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RÉCRÉÂTRALES 2024 : Plaidoyer pour l’honneur et la dignité 

Une scène de théâtre

Le théâtre est à l’honneur pendant une semaine à Ouagadougou ! Déjà carrefour de plusieurs manifestations culturelles et sportives, la capitale du Burkina accueille, du 26 octobre au 2 novembre, la 13e édition de la plateforme festival des Résistances panafricaines d’écriture, de création et de recherche théâtrales (Récréâtrales). Un rendez-vous qui réaffirme la résilience du Burkina et qui invite à « Tourner la face au soleil » pour vaincre la fatalité… 

Par Serge Mathias Tomondji

C’est ce 26 octobre que démarre à Ouagadougou la 13e édition de la plateforme festival des Récréâtrales. Autant dire que c’est la saison des planches grasses avec des spectacles de toute beauté qui nous conduisent tour à tour à l’émotion, aux rires, aux pleurs, à l’interpellation. Pendant une semaine en effet, le quartier Bougsemtenga de Ouagadougou sera au cœur du monde pour raconter nos histoires et nos espoirs. Car, comme le dit si bien l’artiste, dramaturge et metteur en scène français Olivier Py, « le théâtre est un grand tableau noir où la craie sert d’éponge et l’éponge de craie ».

Nous voici donc rendus, avec les Récréâtrales (Résidences panafricaines d’écriture, de création et de recherche théâtrales), devant ce grand tableau noir où les créateurs mettent en scène nos histoires, grandes ou petites, belles ou vilaines, enthousiastes ou tristes, servies par des acteurs qui épongent nos angoisses et tourments. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que cette 13e édition des Récréâtrales promet du spectacle, de l’action, de la réflexion…

Créées en 2002 par le Burkinabè Étienne Minoungou afin de valoriser le théâtre dans tous ses compartiments, les Récréâtrales constituent aujourd’hui un bel outil de résistance et de résilience face à l’adversité. Cette plateforme festival, vitrine de plusieurs mois de travail avec une première phase de recherche et de formation, puis une deuxième axée sur la création, propose ainsi un rendez-vous unique. Les spectacles ouvrent en effet plusieurs fenêtres sur notre monde, devenu village planétaire, et nous font vivre nos histoires avec un réalisme saisissant !

Rendez-vous du donner et du recevoir 

Est-il besoin de le rappeler, les Récréâtrales sont devenues, en vingt ans d’enrichissements multiples, « l’un des évènements majeurs du théâtre contemporain en Afrique ». Un évènement à nul autre pareil puisque s’est tissée, au fil des éditions, une véritable histoire d’amour et de partage entre les habitants de son quartier d’exercice, Bougsemtenga, et des artistes de talent dans un véritable rendez-vous du donner et du recevoir. Les Récréâtrales constituent ainsi aujourd’hui une solide institution, intégrant un théâtre permanent, un collège de scénographes et de techniciens, un laboratoire de recherche, de formation et de création, des ateliers pour les enfants, un programme de professionnalisation pour les jeunes et un programme de renforcement des capacités des femmes du quartier Bougsemtenga.

Et pour cette 13e édition, les Récréâtrales, dirigées par Aristide Tarnagda depuis 2016 et présidées par Odile Sankara depuis 2019, nous invitent à… « Tourner la face au soleil » ! Un appel au courage, à la détermination, à l’action ! Une traduction concrète du plaidoyer du Sénégalais Felwine Sarr dans son « Discours aux nations africaines », qui martèle les « Traces » de notre nouvel engagement. « Nous ne devons plus accepter d’être ce champ du monde que l’on dévaste, cette mine que l’on exploite et que l’on laisse exsangue, cette rivière que l’on assèche après en avoir bu l’eau… », assène-t-il si justement et avec la conviction de celui qui sait qu’il faut courageusement faire face à ses problèmes pour les résoudre au mieux.

Au-delà du symbole…

Il est temps en effet, nous enseigne encore Felwine Sarr, de nous regarder en face, mais aussi de regarder le soleil se lever et d’y puiser la force pour refuser, enfin, de demeurer « cette forêt dont on coupe les arbres après s’être abrité sous leurs feuillages ombrageux, ceux que l’on insulte, méprise et avilit sous tous les cieux, ceux à qui il est naturel d’accorder la pitié, ceux à qui l’on fait l’offrande grise de la compassion alors que nous habitons les pays de la noblesse et de la dignité » !

C’est fort de symbole, mais ces mots, qui décrivent nos maux avec une nue-réalité, doivent transcender le simple énoncé des principes et souhaits pour s’insinuer effectivement dans chacun de nos actes. Car pour nous, enfants de Toumaï, insiste encore Felwine Sarr dans cet irrésistible « Discours aux nations africaines », il s’agit de… « tourner à nouveau nos visages vers le soleil, de nous y abreuver, d’habiter ses gisements de vie, de force et de lumière ». Oui, « il s’agit pour nous de ne plus collaborer à notre propre asservissement » ! Et cela, sans aucune violence.

C’est, du reste, le contrat que nous proposent les Récréâtrales cette année, jouant ainsi sa part dans la dynamique de résistance, de résilience et de paix qui a toujours été dans son ADN. En effet, en plus de mettre le doigt sur nos plaies et d’exorciser nos joies et nos peines, les Récréâtrales ont construit, avec les habitants et artistes résidents de son quartier d’accueil, à Bougsemtenga, « un pacte de salubrité, d’aménagement du territoire, d’éducation aux gestes écoresponsables et à la récupération ».

Cette dimension citoyenne et écoresponsable a d’ailleurs amené la mairie de Ouagadougou à donner, en 2021, le nom de « Rue des Récréâtrales » à cette célèbre artère de la capitale du Burkina qui abrite, tous les deux ans, les théâtres de notre vie. Un baptême qui élève cette rue au rang de « patrimoine commun dont chacun doit prendre soin ». Cette rue appelle ainsi le monde à regarder son aventure humaine en face pour oser changer, par l’action, les paradigmes qui plombent, d’un côté comme de l’autre, ses espoirs, ses espérances, son humanité…

Se réconcilier avec nos défis

En dehors du spectacle d’ouverture dirigé par la talentueuse danseuse et chorégraphe burkinabè Irène Tassembédo, la programmation de la 13e édition de ce festival, qui verra s’exprimer des corps et des dialogues poignants, valorisera à nouveau le projet « Terre ceinte » à travers la pièce « Tu dis PDI » signée Aristide Tarnagda, Djibril Ouattara et Vincent Kaboré.  Imaginez une cinquantaine de Personnes déplacées internes (PDI) à Kaya et à Tenkodogo, ainsi que des jeunes du quartier de Bougsemtenga poser un regard vivant sur leur situation ! Une manière pour eux de proposer « des outils culturels et artistiques pour retisser des liens et recréer du sens, en posant collectivement des gestes et des mots sur l’indicible et faire place à l’apaisement et à la résilience ».

Et puis, on aura aussi droit à des pièces sublimes comme « Le tremblement du monde » avec Étienne Minoungou, « Tafé Fanga, le pouvoir du pagne » de Jeanne Diama et Assitan Tangara du Mali, ou encore « Noces » des Burkinabè Safourata Kaboré et Odile Sankara. Cette dernière pièce met en scène « une femme (qui) se prépare pour le plus grand jour de sa vie entre doutes, excitation et anxiété, et qui se confronte à ses démons intérieurs tout en exprimant ses désirs les plus profonds ». Un dialogue intérieur qui mérite le détour !

À l’instar de ces pièces, tous les autres spectacles de cette 13e édition du festival des Récréâtrales nous réconcilieront à coup sûr avec nos défis, nos démons, nos réalités… Ainsi, face au soleil et investis du serment de leur courage et de leur résilience, nos peuples sauront, espérons-le, opérer le choix de la détermination. Au final, ce 13e rendez-vous du festival du théâtre de Bougsemtenga est un vibrant plaidoyer pour l’honneur et la dignité des peuples africains.

En optant pour ce thème puisé dans le sens de l’histoire et qui suit les « Traces » de l’évolution de nos nations, les Récréâtrales inscrivent, sans aucun doute, leur action dans la droite ligne de leur catéchisme : « Sortir de l’ombre » en 2016, « Tresser le courage » en 2018, « Se dresser » en 2020, « Faire visage » en 2022… Et maintenant « Face au soleil » en 2024, pour gagner, pour vivre libres et unis !

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