Le changement climatique avec ses corollaires de hausse des températures augmente, chez les personnes atteintes d’albinisme, les risques de développer des maladies graves comme les cancers de la peau ou encore des pathologies de la vue. Face à ces risques élevés de santé et à la stigmatisation de la société, les albinos vivent dans des conditions particulièrement difficiles. Notre reporter est allé à leur rencontre, pour s’imprégner du quotidien des albinos qui souffrent de maladies spécifiques et sont également souvent mis en marge de la société du fait de nombreux préjugés.
Par Daouda Kiekieta
Le changement climatique a des impacts négatifs sur la vie des personnes atteintes d’albinisme. Dans un climat froid, les albinos ont une espérance de vie plus élevée que ceux vivant dans un climat chaud et qui y souffrent souvent de cancers de la peau et ont des difficultés de vue. Les albinos et leurs parents de ces régions du monde doivent faire face, non seulement à ces maladies mais aussi à la risée de la société, du fait de préjugés.
En cette soirée d’octobre, je suis au quartier Taabtenga de Ouagadougou. Là, je vais rencontrer MM. Dimitri et Ulrich Sow, tous deux albinos. M. Fabrice Sow, leur père, me dit qu’il est, très souvent, entre l’hôpital et la maison parce que “chaque blessure chez ses enfants devient une maladie grave” pour laquelle il faut suivre un traitement rigoureux. M. Sow se rappelle une situation délicate : “Rien que l’année dernière, la tête de Ulrich était parsemée de plaies ; il a fallu un long traitement pour qu’il se rétablisse ».
Mme Denise Compaoré, la mère des deux albinos, estime que cela est dû à la chaleur, car ses enfants sont continuellement exposés au risque des rayons solaires. “Même pendant les périodes dites froides, il fait chaud” s’étonne Mme Compaoré qui se demande ce qui peut bien expliquer cela.
“Le premier ennemi des personnes albinos, c’est le soleil.”
Selon Dr Patrice Tapsoba, dermatologue, vénérologue au Centre hospitalier et universitaire Yalgado Ouédraogo (CHU-YO) de Ouagadougou, cela est dû au fait que la peau des albinos manque de mélanine. Celle-ci est une substance qui protège la peau contre les rayons ultraviolets du soleil. Car, “le premier ennemi des personnes albinos, c’est le soleil.”
Selon lui, les albinos sont les plus exposés au risque de cancer cutanée dû à l’absence ou à l’insuffisance de la mélanine dans leur peau. Il poursuit en soulignant que la couche d’ozone constitue un filtre naturel pour les différents rayons ultraviolets A, B, C et X.
« La couche d’ozone agit comme un filtre naturel qui absorbe une bonne partie des rayonnement ultraviolet. L’appauvrissement de cette couche rend les peaux en particuliers celle des albinos plus vulnérables aux rayons UVA et UVB (surtout) qui sont cancérigènes » explique le dermatologue Dr Tapsoba .
Les scientifiques distinguent plusieurs types d’albinisme selon le type de défaut. Il y a l’albinisme tyrosinase négatif (ne possédant pas de mélanine), l’albinisme tyrosinase positif (possédant un peu de mélanine) et l’albinisme de type 3.
Lire aussi: Burkina Faso : Les albinos veulent contrer le réchauffement climatique à travers le reboisement
Les moyens de protection contre les rayons ultraviolets
Pour se protéger contre les rayons solaires de plus en plus violents, les albinos doivent adopter un code vestimentaire qui tient compte de leur “fragilité”. Ils doivent porter des chapeaux larges et des habits longs et éviter de s’exposer au soleil pendant un certain temps.
“Ce que nous donnons comme conseil, affirme Dr Mireille Kabré, médecin dermatologue au Centre hospitalier régional de Kaya, c’est la photoprotection comportementale, vestimentaire et la photoprotection par les crèmes solaires”.
Des crèmes solaires sont une solution pour éviter les facteurs cancérogènes. Cependant, comme le dit Mme Compaoré, mère de deux albinos, “ces crèmes coûtent très cher. La petite boîte coûte plus de 12 000 F CFA pour une durée d’utilisation de deux (2) semaines au maximum ».
“Mieux, soutient Dr Patrice Tapsoba, si la personne applique bien cela ne dépasse même pas une semaine ; parce qu’il faut appliquer la crème toutes les trois heures”.
Des associations au secours des albinos
Pour faciliter leur accès aux crèmes solaires, certains albinos se rapprochent des associations qui œuvrent dans ce sens. Ainsi Mme Denise Compaoré indique : “Nous participons régulièrement aux activités de sensibilisation et de consultation de certaines associations comme l’Association des femmes albinos du Burkina (AFAB)”.
Selon, Mme Maïmouna Dené, Présidente de cette association, les crèmes de traitement de la peau ne sont pas accessibles compte tenu des prix trop élevés et de leur provenance. “ Jusqu’à présent, les crèmes solaires viennent de l’extérieur ” explique Mme Dené qui souhaite qu’on puisse, dans les prochaines années, fabriquer ces crèmes au Burkina afin que les personnes vulnérables puissent s’en procurer à un prix social.
Actuellement, Mme Aminata Banao, mère de Mouzamine, utilise une pommade produite localement, composée d’un mélange de beurre de karité et de crème de lait de vache, pour protéger son enfant albinos. Mme Banao dit appliquer ce cocktail sur la peau de son fils âgé de 4 ans : “C’est très efficace. Quand on l’applique, cela évite les plaies”.
En ce jour où il fait plus de 30°C à Ouagadougou, elle tente de le garder à la maison pour le mettre à l’abri des effets des rayons solaires. Il n’est donc pas question pour le petit Mouzamine, qui veut suivre ses camarades, de le laisser aller avec eux jouer sous le soleil . “ Quand je le laisse sortir sous le soleil, le soir je me rends compte qu’il a des boutons sur le corps et s’ils ne sont pas bien traités ces boutons se transforment en plaies” explique Mme Banao.
Alors que notre planète est menacée par les effets du changement climatique, les personnes atteintes d’albinisme sont les plus menacées dans cette situation. Au Burkina Faso, le nombre de personnes atteintes d’albinisme reste toujours officiellement inconnu. Et Mme Maïmouna Dené de s’interroger, “si déjà on connait pas combien vous existez, comment on peut vous impliquer dans le processus de développement ?”.