Enlèvements d’élèves, assassinats ciblés, viols, pillage des récoltes et du bétail, villages vivant sous blocus…, de l’avis des décideurs locaux, seule une nouvelle opération antiterroriste pourrait libérer la région de l’Est qui s’enfonce chaque jour dans une horreur indescriptible.
L’opération « Otapuanu » avait suscité une lueur d’espoir au sein des populations de la région de l’Est. Pour preuve, juste après cette force militaire, une accalmie relative régnait et présageait de lendemains meilleurs.
Cependant, cet espoir semble s’estomper, peu à peu, avec la recrudescence des exactions des groupes armés ces temps-ci.
Selon le président du Conseil régional de l’Est, Paripouguini Lompo, certaines localités sont devenues de véritables no man’s land.
Le maire de la commune de Fada N’Gourma, Jean-Claude Louari, renchérit que les populations civiles, jadis épargnées, vivent l’horreur, aujourd’hui.
Il explique que les enlèvements, les assassinats ciblés, les viols et le pillage des récoltes et du bétail sont légion dans la partie orientale du Burkina Faso.
Par ailleurs, l’ancien maire de la commune de Madjoari, Mamoudou Ouoba, soutient que la dégradation de la situation sécuritaire dans la région de l’Est a favorisé la résurgence du grand banditisme. Pis, indique-t-il, braqueurs et terroristes travaillent en tandem. Une situation assimilable, d’après lui, à une série hollywoodienne.
Aux dires du maire Jean-Claude Louari, dans la province du Gourma, des bandes armées font la loi à Sanipenga, à Namoungou, à Tanwalbougou ainsi qu’à Natiaboani, les deux dernières localités, considérées comme les poumons économiques de la commune de Fada N’Gourma.
L’autorité communale affirme que dans ces villages, les populations sont constamment harcelées.
«Toute personne qui se déplace de Tanwalbougou à Fada est inscrite, d’office, sur la liste noire des terroristes sous prétexte qu’elle serait allée renseigner les Forces de défense et de sécurité (FDS). Sur les 34 villages de la commune de Fada, moins de 15 ont leurs conseillers qui sont sur place», raconte-t-il.
A en croire l’ancien bourgmestre, Mamoudou Ouoba, la situation sécuritaire est encore plus délétère dans la commune rurale de Madjoari, dans la Kompienga, si bien que la localité est, à ce jour, «coupée du reste de la province et de la région». «On ne peut plus sortir de Madjoari, ni y entrer», confie-t-il tout en ajoutant que les bandes armées vérifient les identités des passants.
Quant au profil des personnes recherchées, il relève que les fonctionnaires sont déclarés persona non grata dans la zone. Conséquence, souligne l’élu local, en plus des écoles, le Centre de santé et de promotion sociale (CSPS) de Madjoari est fermé.
Des scolaires enlevés
Au demeurant, selon M. Ouoba, les enlèvements sont devenus monnaie courante dans sa commune. «A la date d’aujourd’hui, 18 personnes, en majorité des scolaires, ont été enlevées par les terroristes», rapporte l’ex édile de Madjoari.
Celui-ci craint que les ravisseurs enrôlent les jeunes après leur avoir fait subir un lavage de cerveau.
Toujours dans la province de la Kompienga, il informe que les groupes armés se servent de l’ambulance de Koualou qu’ils ont interceptée il y a quelques semaines pour ravitailler leurs différentes colonnes avec des vivres issus, également, des opérations de pillage.
Du côté de la Tapoa, sur le plan sécuritaire, l’horizon s’obscurcit, d’après le président du Conseil régional de l’Est, Paripouguini Lompo.
A l’entendre, c’est le Far West dans bon nombre de communes. Il affirme que de Logobou à Tansarga en passant par Kantchari, des bandes armées font la pluie et le beau temps.
Selon M. Lompo, l’assassinat du gardien du lycée départemental de Logobou, Boundjoa Lompo, dans la nuit du 29 au 30 avril 2020, est la dernière exaction en date.
Lors de cette incursion, les groupes armés ont mis le feu aux bureaux de l’administration de l’établissement scolaire avant de vandaliser et d’incendier le Collège d’enseignement général (CEG), précise-t-il.
«Toutes les écoles dans la commune de Logobou sont fermées du fait de l’insécurité », déplore le président du Conseil régional de l’Est.
Pis, apprend-on d’une source locale ayant requis l’anonymat, il n’y aurait aucun poste militaire où paramilitaire à Botou, à Tansarga où encore à Logobou, trois communes voisines et frontalières avec le Niger et le Benin.
La même source a laissé entendre qu’au regard de l’état poreux des frontières, des bandes armés, en provenance du Niger, trouvent refuge dans le parc W.
«Ces groupes eux-mêmes disent aux populations qu’ils se sont installés dans le parc», précise cette source. Celle-ci avance qu’une colonne de terroriste a débarqué, la semaine dernière, au village de Kondjo, dans la commune de Tansarga, pour sommer les pasteurs et les pêcheurs de cesser toute activité dans le parc et, surtout, de libérer les lieux.
La même source confie que, dans la commune de Kantchari, les assaillants se signalent régulièrement dans les villages et les hameaux de culture.
Un commerçant du village de Sakoani, à environ 20 kilomètres de Kantchari, soupçonné d’avoir fourni des informations ayant permis aux FDS de neutraliser cinq individus, a été abattu, récemment, relate une autre source proche de la famille de l’infortuné.
Une seconde opération militaire souhaitée
Selon des informations émanant de la commune de Foutouri, située dans la province de la Komondjari, l’on redoute une crise alimentaire à Tankoualou, un village frontalier avec le Niger.
Cette localité est coupée, également, du reste de la commune en raison d’un blocus terroriste. Une autre source locale souligne qu’il n’y aurait plus rien à vendre, ni à acheter à Tankoualou, le marché étant fermé.
A ce sujet, le président du Conseil régional de l’Est précise qu’il est impossible d’y acheminer des vivres ou toute autre denrée alimentaire. Les routes seraient constellées d’engins explosifs.
Dans la même province, un conseiller régional de l’Est, du nom de Amadou Barry, a été tué, le 23 avril 2020, à Gayeri, après avoir fui Tankoualou.
«Dans cette zone, la plupart des leaders d’opinion ont été abattus», déplore M. Lompo. La province de la Gnagna n’est pas non plus épargnée par les groupes terroristes.
Ces derniers, munis d’un drapeau noir, se signaleraient, fréquemment, dans la commune de Liptougou, précisément au village de Kodjena.
Avec la saison hivernale qui s’annonce, plusieurs acteurs, des décideurs locaux, notamment, redoutent le scenario selon lequel les terroristes pourraient gagner du terrain.
«Leur stratégie est d’obliger les paysans à adhérer à leur mouvement avant de les autoriser à aller travailler dans leurs champs », confie le maire de la commune de Fada N’Gourma, Jean-Claude Louari.
Pour lui, seule la résistance locale permettra de sortir l’Est de l’ornière. Mais avant, plaide-t-il, il faut nécessairement une seconde opération militaire à brève échéance. C’est aussi le vœu du président du conseil régional de l’Est. A l’issue de cette opération, les volontaires pourront prendre le relais, conclut-il.
Agence d’information du Burkina