Le pouvoir du Comité militaire de redressement pour le progrès national (CMRPN) avait eu un soutien franc de la population voltaïque, à son avènement le 25 novembre 1980 en Haute Volta (actuel Burkina Faso). Les syndicats et le clergé catholique avaient particulièrement applaudi ce coup d’Etat dit des colonels qui avait renversé le président Sangoulé Lamizana, élu en mai 1978. Retour sur les événements de cette période de l’histoire du Burkina (ex-Haute Volta).
Cette nouvelle intrusion de l’armée en politique au Burkina, était venue mettre fin à une querelle politique bloquant le fonctionnement de la 3ème République mise en place en 1978. Retour sur les événements de cette période de l’histoire du Burkina (ex-Haute Volta).
Mais le compagnonnage entre les putschistes du CMPRN et les organisations syndicales qui les avaient soutenus ainsi qu’une frange de la population, n’allait être que de courte durée.
En effet, le CMRPN allait commettre des erreurs en prenant des mesures impopulaires (Fermeture des débits de boissons aux heures de travail de la fonction publique, restrictions de l’émigration, limitation du droit de grève, …) qui allaient avoir raison de son régime.
Le général Sangoulé Lamizana, au pouvoir depuis son coup d’Etat du 3 janvier 1966 contre le premier président civil, Maurice Yaméogo, avait voulu instaurer un régime de parti unique, le Mouvement National pour le Renouveau.
Devant l’opposition populaire à cette idée, il était revenu à la raison. Il allait faire voter une nouvelle Constitution et autoriser à nouveau les activités des partis politiques.
Mais, une fois la date des élections fixée, des formations politiques rétablies comme le Rassemblement démocratique Africain (RDA), le Parti du Regroupement Africain (PRA) et quelques petits autres partis) avaient du mal à désigner leurs candidats.
Certains d’entre eux décidèrent alors, de concert, de choisir le général Aboubacar Sangoulé Lamizana comme leur unique candidat. Le général Lamizana, qui avait été désigné président à la tête du pays en 1966 parce qu’étant l’officier le plus ancien dans le grade le plus élevé, dirigeait déjà la Haute Volta depuis douze ans.
Devant cette situation politique nouvelle en 1978, le général président décidait alors de demander l’avis de l’armée à laquelle il appartenait. Et certainement de solliciter son accompagnement. A cet effet le 24 mars 1978, il rencontrait les officiers de la garnison de Ouagadougou au camp Guillaume Ouédraogo.
Dans son exposé de motifs aux gradés, le général Lamizana, successeur de Maurice Yaméogo (premier président du pays renversé par l’armée le 3 janvier 1966) indiquait : « J’ai été contacté par des partis politiques qui ont voulu me proposer comme candidat aux élections présidentielles. Ces partis m’ont fait cette proposition en raison, disent-ils, des difficultés qu’ils rencontrent pour désigner un candidat en leur propre sein. Le dernier à me rencontrer est le RDA à la date du 23 mars 78. Bien que Président de la République, j’appartiens à l’armée avec laquelle j’ai beaucoup plus de liens que dans les partis. Ma réponse ne leur serait donnée qu’après avis des officiers que j’aurais rencontrés. »
En guise de réponse, ceux des officiers qui seront, bien plus tard, les instigateurs du coup d’Etat du 25 novembre 1980, avaient opposé un refus catégorique. Il s’agissait, entre autres, des colonels Saye Zerbo, Félix Tiemtarboum, de l’intendant militaire Mamadou Sanfo, du colonel Charles Hounsouho Bambara.
Devant cette position d’une partie des officiers, le général Lamizana avait eu cette réponse, sous forme de supplique, à l’endroit de ses cadets : « J’insiste sur le fait que j’ai créé l’armée nationale voltaïque et qu’en conséquence je ne mérite pas un coup d’Etat venant de cette armée. Je n’ai pas le droit de me dérober sans aucune précaution de continuité. »
Le général Lamizana s’était donc présenté comme candidat aux élections présidentielles et l’emportait au second tour, le 28 mai 1978. Une fois aux commandes, Lamizana et son équipe allaient être fragilisés par des grèves perlées qui vont culminer avec une longue grève des syndicats de l’éducation.
Ce mouvement de 50 jours allait avoir raison du régime. L’opposition au pouvoir et les syndicats étaient dans une contestation farouche du régime Lamizana.
Les raisons de la chute du régime dit des colonels
Les motifs de ce coup de force du 25 novembre 1980 étaient d’abord de mettre fin à un plan « machiavélique » visant à s’en prendre à des vies humaines et ensuite à la gestion gabegique du pays.
Dans son ouvrage intitulé « Voyage de la Haute-Volta au Burkina Faso », Edouard Ouédraogo, pour ce qui concerne l’argument du bain de sang avancé par le CMRPN, souligne que « … huit mois plus tard on exhibera à la Maison du peuple, le fameux arsenal que le RDA était accusé d’avoir stocké. On se rendra bien compte qu’il y avait loin de la fiction à la réalité. Mais dans les premiers jours de son avènement, ils ne furent pas nombreux les Voltaïques à ne pas présumer de la bonne foi du CMRPN. »
Les Voltaïques (Actuels Burkinabè) avaient salué bruyamment ce changement politique violent. Les deux principaux syndicats d’enseignants, le SNEAHV ( Syndicat National des Enseignants Africains de la Haute-Volta) et le SUVESS (Syndicat Unique Voltaïque des Enseignants du Secondaire et du Supérieur) avaient manifesté publiquement leurs soutiens au régime des colonels.
La principale raison du soutien de ces syndicats était que leurs manifestations avaient abouti aux événements du 25 novembre 1980. La raison secondaire était la revendication pour la restitution des deux mois de salaires que l’ancien régime leur avait coupés.
La première mesure du CMRPN avait été la lutte contre absentéisme à la Fonction publique. Il avait décrété également la fermeture des débits de boissons les jours et heures ouvrables, causant des frustrés parmi les non fonctionnaires de même chez les tenanciers de bars et de cabarets.
Une autre mesure du CMRPN ayant eu des conséquences incommensurables avait été la soumission à l’autorisation préalable d’immigrer dans les pays voisins et notamment en Côte d’Ivoire où résidaient une forte communauté de Voltaïques. La portée économique et sociale de cette réglementation de l’émigration était jugée néfaste.
En plus de ces deux mesures, le CMRPN avait commis une autre erreur, celle de frustrer un partenaire stratégique qui lui avait permis d’accéder au pouvoir. Il s’agissait des syndicats dont il avait suspendu le droit de grève.
Le comble fut la dissolution de la Confédération syndicale voltaïque (CSV) dont le secrétaire général était Soumane Touré. Les autorités lancèrent même contre ce dernier un mandat d’arrêt international.
Cette centrale avait prévu d’organiser une grève de protestation contre ce qu’elle avait qualifié de menace pour les libertés démocratiques à la suite des mesures hostiles à la vie syndicale prises par le CMRPN.
La crise avait atteint un point de non-retour avec ces partenaires sociaux lorsque survint également une autre crise, cette fois dans l’armée. Le colonel Saye Zerbo, Président du CMRPN, avait été contraint de convoquer la tenue d’une Assemblée générale du Conseil des forces Armées Voltaïques (CFAV) le 15 avril 1982.
Un comité Ad’hoc, avec à sa tête le médecin commandant Jean Baptiste Ouédraogo, avait dressé le diagnostic de cette crise et fait des propositions de sortie de crise qui allaient miner la grande muette.
Il s’agissait, entre autres, de l’application rigoureuse des statuts du CFAV, de l’instauration de débats démocratiques véritable au niveau des instances selon l’esprit des textes en vigueur, de la responsabilisation de chaque officier et sous-officier, gendarme et homme de rang par l’information et l’éducation afin de créer et de maintenir l’unité et la cohésion de l’armée.
Un accent devait être mis sur la lutte contre les promotions de complaisance, le laxisme et le favoritisme. Il avait été demandé le limogeage des responsables impopulaires dans l’armée du fait de détournements de deniers publics ou de l’implication dans les scandales.
Les assises de l’armée de cette période avaient également demandé la nomination d’un chef d’état-major général des armées capable de restaurer l’ordre et la discipline.
Aux termes des débats au sein de cette instance qui avaient duré plusieurs heures, les premiers responsables du CMRPN avaient choisi le statu quo. Ce qui allait provoquer un autre coup d’Etat, le 7 novembre 1982 qui mènera au pouvoir un Conseil provisoire de salut du peuple (CPSP) ayant eu raison du régime des colonels.
Cette instance dirigeante se muera plus tard en Conseil de salut du peuple (CSP) tout simplement.
Le CMRPN n’a régné que 722 jours en Haute-Volta. Il avait pourtant, nous semble-t-il, un ensemble d’atouts pour réussir sa mission.
Mais il avait commis l’imprudence de les vendanger par des prises de décisions impopulaires et par son refus de compromis dans l’armée lors des discussions autour des propositions du comité Ad hoc dirigé par le médecin commandant Jean Baptiste Ouédraogo, celui-là même qui deviendra plus tard le président du CSP.