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Ouagadougou: rencontre avec Sylvie, hôtesse de bar, « Une serveuse doit toujours paraître sexy »  

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Des filles de plusieurs nationalités travaillent comme serveuses dans les maquis et bars de la ville de Ouagadougou, au Burkina Faso. Parmi elles, Sylvie (nom d’emprunt), une jeune fille ivoirienne nous raconte les motifs de son aventure, ses conditions de vie et de travail dans les débits de boisson dans la capitale burkinabè..

Par Nicolas Bazié

Sylvie (nom d’emprunt) s’est présentée à nous comme étant une jeune fille ivoirienne exerçant le métier de serveuse dans un maquis des 1200 logements de Ouagadougou où je l’ai rencontrée un soir. Elle dit s’appeler Sylvie et avoir 27 ans. Créature au visage d’ange, physiquement gracieuse, Sylvie, selon ses confidences, traîne une douleur, qui lui a été servie par ses parents à son enfance.

Autour d’une table, nous avons commencé à échanger. Sylvie a beaucoup d’expériences dans le travail de maquis comme je vais le constater, en suivant le parcours qu’elle me décrit avant le Burkina, elle a fait plusieurs pays africains où elle officiait comme serveuse. « Cela fait 5 mois que je suis à Ouagadougou, en provenance du Mali, grâce à quelqu’un. J’ai aussi fait la Gambie » me raconte-t-elle entre deux gorgées.

Au Burkina Faso, dans le débit de boisson où elle sert, la jeune dame nous assure avoir une rémunération qui lui permet de mieux vivre et d’aider sa mère en Côte d’Ivoire : « J’ai 60 000 F CFA le mois comme salaire. J’ai souvent des pourboires. Ça permet de payer mon loyer à 30.000 F et de soutenir ma mère restée en Côte d’Ivoire ». 

« Mon père m’a abandonné quand j’avais  3 mois, m’a raconté ma mère » me confie Sylvie, aujourd’hui âgée de 27 ans. Elle dit avoir connu une enfance très difficile Après cet épisode douloureux, c’est le nouveau mari de sa mère qui avait pris soin d’elle, jusqu’à l’inscrire à l’école. Cependant, à sa classe de 5e, des gens avaient dit à son père adoptif de bien réfléchir avant de continuer à s’occuper de Sylvie car, lorsqu’elle réussirait elle pourrait ne plus se souvenir de lui. 

Malheureusement pour Sylvie, le nouveau mari de sa mère avait alors écouté ces personnes  et avait finalement abandonné la petite fille qu’elle était à son sort. Sylvie poursuit : « J’avais  pris conscience, très tôt, que j’étais seule et que je devais me battre pour moi-même ». C’est ainsi qu’elle sera obligée d’abandonner les études pour « se chercher dans la vie ». A plusieurs reprises, elle est allée dire à sa maman qu’elle allait tenter l’aventure à l’étranger. « Aujourd’hui, estime Sylvie, je ne peux pas dire que ça va, mais je m’en sors quand même. Je veille à ce que l’argent ne manque pas à ma mère ».

Ce qui rend Sylvie fière, c’est le fait que sa petite sœur ait pu étudier jusqu’à l’université : « Je ne peux qu’être très heureuse, parce qu’elle est arrivée là où moi je ne suis pas arrivée. Je vais continuer à me battre pour notre bonheur » m’a-t-elle assuré. 

Serveuse de maquis, travail difficile entaché de préjugés

Travailler comme serveuse dans un maquis est un travail fatiguant où on ne dort presque pas si le maquis fonctionne bien. C’est un travail où l’on dépense également dans l’habillement. Une serveuse doit toujours paraître sexy. Et pour l’être, il faut avoir du maquillage et des vêtements selon cette jeune dame ivoirienne Sylvie.

Le milieu n’est pas aussi vu d’un bon œil reconnaît-elle :« De nombreuses personnes, surtout les hommes, nous voient comme des prostituées. Ce qui est complètement faux ; parce qu’il y a des serveuses qui gardent leur dignité ».

Et Sylvie, l’Ivoirienne, de nous raconter une expérience malheureuse qu’elle a vécue en seulement quelques mois de travail au Burkina Faso : « Un jour, un homme est venu avec sa femme. Je suis allée prendre la commande. L’homme me parlait ; mais avec la musique, je n’entendais pas bien. Je me suis donc approchée pour mieux écouter ce qu’il disait. À ma grande surprise, sa femme m’a giflée. Je n’ai rien dit. Je suis allée me cacher pour essuyer mes larmes et continuer mon travail. Ma réaction a tellement marqué son mari qu’il est revenu après me voir pour s’excuser. Je n’arrive pas à comprendre qu’une femme méprise une autre de cette façon. »

Serveuse de bar, un métier qui mérite respect

Sylvie trouve le métier de serveuse de bars noble comme les autres métiers et appelle les gens au respect des travailleurs de maquis et bars. « Nous sommes des filles comme tout le monde. Nous exerçons un métier qui est noble. C’est avec ce travail que nous nous occupons de nous-mêmes et de nos familles au pays » se défend Sylvie qui ajoute qu’elle voudrait faire venir d’autres filles. 

En 2023, l’année prochaine donc, Sylvie m’informe qu’elle prévoit de quitter ce métier pour créer son propre business, avec les économies qu’elle fera. « Je vais laisser le métier de serveuse et créer quelque chose pour moi. C’était d’ailleurs mon objectif. Je sais qu’un jour, les choses iront mieux pour moi », espère-t-elle.

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