A Ouagadougou, capitale du Burkina, la consommation de l’alcool en milieu scolaire est un secret de polichinelle. La plupart des élèves, notamment des garçons et quelques fois des filles, en raffolent. Le gouvernement a interdit le 20 septembre 2023 la vente de l’alcool aux jeunes de moins de 18 ans. Que pensent les acteurs du monde éducatif ? Reportage.
Nous sommes le 26 septembre 2023. Quelques jours après le communiqué du ministre en charge du commerce, Serge Poda, interdisant la vente des boissons alcoolisées aux enfants de moins de 18 ans. Qu’est-ce qui a motivé une telle mesure ? Et comment les acteurs du monde éducatif ont-ils réagi à la décision ?
Des élèves rencontrés dans certains établissements scolaires en cette veille de la rentrée ont témoigné qu’en milieu scolaire, c’est la boisson « Vody » qui est leur préférée.
Elle est contenue en canette noire de 250 ml avec pour motif un dessin présentant de jeunes garçons, bras en l’air, et sur fond de couleur dorée.

Les prescriptions sur la canette sont floues comme si elle était une bière classique à faible taux d’alcool. Et pourtant, « Vody » a un fort pourcentage d’alcool (18%).
En plus du Vody, il y a aussi « Faxe » qui fait ravage en milieu scolaire.
Mais que cela soit l’un ou l’autre, toutes sortes de boissons alcoolisées ne feront plus bon ménage avec les mineurs. Du moins, à en croire à la décision du gouvernement du Burkina Faso.
Des énergisants nuisibles aux élèves
En effet, à travers le communiqué du 20 septembre 2023, le ministre en charge du commerce, Serge Poda, a annoncé qu’au Burkina Faso, il est dorénavant interdit la vente ou l’offre de l’alcool aux enfants mineurs, ceux qui n’ont pas atteint l’âge de 18 ans.

Ce qui a poussé la rédaction de Libreinfo.net à s’intéresser au cas spécifique des élèves. La consommation des boissons alcoolisées en milieu scolaire est un phénomène à la peau dure qui prend des proportions inquiétantes avec en prime des effets négatifs sur la santé et le cursus scolaire des élèves.
Le prix d’une cannette Vody de 250 ml coûte entre 700 F CFA à 800 F CFA en fonction des lieux de vente. Ce sont là les informations reçues dans une boutique qu’un élève nous a indiqué.
A notre arrivée, le gérant de la boutique d’abord réticent nous jette un regard froid avant de dire : « mon stock est épuisé. » parlant de la boisson Vody. En réalité dans la suite des échanges, il confie que, « le marché de Vody fonctionne plus dans l’après-midi. Et avec la rentrée, mon chiffre d’affaires connaîtra une hausse ».
Un ouf de soulagement pour enseignants et parents d’élèves
Selon Abdoul Sawadogo, un parent d’élève « c’est bientôt la rentrée des classes. Vous verrez les élèves devant les boutiques en face des établissements pour consommer l’alcool. Cela perdure, il y a des années malgré les interpellations des parents. Pour ma part, c’est bien de prendre des textes, il faut qu’on applique aussi les lois ».
Salam Sawadogo n’est pas d’avis contraire. Il renchérit les propos de son prédécesseur: « le gouvernement fait dans l’évitement, là où il faut s’attaquer de front à ce phénomène surtout à la vente de boissons fortement alcoolisées, dites énergisantes très prisées par les élèves. Il faut se décider à interdire purement et simplement l’importation de certaines boissons».
Des élèves apprécient diversement la décision
Pour certains élèves du lycée technique National Général El Hadji Aboubacar Sangoulé Lamizana, ils trouvent la décision gouvernementale bonne d’autant plus que: « Ce qui est grave, les filles sont rentrées dans la consommation aussi. Et quand elles viennent en classe après avoir pris cette dose, elles perturbent les cours », informe l’élève Zécolia.
Son camarade Dieudonné, déclare que la décision est à encourager, car ce qu’on voit dans l’établissement n’est pas intéressant. « Boire l’alcool est devenu une habitude et certains élèves ne se gênent plus. Il faut qu’on se mobilise pour stopper ce phénomène. » a-t-il dit.

Par contre, d’autres comme Roland du même lycée a fustigé la décision : « le manque de franchise des autorités à travers ce communiqué, c’est un faux problème que le gouvernement pose. La boisson Vody vient d’où, est-ce que c’est fabriqué au Burkina Faso ? A ma connaissance, non. Au lieu d’attaquer le problème à la base. Le gouvernement veut faire autrement. Il n’a qu’à interdire qu’elle entre sur notre territoire ».
Et selon son camarade, Lazard, « nous allons continuer à boire tant qu’on a l’argent. C’est le gouvernement qui laisse rentrer cette boisson à Ouagadougou non. Il veut plaire aux gens sinon le gouvernement sait comment cette boisson entre dans notre pays. Nous avons des camarades qui consommaient et ils ont eu leur examen. Nos yeux sont ouverts et personne ne peut plus faire peur à quelqu’un » dit-il
Selon Amado Sawadogo, conseiller principal d’éducation du lycée technique national, El Hadj Aboubacar Sangoulé Lamizana, ex-LTO, sis au quartier Zone du Bois de Ouagadougou, il était temps de s’attaquer à ce phénomène.
Il raconte que : « pendant la session du baccalauréat 2022-2023, le président du jury est venu me dire que mes élèves sont dangereux. Qu’en plein examen, ils sont en train de boire du « Vody ».
Cette mesure gouvernementale d’interdire de vendre ou d’offrir des boissons alcoolisées au moins de 18 ans est une bonne chose, indique le parent d’élève, Paul Kaboré ,« La consommation de la boisson est devenue une mode chez les élèves, il faut que l’État et nous les parents ouvrons l’œil, surtout le bon. Sans quoi, nous allons perdre la relève de demain ».