Manger au restaurant universitaire est un parcours de combattant pour les étudiants de l’Université Norbert Zongo de Koudougou, région du Centre-Ouest du Burkina. Dès 4h du matin, des centaines d’étudiants font le rang devant le restaurant pour garantir leur repas de midi. C’est le constat que Libreinfo.net a fait ce 8 juin 2023 au restaurant universitaire principal situé au secteur 8 de Koudougou.
Par Daouda Kiekieta, de retour de Koudougou
Il est 5h 53mn lorsque nous arrivons devant le restaurant universitaire central de l’université Norbert Zongo, situé au secteur n°8 de la ville de Koudougou, région du Centre-Ouest du Burkina. Alors que la plupart des citadins se réveillent, l’ambiance est tout autre devant ce restaurant aux allures d’une simple habitation, dénommée « Général Gastronomie ».
La porte du restaurant est encore fermée, mais un rang interminable s’étire le long du mur en face du restaurant.
Habillé en tee-shirt orange et pantalon noir, un jeune homme se dirige vers le rang, son téléphone portable et un document en mains. Nous l’abordons.
Il dit se nommer Remis Bonkoungou, étudiant en Lettres modernes. « Je suis arrivé à 5h prendre un numéro d’ordre. Une fois muni de ce numéro, il faut revenir à 11h faire le rang pour obtenir le repas de midi. C’est notre quotidien comme cela » dit-il, visiblement pressé de rejoindre le rang.
À 6h, un homme de grande taille commence à distribuer les numéros d’ordre. C’est l’un des membres du groupe d’étudiants chargé d’assurer la sérénité dans les rangs.
Pour garantir son déjeuner, un étudiant de Koudougou doit se lever très tôt car le nombre de plats est insuffisant. Les premiers seront donc les mieux servis à midi.
Issaka Yabré est un autre étudiant que nous abordons. Il nous montre son numéro d’ordre, le 96. Il nous assure s’être réveillé à 3h 50.
« Pour manger tôt, il faut se lever tôt. Si on a cours à 13h et qu’on veut manger à midi, il faut se lever tôt » estime l’étudiant Yabré, ajoutant qu’il n’a pas d’autre choix que de manger au RU (Restaurant universitaire).
Yabré dit être natif de Bané, une commune de la région du Centre-Est du pays sous menace terroriste. Il explique qu’il est obligé de manger au RU parce qu’il ne dispose pas de vivres pour faire la cuisine lui-même à la maison.
Tout comme Issaka Yabré, Sibiri Sawadogo, étudiant déplacé interne, est aussi venu faire le rang pour se restaurer.
L’étudiant Sawadogo raconte que ses parents ont été obligés de fuir Bané à cause des menaces terroristes pour trouver refuge à Tenkodogo, chef-lieu de la région.
En tant qu’étudiant déplacé interne, il affirme recevoir souvent de l’aide de bonnes volontés. « Nous sommes enregistrés aux services de l’Action sociale du Centre régional des œuvres universitaires de Koudougou (CROUK). Nous recevons souvent des vivres, des vêtements » relate M. Sawadogo.
L’insuffisance des plats servis explique ce rang interminable tôt le matin
Pour Mahamoudou Diallo, étudiant en philosophie, c’est l’incertitude d’avoir le plat du jour qui l’oblige à venir tôt.
« Si tu attends à 11h pour venir faire le rang, c’est fort probable que tu n’auras pas à manger » s’inquiète M. Diallo. En effet, environ 10 000 plats sont servis par jour aux étudiants de l’université Norbert Zongo, la deuxième plus grande du Burkina. Le prix du plat est subventionné et l’étudiant l’obtient à 100 FCFA au restaurant universitaire.
Deux grands restaurants avec des annexes sont chargés de la prestation. Il s’agit de GEGA (Général gastronomie) avec 3 annexes et son site central et de Eokst avec 2 annexes en plus de son site central.
Ce temple de savoir compte actuellement environ 70 mille étudiants, selon les chiffres avancés par l’Association nationale des étudiants du Burkina (ANEB), section de Koudougou.
L’ANEB est une section de l’Union générale des étudiants burkinabè (UGEB), l’influente organisation estudiantine créée en 1960 par des figures emblématiques comme Pr Joseph Ki-Zerbo, dont l’université de Ouagadougou porte son nom.
Les autorités invitées à se pencher sur la situation
Pour sa part, Cheikh Diallo, étudiant en histoire, invite les autorités à augmenter significativement le nombre de plats servis pour soulager les étudiants. Certains d’entre eux sont contraints, parfois, d’abandonner les études à cause des conditions précaires. « Vous convenez avec moi que cette situation ne nous permet pas d’être assidus aux cours » interpelle l’étudiant Cheikh Diallo.
Selon M. Soaiba Koussé, responsable de l’Association nationale des étudiants burkinabè (ANEB) section Koudougou, que nous avons rencontré, les conditions de restauration des étudiants sont précaires à l’Université Norbert Zongo. Le responsable en charge de la restauration de l’université de Koudougou joint au téléphone n’a pas voulu se prononcer.
« Nous avons plusieurs fois interpellé les autorités universitaires par rapport à la qualité et à la quantité des plats. Cela est une volonté manifeste des autorités de mettre les étudiants dans une situation de précarité » , fustige l’étudiant Koussé.
Pour un effectif d’environ 70 000 étudiants, le nombre de plats servis dans tous les restaurants universitaires est d’environ 10 000 par jour selon M. Soaiba Koussé qui dit citer les derniers chiffres du CROUK.
« Si vous faites un tour au restaurant, vous constaterez qu’à partir de 19h30, ou par moment à 18h30, le restaurant est fermé parce que le nombre journalier de plats est atteint. On donne un quota aux différents restaurants. Cela veut dire que si ces derniers dépassent le quota un mois donné, ils seront obligés de diminuer le nombre de plats servis le mois suivant » explique le responsable de l’ANEB.