WhatsApp Image 2025-04-15 at 16.31.19
libre-info.gif

RD Congo : Vous avez dit révision de la Constitution ?

Félix Tshisekedi, président de la RD Congo

Les sirènes d’une révision de la Constitution sifflent en République démocratique du Congo, où l’on parle de mettre à jour des dispositions devenues obsolètes ! Le camp présidentiel semble en faire un point d’orgue de ce second quinquennat de Félix Tshisekedi, alors que l’opposition crie aux velléités d’une remise en cause de la limitation des mandats. En attendant, la guerre, l’insécurité ainsi que les problèmes sociaux et humanitaires sont le lot quotidien des populations qui ne savent plus à quel saint se vouer…  

Par Serge Mathias Tomondji

C’est reparti pour un nouveau débat sur le changement de la Constitution d’un pays d’Afrique ! Et cette fois-ci, c’est la République démocratique du Congo qui s’y colle ! Du moins, la question est actuellement sur la table et suscite bien des inquiétudes. D’autant que ce pays, quatrième le plus peuplé d’Afrique, qui abrite près de 110 millions d’âmes sur son vaste territoire de 2 345 410 km², présente un chapelet de problèmes sociaux, économiques, humanitaires et sécuritaires.

La guerre qui sévit, depuis des années, dans l’est de la République démocratique du Congo et qui continue de faire de nombreuses victimes suffit à elle seule pour dessiner la feuille de route et fixer les priorités des gouvernants. Le président du groupe d’opposition « Ensemble » à l’Assemblée nationale, Christian Mwando, n’en pense pas moins. Pour lui en effet, « le Congo est en guerre et en pleine crise économique. La priorité de Félix Tshisekedi devrait (donc) être de stabiliser le pays ».

L’opposant juge ainsi inopportune le débat actuel sur une modification constitutionnelle et pense que le Président risque, avec un tel projet, de « diviser davantage la population ». Mais du côté du pouvoir, on ne l’entend pas de cette oreille ! Le secrétaire général de l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS, parti présidentiel), Augustin Kabuya, estime en effet que le texte constitutionnel, qui date de 2006, « doit être modifié pour répondre aux besoins actuels du pays ».

Flash-back

Cette révision est nécessaire, suggère-t-il, « pour lever certains obstacles institutionnels qui freinent l’efficacité de l’État » et solder définitivement les comptes avec l’ère Joseph Kabila. Fils du président Laurent-Désiré Kabila, auquel il a succédé suite à son assassinat, le 16 janvier 2001, Joseph Kabila a dirigé le pays jusqu’au 25 janvier 2019. Et a cédé, au bout d’un long processus à multiples rebondissements, le fauteuil présidentiel à Félix Tshisekedi, fils de… Etienne Tshisekedi, « opposant historique » décédé le 1er février 2017 à Bruxelles.

Flash-back. Kabila père prend les rênes de l’ancien Zaïre en mai 1997, lorsqu’il chassa Mobutu Sese Seko du pouvoir. Il rebaptise le pays République démocratique et ordonne, un an après sa prise du pouvoir, « l’expulsion de toutes les troupes étrangères du pays ». Ses anciens alliés rwandais et ougandais se retournent alors contre lui et plongent le Congo dans une deuxième guerre au cours de laquelle celui qui est surnommé Mzee — « le Sage » en swahili — est assassiné par l’un de ses gardes du corps.

Et lorsque son fils, Joseph Kabila, est propulsé au-devant de la scène, on espérait qu’il approfondirait l’œuvre de nettoyage social et démocratique de son père. Mais bien évidemment, le jeune homme, 30 ans à l’époque — il est né le 4 juin 1971 — partait sans doute avec le diktat de ceux qui l’ont fait roi…

« Gentleman agreement »

Ce contexte de départ a donc fait le lit à un parcours présidentiel difficile, heurté, avec une omniprésence des crises sociopolitiques, notamment lorsqu’est venu le moment de passer le témoin. Le rendez-vous constitutionnel de l’élection présidentielle de 2016 a ainsi été mis entre parenthèses par des manœuvres politiciennes et des manipulations hégémoniques.

De conciliabules en compromis sur fond de manifestations tous azimuts, il aura fallu un accord dit de la Saint-Sylvestre, arraché in extrémis le 31 décembre 2016 par la Conférence épiscopale nationale du Congo (Cenco) pour contenir la cocotte explosive. Cet accord aménageait un sursis d’une année au président en poste mais tout a été mis en œuvre pour en torpiller l’esprit et la lettre.

Joseph Kabila, ancien président de la RD Congo
Joseph Kabila, ancien président de la RD Congo

Le décès, le 1er février 2017, en plein processus de Transition, de l’opposant historique Etienne Tshisekedi, n’a pas non plus arrangé les choses. La Transition aux allures de « glissement » du mandat du président Joseph Kabila s’est ainsi finalement prolongée jusqu’en 2018.

Cependant, il a fallu pour ainsi dire lui forcer la main pour qu’enfin des élections auxquelles il n’a pas pris part, ne scellent son sort.

Au bout du suspense, la Commission électorale déclare Félix Tshisekedi vainqueur de l’élection présidentielle du 30 décembre 2018 avec 38,57 % des voix, à l’issue d’un scrutin fortement contesté. On a fait état d’un « gentleman agreement » entre le fils du tombeur de Mobutu Sese Seko et le fils de l’irréductible opposant de ce dernier. Quasiment deux années après la mort de son père, Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo est donc investi, le 24 janvier 2019, cinquième président de la République démocratique du Congo.

Jauger le pour et le contre

Autant dire que ce pays vient de loin ! De plus, le premier quinquennat du nouveau président (2019-2023) n’aura pas été des plus flamboyants. La guerre fait toujours rage dans l’est de la République démocratique du Congo et les démêlés avec le Rwanda voisin sont vivaces. Pendant ce temps, la crise sociale et humanitaire s’accentue pour souligner des contours sécuritaires des plus préoccupants.

C’est dans cette ambiance que le camp présidentiel compte engager une révision de la Constitution qui, pour ses pourfendeurs, n’a d’autre finalité que de « pérenniser le pouvoir du président Félix Tshisekedi », réélu en 2023. En rappelant que malgré ses velléités pour s’accrocher au pouvoir Joseph Kabila n’avait pas touché au principe de la limitation des mandats porté par la Constitution de 2006 (dont certains articles ont été modifiés par la Loi n°11/002 du 20 janvier 2011), l’opposant Claudel André Lubaya accuse le camp présidentiel de vouloir supprimer cette disposition pour « transformer la présidence en une monarchie déguisée ».

En tout état de cause, opposants politiques, société civile, ONG… se demandent si cette révision est vraiment nécessaire pour l’amélioration du fonctionnement de l’État. Oui, semble avoir répondu le chef de l’État lui-même, lors d’une rencontre, le 3 mai dernier, avec la diaspora congolaise à Bruxelles. Pour lui, il apparaît indispensable d’opérer une « mise à jour » de la Constitution de son pays qu’il juge « obsolète » et conçue « pour faire la part belle aux belligérants » du conflit congolais.

Ce lifting, s’il se concrétise, ouvrira-t-il la porte d’un troisième mandat à Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo à la tête du pays ? Il y a sans doute lieu de jauger le pour et le contre avant de se lancer dans une aventure qui bouleverserait l’ordre établi en jouant sur le nombre ou la durée des mandats présidentiels, ainsi que sur le mode de scrutin. C’est bien connu, plusieurs chefs d’État africains ont déjà excellé dans l’art de s’octroyer un… « troisième mandat » au bout d’un tripatouillage de la Loi fondamentale de leurs pays. Et, on ne l’a que trop dénoncé, le « troisième mandat » est un coup d’État constitutionnel !

www.libreinfo.net

En Continu

📰 En Continu

Articles similaires