Ceci est une tribune de le Burundais du Sanguié sur la surenchère dans les marchés au Burkina Faso
Parmi les nombreuses ambitions des Burkinabè figure en bonne place la construction un jour d’une maison, afin d’y vivre en toute sécurité. Si pour le Burkinabè moyen, ce rêve semble inaccessible, ceux des mieux nantis qui s’y aventurent doivent braver le parcours du combattant, au regard du sacrifice financier à consentir.
Pour se construire un toit, ceux qui tiennent à la qualité devront casquer fort, alors que les autres devront se rabattre sur les matériaux de construction de mauvaise qualité qui pullulent sur la place du marché public.
En effet, la recherche effrénée du gain des revendeurs et importateurs a entraîné une inondation du marché de matériaux de construction de contrefaçon, notamment du fer à béton.
La conséquence la plus récente pour être rappelée est l’effondrement d’une dalle du chantier de construction sur le site de l’aéroport international de Donsin. N’avons-nous pas été assez endeuillés par la construction d’écoles ou de bâtiments publics à coût de millions ou de milliards de FCFA.
Lesquelles infrastructures s’écroulent comme des châteaux de cartes à la moindre intempérie, causant des pertes inestimables en vies humaines et en ressources de l’Etat ? Alors face à ces situations, pourquoi le phénomène perdure-t-il ? À qui profite ce silence coupable ?
L’on est encore mémoratif de l’effondrement de l’amphithéâtre de l’université Norbert Zongo de Koudougou en août 2021, faisant 4 morts dont 3 étudiants partis à la recherche du savoir.
Ce drame, tout en choquant la nation, rappelait le cas du collège de Soala. Si pour la situation de Koudougou, les coupables avaient été sanctionnés par la justice, dans de nombreux cas, les présumés auteurs arrivent à passer entre les mailles du filet.
En effet, qu’allons-nous pouvoir dire du récent effondrement d’une dalle d’un bâtiment en construction sur le chantier de l’aéroport international Ouagadougou-Donsin, le 30 décembre 2022 dernier qui a causé de nombreuses pertes en vies humaines et des disparus.
Si dans bon nombre de cas de ces catastrophes, le coupable désigné après investigation est généralement l’entrepreneur, l’on devrait aussi s’intéresser aux commerçants et aux fabricants des produits utilisés pour la réalisation des ouvrages.
Si ces produits ne répondent pas aux normes, le producteur ou le revendeur n’est-il pas à tout le moins complice ?
Au Burkina Faso, la mise en vente des produits sur le marché public est conditionnée au respect des normes qualitatives émises par l’Agence Burkinabè de Normalisation, de la Métrologie et de la Qualité (ABNORM) avec son département normalisation et certification.
Cette direction est censée contrôler, vérifier et autoriser la présence de tout produit sur le marché public destiné à la grande consommation comme le lait, l’huile, le sucre et le fer à béton, entre autres.
Les analyses pratiquées sur les différentes qualités de fer à béton présent et vendu au Burkina Faso révèlent qu’une grande partie est dangereusement illégale. Les diamètres sont bien inférieurs aux normes en vigueur.
Ainsi, le fer de 6mm serait en réalité du fer de 4.8mm, le fer de 6.9mm en lieu et place du 8mm, le 9mm à la place du celui de 10 mm; le 10.2mm pour le 12mm etc.
Cette ruse qui consiste à réduire le diamètre du fer et donc le poids d’une barre, permet aux commerçants et producteurs de diminuer les coûts et augmenter leurs profits, faisant ainsi des gains sur le dos du consommateur.
Cette situation constatée sur le terrain a interpellé les agents de cette structure au regard du non-respect des normes. Cependant, nos investigations révèlent qu’après même certains contrôles sur le terrain, les saisies effectuées ne sont pas suivies de sanctions.
Pourquoi ce silence ?
En effet, après une sortie terrain des agents en octobre 2022, il nous est revenu qu’un revendeur a été épinglé pour détention d’un important lot de mauvaise qualité de fer à béton vendu sur la place du marché.
Mis en demeure par les agents de l’ABNORM, ce revendeur, refusant d’être le seul coupable de l’infraction, a livré l’identité de l’entreprise productrice du fer défectueux.
Cependant, notre enquête démontre que ce dossier n’a connu aucune évolution jusqu’à ce jour. Pire encore, des enveloppes auraient circulé et des négociations conclues pour étouffer l’affaire. Ainsi, de nombreux dossiers, voire procédures connaissent le même sort au grand dam de la population.
Autre fait, non moins négligeable, c’est l’installation d’une usine étrangère, connue auparavant pour inonder le marché burkinabè de produits de mauvaise qualité notamment de fers, de tubes ou de cornières.
En difficulté pour écouler ses produits au Burkina Faso, car épinglée à plusieurs reprises pour fraude douanière, mais aussi par l’ABNORM sur la qualité de ses produits, elle a pris ses quartiers au pays des Hommes intègres pour y installer une nouvelle succursale.
Nos investigations dévoilent la reprise de ses importations massives depuis un pays voisin, de matériaux de construction issus de l’acier de qualité dangereusement hors-norme. Une anomalie confirmée après les vérifications des services compétents de l’ABNORM.
Hélas ! Comme une goutte d’eau dans la mer, cette nième opération pour assainir ce secteur a été sans lendemain. Des compromis aux compromissions ont permis aux différents responsables impliqués d’étouffer l’affaire.
Si des pays comme le Bénin ou la Côte d’Ivoire pratiquent le protectionnisme pour sauvegarder leur économie en la rendant compétitive et en assurant le bien-être de leurs populations, pourquoi un pays comme le Burkina Faso ne le fait-il pas ? N’est-il pas dommage de laisser le marché national submergé de produits de qualité douteuse au détriment du consommateur.
Voilà qui rappelle un autre phénomène, celui de la mise à disposition du gaz butane pour le consommateur. Cette précieuse bouteille pour les cuisines modernes, quand elle en vient à manquer, installe un dysfonctionnement dans les foyers.
Et c’est à cette occasion que certains commerçants véreux (le mot n’est pas trop), s’adonnent à la surenchère. Allègrement ! Obligeant tous ceux qui obéissent au slogan de la protection de l’environnement à tout mettre en œuvre pour se la procurer. Sacrifiant au passage certains besoins hautement plus vitaux.
Face à cette situation l’on pourrait se demander si les premiers responsables sont au courant de ces pratiques, et pourquoi ce silence qui ne peut empêcher de penser à une complicité.
Que font les autorités de lutte pour une gouvernance vertueuse comme l’autorité supérieure de contrôle d’Etat et de lutte contre la corruption (ASCE-LC) et le REN-LAC, pour ne citer que ces deux?
Avec ces différentes irrégularités relevées, l’on pourrait se demander comment il se fait qu’aucune saisie n’ait été effectuée durant l’année 2022 écoulée, alors qu’une seule visite dans les boutiques de la place permettrait de voir que le marché est inondé de fers hors normes dit économiques.
Que fait la ligue des consommateurs sur de telles situations ; elle, qui est la structure qui défend les intérêts des consommateurs ? Face à toutes ces préoccupations pour le citoyen, à quel saint pourrait-il se vouer ?
Le Burundais du Sanguié
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