La dernière attaque terroriste contre le convoi de la société minière Semafo dans la région de l’Est au Burkina suscite beaucoup de questions chez plusieurs burkinabè. Ismaël Diallo est un politologue.Il fait parti de ces burkinabè qui s’indignent de manque de réactions appropriées contre le terrorisme.Il exprime son amertume dans les lignes qui suivent.
Libreinfo.net : comment analysez-vous l’attaque terroriste contre le convoi minier de la Semafo ?
Je suis très perplexe : par ces temps comment un convoi peut-il s’ébranler avec un seul véhicule militaire de pont (comme rapporté) avant qu’une reconnaissance ait été effectuée sur tout le trajet à parcourir ? Ceci a-t-il été fait ? Si NON pourquoi ? Si OUI comment, quand et par qui ? La pose d’explosifs étant récurrente, il faut soit éviter certaines routes, soit les sécuriser avant le passage d’un convoi, soit les « contrôler » pour s’assurer qu’elles sont dégagées de mines. Il y a différentes méthodes de sécurisation et de reconnaissance.
En tout état de cause, il y a des questions essentielles à poser. Pourquoi recourir à un tel convoi avec si peu de précautions ? Parce qu’on remet tout à….Dieu ? Quelles reconnaissances humaines (personnes à vélo et à moto) et techniques (drones) ont été utilisées avant que le convoi s’ébranle et au fur et à mesure de sa progression ?Quel « back up » / couverture ou réaction rapide a été mise en place ? Quelle était la disposition de riposte et la capacité de feu de l’escorte et de certaines personnes dans le convoi ? Le renseignement était manifestement totalement défaillant.
libreinfo.net : est-ce que vous avez le sentiment que le Burkina progresse dans la lutte contre le terrorisme ?
Ceux-même qui sont commis aux tâches de lutte contre le terrorisme admettraient que le pays n’est pas à la hauteur des défis. Donc qu’il prend des coups presque chaque jour sans pouvoir prendre le dessus. Il est sur la défensive. Il réagit au lieu d’agir, d’être proactif. De prendre l’initiative.
Libreinfo.net : qu’est-ce qui explique cette vulnérabilité du pays ?
Nous avons été surpris en janvier 2016, et ne nous sommes toujours pas mis à niveau quatre ans après. Nous n’étions pas à la hauteur en matière de renseignement, ni de capacité d’action déterminante des FDS. Nous peinons toujours à nous mettre à niveau. Parce que ceux qui savent sont ignorés, ceux qui sont aux affaires prouvent chaque jour leurs limites. Ils se tournent vers <<des amis venus de loin>> qui -en vérité – ne leur veulent pas que du bien. Je m’interroge sérieusement sur la totale inadaptation de notre stratégie de lutte, malgré les revers et les « conseils de nos amis ». Nos troupes continuent d’être cantonnées, comme si elles attendaient que les assaillants arrivent. Nos véhicules continuent de sauter sur des mines artisanales. Il y a longtemps que nous aurions dû repenser notre forme de lutte, en amont des hostilités.
Libreinfo.net : que pensez-vous du recrutement des volontaires annoncé par le président Kaboré ?
J’y perçois un désarroi, un aveu d’impuissance, un appel au secours. Cet état d’esprit conduit à des décisions hâtives hasardeuses. Suivies d’actes incontrôlés, donc susceptibles de nuire plus que d’être bénéfiques. Il y a de réels risques de dérives dans le recrutement, dans l’encadrement, dans l’exécution des tâches. Des compatriotes pourraient être éconduits du fait de leur ethnie, de leur religion, voire de leur patronyme. Éconduits ou affectés à des tâches secondaires par suspicion. Ne parlons pas de détournements, presque certains, de biens et de cash.
Libreinfo.net : faut-il réinventer la stratégie de lutte contre le terrorisme ?
Des Burkinabè ont suggéré des voies et moyens pour freiner, réduire drastiquement puis annihiler le terrorisme. Dans le court, moyen et long termes. Leurs voix se sont perdues dans les sables ! Parce qu’ils n’émergent sur aucune liste des PAA = parents-amis-alliés.
Avoir été surpris en janvier 2016, on peut l’admettre. Être quatre ans après dans une situation où c’est l’ennemi qui a toujours l’initiative de la guerre est inadmissible et condamnable.
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Propos recueillis par Albert Nagreogo
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