Dans la nuit du vendredi 4 au samedi 5 juin 2021, la commune de Solhan, dans la région du Sahel est attaquée. Le bilan officiel dressé est de 132 morts. Cette attaque sur le site minier artisanal de Solhan est la plus meurtrière au Burkina depuis l’avènement du terrorisme. Un mois après, que sait-on de cette attaque ?
Par Frank Pougbila
Les Burkinabè s’en remettaient tout doucement de la douleur de Yirgou, (près de Barsalogho),région du Centre-Nord, qui avait fait 49 morts(officiel) et 219 morts selon le CISC, lors du conflit communautaire du 1er au 2 janvier 2019. L’attaque du convoi d’autocars de la compagnie minière canadienne Semafo, dans l’Est du Burkina Faso, qui avait fait au moins 37 morts, le 6 novembre 2019, commençait aussi à être digérée par les populations.
C’est dans cette transition douloureuse que les terroristes vont faire encore parler d’eux. Alors que les autorités politiques et militaires annonçaient dans leurs discours le retour progressif de la paix, Solhan, une commune de la province du Yagha, dans la région du Sahel sera baignée dans le sang, dans la nuit du vendredi 4 au samedi 5 juin 2021.
Les terroristes ont encore frappé le Burkina, ce pays en proie aux attaques depuis le 4 avril 2015. L’attaque aurait débuté aux environs de 2 heures pour terminer à 5 heures du matin. Le marché de Solhan sera incendié, des canaux de communication des téléphones mobiles sabotés et le cap sera mis sur le site de la mine artisanale de Solhan.
« Ce sont les Hommes qui sont ciblés et tués », avait témoigné un ressortissant de la localité sur la chaine Burkina Info. Le gouvernement dira le contraire dans sa communication officielle. L’exécutif confie que l’attaque a été perpétrée contre la population sans distinction d’âge et de sexe.
Une série d’évènements
L’attaque de Solhan a mis à nu les difficultés de couverture médiatique des actions des terroristes. C’était la course à l’information. Dans la sphère médiatique Burkinabè et internationale, les bilans variaient.
Le gouvernement annoncera une centaine de morts dans la journée du 5 juin avant de revenir via son Porte-Parole, Ouésseni Tamboura pour préciser qu’il s’agit de 132 morts et une quarantaine de blessés prise en charge.
Le 6 juin, les médias Burkinabè annoncent le retour des terroristes dans cette localité pour incendier le reste des hangars. Des informations que l’armée va démentir en qualifiant de fausses nouvelles.
Le premier adjoint au Maire de Solhan, Youssoufi Sow annonce au lendemain matin de l’attaque sur les ondes de Radio France internationale (RFI), le 7 juin, que « les terroristes sont revenus ». « Le premier jour ils n’ont pas brûlé le Centre de Santé, c’est le deuxième jour. C’est nous qui sommes sur le terrain et nous assurons qu’ils sont revenus », dit-il sur VOA, le 19 juin.
Manifestation
Le 8 juin, le Conseil supérieur de la communication (CSC) sanctionnera le Groupe Oméga Media. Il est suspendu pour cinq jours pour avoir « diffuser de fausses nouvelles sur l’attaque d’un bus sur l’axe Sebba-Dori et celle de Dambam, de la province du Yagha ». D’autres médias ont reçu des lettres d’observations. Et la RFI et la radio nationale devront être auditionnées.
Le 8 juin, le Premier ministre s’est rendu à Solhan, à Sebba et à Dori au chevet des blessés. Il affirme que cette « attaque ne restera pas impunie ». D’ailleurs, cette attaque va pousser la colère sociale. Des populations de la région du Sahel se rassembleront le 12 juin à Dori pour exprimer « leur ras-le-bol contre l’inaction des autorités face à la situation ». Des appels à la démission du gouvernement inondaient la toile.
L’association des ressortissants du Yagha animera une conférence de presse, le 15 juin à Ouagadougou. Elle invite à plus d’urgence dans la sécurisation des populations.
Le gouvernement donnera à sa sortie du Conseil des ministres du mercredi 23 juin des éléments d’enquête sur cette tuerie. Le ministre en charge de la Communication, Ouésseni Tamboura dira que la capture de deux suspects a permis de connaitre que la plupart des assaillants de l’attaque de Solhan avaient entre 12 et 14 ans.
Il ajoutera que des femmes ont participé à l’attaque, en indiquant des concessions. Le ministre ira plus loin en disant que le groupe qui a perpétré l’attaque est affilié au Moujai Al Qaïda.
Discours à la nation
Deux jours après la sortie du gouvernement, le Procureur du Faso près le tribunal de Grande Instance Ouaga II en charge des dossiers terroristes, Émile Zerbo fera sortir un communiqué. « Après l’attaque terroriste perpétrée à Solhan, une enquête (…) a abouti à la présentation le 25 juin à la section antiterroriste de notre parquet de deux individus : Mano Tidjani alias Ali et Woba Dikouré » peut-on lire.
Suite à l’attaque d’un convoi de la Police nationale, le 21 juin, ayant coûté la vie à 11 policiers, les tensions vont remonter au sein de l’opinion. L’opposition politique et des organisations de la société civile vont programmer une marche pour les 3 et 4 juillet 2021.
Chose qui contraint le Président du Faso, Roch Kaboré à faire un discours à la nation, le 27 juin. « La tragédie d’une cruauté inouïe, perpétrée à Solhan dans la nuit du 4 au 5 juin courant, vient nous conforter dans la conviction que le combat contre le terrorisme a pris une nouvelle tournure », a laissé le chef de l’Etat.
Il rassure l’opinion quant à sa décision de prendre des « mesures idoines » pour protéger le peuple.
Le 30 juin, un remaniement ministériel intervient. Les ministres en charge de la Défense nationale et celui de la Sécurité sont limogés. Le chef de l’Etat, lui-même, prendra la tête du département de la Défense. Il sera secondé par un ministre délégué, le Colonel-major, Aimé Barthélemy Simporé (premier militaire dans le un gouvernement du Président Kaboré, lui qui avait déclaré qu’aucun militaire ne fera partie de son équipe gouvernementale).
Le département de la sécurité sera occupé par Maxime Koné, précédemment Ministre délégué auprès du Ministre des Affaires Etrangères, de la Coopération, de l’Intégration Africaine et des Burkinabés de l’Extérieur, chargé de l’Intégration Africaine et des Burkinabés de l’Extérieur.
Responsabilité de l’armée
Une nouvelle équipe guidée par Christophe Dabiré. Lors de la prise de contact avec ses ministres, le Premier ministre, Dabiré va reconnaitre à demi-mot la responsabilité des FDS dans l’attaque de Solhan.« L’attaque de Solhan a servi de détonateur car elle a permis de mettre en évidence un certain nombre de dysfonctionnements au niveau de notre dispositif de défense et de sécurité. Et dans la réflexion globale que le Chef de l’Etat a menée, il a intégré cette situation au niveau des décisions qui ont été prises », a déclaré le chef de l’exécutif à l’issue du Conseil des ministres du 1er juillet.
5 juillet 2021 fait exactement un mois, jour pour jour que les tueries de Solhan ont été perpétrées. Qui sont les responsables de ces tueries ? Des mesures ont été prises pour éviter une attaque pareille ? Les nouveaux ministres en charge de la sécurité et de la Défense seront à la hauteur des attentes des Burkinabè ?
Les forces de défense et de sécurité ainsi que les volontaires pour la défense de la Patrie sont-ils dotés conséquemment ? Que sont devenus les veuves et les orphelins de Solhan ? Autant de questions demeurent sans réponse. Jusqu’à ce jour, il n’y a toujours pas eu de communication officielle pour expliquer les circonstances de cette attaque barbare.