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[MEMOIRE] De la Haute-Volta au Burkina Faso, le CSP et le MPSR:   Ressemblances et dissemblances

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Le Coup d’Etat du 7 novembre 1982 en Haute-Volta (Actuel Burkina Faso) était survenu suite à un manque de compromis entre certains officiers supérieurs, alors aux commandes du pays, et des officiers subalternes. Ces derniers étaient soutenus, dans leur mouvement de contestation des autres gradés, par des sous-officiers.  Mais, tout comme le Conseil de salut du peuple (CSP) de novembre 1982, le MPSR ( Mouvement Patriotique pour la Sauvegarde et la Restauration) de 2022 n’était pas homogène dans sa composition initiale pour conduire les destinées du pays.

Par Merneptah Noufou Zougmore

En 2015, tout comme dans une répétition de l’histoire, une partie de l’armée avait organisé un autre coup d’Etat au régime civil du président fraîchement élu, Roch Marc Christian Kaboré. 

Les militaires reprochaient au président Kaboré de ne pas réagir efficacement à la guerre imposée au pays par des groupes armés terroristes.

 L’action qui avait conduit les militaires du Mouvement patriotique pour la sauvegarde et la restauration (MPSR) au pouvoir avait été portée par des officiers supérieurs, appuyés par les officiers subalternes, notamment des capitaines.

La crise politique des années 1980 avait conduit au pouvoir, le 25 novembre 1980, le colonel Saye Zerbo, président du Comité militaire de redressement pour le progrès national (CMRPN).

Ce coup d’État allait mettre à jour des dissensions existant au sein des forces armées du pays. Ainsi, le 15 avril 1982, le colonel Saye Zerbo convoquait le Conseil des forces armées voltaïques (CFAV). 

Au cours de cette rencontre de l’instance supérieure de décisions de l’armée, des dissensions allaient apparaître nettement entre les officiers présents. D’un côté les officiers « militaires » et, de l’autre côté, les officiers « politiques ». 

La fronde était conduite par des officiers « politiques » amenés par le capitaine Thomas Sankara. Ces frondeurs étaient regroupés dans un mouvement appelé le ROC. 

 De jeunes officiers, frustrés de l’attitude de leurs aînés ainsi que des sous-officiers se sentant lésés, allaient également rejoindre ce regroupement. 

Le rôle de jeunes officiers et les difficultés de direction 

Dans le cas du coup d’Etat qui a conduit le MPSR au pouvoir, l’intervention de jeunes officiers semblait avoir été décisive dans l’action.

 Et cela parce que les frustrations étaient davantage ressenties par eux et parce qu’ils étaient plus en contact direct avec les obstacles sur le terrain.

 Ils avaient convenu, comme cela est de coutume dans l’armée, qu’une fois le coup d’Etat réussit, que ce serait les officiers supérieurs qui assureraient la direction des affaires du pays. 

Ce débat de la direction du mouvement et du pays avait été menée également sous le Conseil de salut du peuple (CSP) qui avait renversé le CMRPN.

Le médecin-commandant Jean Baptiste Ouédraogo, Président du CSP, dans ses mémoires publiés sous le titre « Ma part de vérité », a décrit l’ambiance et le débat sur le choix du nouveau maître du pays à cette époque à partir de la page 47 de l’ouvrage.

C’est ainsi qu’il explique la position du capitaine Thomas Sankara. Ce dernier, alors pressenti pour jouer le rôle de chef de l’Etat mais qui avait refusé la proposition.

Au cours des échanges, un autre jeune officier, le capitaine Jean Claude Kambouélé, avait enjoint au capitaine Sankara, s’il déclinait le poste, de désigner celui qu’il estimait pouvoir jouer le rôle de président du CSP et donc de chef de l’Etat, explique le médecin-commandant Jean-Baptiste Ouédraogo dans « Ma part de vérité ». 

Il indique : « Alors seulement, et contre toute attente, Thomas Sankara lâcha le nom du colonel Somé Yorian Gabriel. Rêve ou réalité, toujours est-il qu’un froid parcourut la salle. Surpris, nous l’étions tous. Inquiets et déconcertés, nous l’étions également. Pendant que les officiers demeuraient cois, interdits et perplexes, un sourd grognement de protestation et de désapprobation fusa dans les rangs des sous-officiers. La proposition de Thomas Sankara allait à contre-courant. » 

Malgré l’hostilité sourde des sous-officiers quant au choix du colonel Somé, le médecin-commandant Ouédraogo affirme, toujours dans son ouvrage, qu’« un Thomas Sankara imperturbable élèvera même le ton. Il fera même comprendre aux sous-officiers que le putsch était, certes, le leur en tant que principaux acteurs et artisans mais qu’une fois la partie sportive terminée, il leur fallait se soumettre à certaines exigences et se plier, de nouveau, à la discipline. » 

Les tractations entre putschistes du CSP allaient s’achever par un arrangement qui était le vote., raconte le médecin-commandant Ouédraogo. Il avait été permis au colonel Yorian Gabriel Somé de participer à l’élection du nouveau dirigeant de la Haute-Volta. 

Il y avait sur la liste des prétendants à la magistrature suprême, en plus du colonel Somé et du commandant Ouédraogo, le nom du général Tiémoko Marc Garango, intendant militaire. 

A l’issue de l’élection, le médecin-commandant Jean-Baptiste Ouédraogo l’emportait et le colonel Somé était maintenu à son poste de chef d’état-major des armées. 

40 ans plus tard: l’avènement du MPSR

Tout comme, plus de quarante ans plus tard, en 2022, à l’avènement du MPSR, le général Barthelemy Simporé, qui était ministre de la Défense dans le régime déchu de Roch Marc Christian Kaboré, allait être maintenu à son poste à l’avènement du nouveau régime politique.

 La dissemblance entre le CSP et le MPSR, c’est la présence du ROC  qui était une organisation politisée dans l’armée, à la prise du pouvoir par les militaires. 

Les accointances du ROC avec les organisations de gauche comme le Parti Africain de l’indépendance (PAI), la Ligue patriotique pour le développement (LIPAD), son appendice, et le groupe résiduel de l’Union des luttes communistes (ULC), auto dissoute en 1981, n’étaient pas cachées.

A l’avènement du MPSR, il n’était nulle part mentionné, de façon explicite, la participation d’une organisation politique quelconque.

Pour le cas du CSP, le capitaine Thomas Sankara aurait déploré le caractère hétérogène du mouvement d’où la nécessité, selon lui, de le construire patiemment avant de passer à l’action.

Suite à des questions de contingence, cette option avait été battue en brèche par la majorité des dirigeants de l’époque.  Certains avaient eu peur qu’avec l’élargissement du nombre des acteurs, le putsch alors en préparation ne soit alors découvert.  Le médecin-commandant aborde du reste cette question dans son livre. 

Pour l’intervention du MPSR dans la gestion du pouvoir d’Etat en 2022, il semble que ce qui unissait tous les acteurs du putsch, c’était le constat du manque de réponse efficace du régime en place dans la lutte contre le terrorisme sur le théâtre des opérations. 

Les acteurs de l’avènement du MPSR n’avaient pas une ligne politique définie. L’absence de ligne politique claire et l’hétérogénéité des acteurs ont entraîné la fracture du groupe, seulement quelques mois après. 

Le CSP avait connu une situation similaire dans les années 1980. Le capitaine Sankara, devenu Premier ministre du CSP sera arrêté en mai 1983 avec ses camarades du ROC sauf le capitaine Blaise Compaoré. La suite de l’histoire est connue.

Le MPSR de 2022 connaîtra également une fissure. Ce qui allait conduire, en septembre 2022, à  la venue au pouvoir du MPSR 2 avec le capitaine Ibrahim Traoré provoquant du même coup la mise à l’écart des officiers supérieurs conduits par le lieutenant-colonel Henri Paul Sandaogo Damiba, alors chef de l’Etat.

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