comment avez-vous accueilli la nouvelle de la démission du contrôleur général d’Etat, M. Philippe Nion ?

Sagado Nacanabo : Cela a été une surprise. Parce qu’il était venu pour cinq ans soit 60 mois et il n’a fait que 15 mois. Il était passé au REN-LAC pour décliner ses ambitions pour les 5 ans ; cela nous avait séduit ; nous avions trouvé que c’était une bonne chose.

Il nous avait promis une collaboration étroite en tant que partenaire privilégié. Et tout à coup, il s’en va. C’est comme si c’était un regret pour nous, surtout quand on sait le temps qu’on met pour avoir un contrôleur général d’Etat. C’est juste une surprise et un regret, mais l’ASCE-LC va retrouver ses marques.

Libreinfo.net: Comment voyez-vous l’avenir de l’ASCE-LC ? Avez-vous des craintes sur son indépendance ?

Sagado Nacanabo : Il faut veiller à ce que l’ASCE-LC soit indépendante. On ne doit pas parler de craintes. Il faut veiller à l’indépendance de cette institution.

Si l’on voit que cela ne va pas dans ce sens, il faut travailler ne serait-ce que par le biais du conseil d’orientation de la structure, pour éviter que l’ASCE-LC ne perde son indépendance.

Elle perdrait son nom si son indépendance n’était pas assurée. C’est une institution qui est appelée à grandir..

Libreinfo.net : Où en est-on avec le procès de contrebande de carburant ?

Sagado Nacanabo : Je ne saurai répondre parce que le dossier est entre les mains de la justice. Mais, on est au deuxième niveau de la procédure. D’autres procédures sont également engagées pour d’autres acteurs.

On avait trouvé que le jugement qui avait été rendu en première instance n’était pas équitable pour certains ; il y avait comme du deux poids deux mesures, de la clémence pour les uns et de l’absence de clémence pour les autres. C’est un gros dossier. Tout ce que nous pouvons faire pour que le droit soit dit, nous le ferons.

Libreinfo.net : Quels sont les problèmes majeurs que rencontrent les structures de lutte contre la corruption au Burkina Faso ?

Sagado Nacanabo : Le problème majeur de lutte contre la corruption, c’est l’accès à l’information. Il faut avoir de la bonne information et des acteurs engagés. Au niveau de la société civile, on ne peut douter de l’engagement du REN-LAC.

Au niveau de la justice, il y a des acteurs judiciaires qui sont fortement engagés, malheureusement, ce n’est pas tout le monde qui est engagé.

Dans certaines situations, ça peut faire un pas en avant et deux pas en arrière lorsque des acteurs de la justice ne sont pas dans la dynamique de la lutte contre le terorisme.

Parce que la justice est un pan important de la lutte contre la corruption. On a une bonne loi, mais sa mise en œuvre peut être améliorée.

J’aime souvent dire que la mise en œuvre de la loi n’a pas atteint 10%. Si elle était mise en œuvre à 50%, on devrait avancer dans cette lutte.

J’appelle les uns et les autres à participer, parce que c’est le contrôle citoyen qui permettra de mieux lutter contre la corruption.

C’est ce contrôle qui est le plus indépendant et le plus efficace parce que c’est populaire. Et là où le peuple s’implique, inévitablement il y aura du succès.

Libreinfo.net: Quelle est votre impression sur la fermeture du journal d’investigation « L’Événement » qui, pendant longtemps, a lutté pour les droits de l’homme et la démocratie ?

Sagado Nacanabo : C’est dommage que pour quelques millions de F CFA, on veuille faire taire une voix comme celle de « L’Événement ». Si ce sont des manœuvres politiques, c’est vraiment dommage.

On sait que tous les médias connaissent des problèmes financiers. Et il faut avoir de l’argent pour fonctionner avant de payer les impôts. Moi, je demanderais aux services des impôts d’être compréhensifs.

Dans cette situation délétère, il ne faut pas être trop exigeant sur les questions qui peuvent se négocier. La bonne foi de « L’Évènement » ne doit pas être remise en cause. Si le journal n’a pas payé, c’est parce qu’il n’avait pas vraiment d’argent pour le faire.

Et ce n’est pas en fermant ses portes qu’il va payer. C’est de trouver le juste milieu et de permettre un échelonnement ou une meilleure situation. Il vaut mieux que le journal existe en payant moins que de le supprimer.

De toutes les façons, si le journal n’est pas là, les impôts ne seront pas payés et nous aussi nous n’aurons plus l’information. Donc il y a une double perte.

www.libreinfo.net

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