« L’Harmonie Voltaïque » et « le Volta Jazz » ont été les porte-flambeaux de la musique voltaïque aujourd’hui burkinabè. Leurs musiciens ont composé des chansons-cultes qui continuent d’émerveiller les amoureux de la musique.
Hélas! L’ Harmonie Voltaïque n’a pas pu survivre aux affres des différents régimes d’exception avec leurs lots de couvre-feux que le pays a connus après la chute le 3 janvier 1966 du premier président post-indépendance, Maurice Yaméogo.
Par contre, le Volta Jazz, lui, renaîtra de ses cendres au grand bonheur des mélomanes de Bobo-Dioulasso.
Dans les années avant les indépendances, la Haute-Volta avait déjà ses musiciens même si les structures d’accompagnement de l’activité n’existaient pas encore.
Ces musiciens voltaïques étaient loin d’avoir les faveurs de leurs collègues des deux Congo. Dans ces deux pays d’Afrique centrale dont les capitales sont séparées par le fleuve éponyme, il y avait déjà des studios comme Opika qui servaient de lieux d’enregistrement.
Les groupes musicaux congolais qui avaient les moyens se déplaçaient à Bruxelles, en Belgique. Dans les nombreux studios à la technologie de pointe de la capitale belge, les groupes musicaux congolais avaient enregistré de nombreux disques.
En Haute-Volta, les choses ne vont véritablement pas changer même après l’accession du pays à la souveraineté internationale.
La Haute-Volta n’avait aucune activité portée par l’Etat des années 1960 jusqu’aux années 1980 qui réunissaient les acteurs de la musique.
Alors qu’à cette même époque, le Mali voisin, à travers des structures étatiques de culture, organisait une biennale appelée Semaine nationale de la jeunesse.
Ce rendez-vous regroupait, tous les deux ans, les orchestres maliens pour une saine émulation. A la fin de la biennale, les meilleurs groupes étaient récompensés.
Le rôle important des pionniers soutenus par des mécènes
Malgré l’environnement austère, les pionniers de la musique voltaïque n’avaient pas baissé les bras. C’est ainsi que Antoine Ouédraogo dit Borfo, infirmier colonial à l’époque, avait créé l’orchestre Harmonie Voltaïque en suivant les procédures légales nécessaires.
C’est par décision du n° 321/APAS du 8 avril 1948 signé par le Gouverneur que le groupe musical Harmonie Voltaïque avait été fondé.
Le fondateur Antoine Ouédraogo a expliqué l’esprit qui avait prévalu à la création du groupe dans l’ouvrage intitulé « Histoire de la musique moderne du Burkina Faso » de Oger Kaboré et de Auguste Ferdinand Kaboret en ces termes : « Rentré du Mali où j’étais fonctionnaire colonial, j’ai constaté que pour faire une soirée, il fallait avoir recours à des orchestres étrangers (de la Côte d’Ivoire ou autre). Alors, je me suis dit qu’il fallait faire quelque chose à nous.»
« Voilà le but de la création de cet orchestre. Ce n’était pas dans le but de se faire de l’argent mais pour servir le pays. En outre, notre pays, qui avait été divisé en 1932, venait d’être réunifié en 1947 avec un gouvernement à lui. Pour célébrer cette autonomie politique, j’ai lutté pour créer cet orchestre en recrutant quelques musiciens amateurs » a-t-il ajouté.
Dans la capitale économique, Bobo-Dioulasso, il n’existait alors en cette période coloniale que des orchestres appartenant à des expatriés. Aux premières années de l’indépendance se créé une kyrielle d’orchestres parmi lesquels le Volta Jazz.
Créé en 1964 par un entrepreneur culturel du nom de Drissa Koné, le Volta Jazz rachète les instruments d’un expatrié français qui s’appelait Jean-Pierre Bordas. Ce dernier, après un séjour à Bobo-Dioulasso, était reparti en Côte d’Ivoire d’où il était venu.
Le groupe du Volta était composé d’une dizaine de personnes avec comme chanteur principal le « djéliba » (Ndlr : griot, en langue national dioula) Tidiane Coulibaly.
Ce chanteur a composé des tubes devenus des classiques de la musique nationale. D’abord au Volta Jazz puis au Dafra Star, l’orchestre qu’il créera lui-même plus tard.
En 1967, Drissa Koné avait nommé Tidiane Coulibaly, chef d’orchestre, poste qu’il occupera jusqu’en 1974.
Années 1960-1970, l’âge d’or des orchestres
Dans son livre intitulé : « Afro Pop, L’âge d’or des grands orchestres africains », Florent Mazzoleni indique ceci : « La réussite de ces titres et de la grande majorité de la cinquantaine de chansons enregistrées par le Volta Jazz donne à la scène musicale Burkinabè toute sa grandeur. L’orchestre rayonne pleinement, visiblement fier de ses instruments et du répertoire enregistré, comme l’attestent certaines photos des pochettes signée Sory Sanle.»
«Avec une vingtaine de 45 tours publiés et un unique 33 tours sous la direction de Drissa Koné paru en 1977 sur Sonafric, le Volta Jazz de Bobo-Dioulasso s’impose aisément comme le grand nom de la décennie en Haute-Volta » a-t-il ajouté.
Malgré le manque d’appui de l’Etat, les orchestres comme l’Harmonie Voltaïque et le Volta Jazz parvenaient à s’en sortir.
L’Harmonie Voltaïque, au sommet de son art, arrivait à salarier ses musiciens. Il avait également un système d’acquisition de matériel de musique.
François Tapsoba, guitariste dans cette formation musicale, témoigne : « Avec Paul Beuscher, on avait la possibilité d’avoir du matériel et des facilités de paiement. On lui faisait une avance et le reste lui était payé au moyen de traites par l’intermédiaire de la BIAO (Banque internationale de l’Afrique Occidentale). L’Etat ne contribuait pas à l’achat et même la douane était payée. On avait douze mois pour payer. Une fois, on a eu 5 ans pour le faire. »
Les régimes d’exception des années 80, fossoyeurs de la musique
Les différents régimes d’exception qu’a connus la Haute-Volta avec leurs lots de couvre-feux ont fini par plomber les activités musicales qui se déroulaient les nuits. Les dancings populaires avaient vu leurs prix d’entrée uniformisés à 300F.CFA sous la Révolution proclamée en août 1983.
Cette décision avait sonné définitivement le glas des orchestres. Les bars et dancings qui ne parvenaient plus à supporter leurs charges de fonctionnement avaient fini par se passer des orchestres.
L’autre raison supplémentaire de mise en berne de la vie musicale était cette autre mesure de la Révolution d’Août-1983 qui interdisait la lumière tamisée dans les dancings populaires et les night-clubs.
Dans leur livre sur la musique au Burkina, Ferdinand Kaboret et Oger Kaboré soulignent que : « Les tenanciers avaient l’obligation d’éclairer tous les recoins de leur établissement et de ne laisser aucune zone d’ombre ou quelques couples pourraient se cacher pour batifoler. Elle eut pour conséquence de faire fuir de nombreuses personnes de ces endroits où elles ne pouvaient plus danser, s’étreindre sans attirer les regards indiscrets. »
Depuis trois décennies les orchestres ont repris leurs places dans les bars avec l’avènement de la 4ème République en 1991. Ce régime était parvenu à stabiliser la vie politique jusque-là mouvementée du pays avec ses nombreux coups d’Etat de 1966 à 1987.
Désormais, chaque week-end, les mélomanes se retrouvent pour écouter les belles mélodies d’antan mais aussi les nouvelles sorties discographiques.
Mais, contrairement à l’ancien temps, les artistes qui officient dans les bars aujourd’hui ne composent pas. Ils se contentent des reprises des morceaux à succès. Volta Jazz nouvelle version a également repris du service au grand bonheur de mélomanes de Bobo-Dioulasso.