Le procès de l’accident sur le chantier de l’aéroport en construction de Donsin a repris le 15 février 2023 au Tribunal de grande instance de Ziniaré, dans la région du Plateau-Central. Trois nouveaux prévenus, à savoir l’Etat burkinabè, le groupement GESEB Sarl COGEA et le cabinet MEMO Sarl s’ajoutent aux huit autres prévenus initiaux.
Par Daouda Kiekieta
À l’ouverture de la première audience le 8 février dernier, le parquet avait demandé un renvoi pour « des poursuites complémentaires ».
Ainsi, le procès a repris ce mercredi 15 février 2023 avec de nouvelles poursuites et de nouveaux prévenus.
En plus des huit personnes poursuivies au préalable pour « homicides involontaires et blessures involontaires », le parquet a engagé des poursuites contre l’État burkinabè et le groupement d’entreprises GESEB Sarl/COGEA International et MEMO Sarl, tous deux impliqués dans la construction de l’aéroport de Donsin.
Il est reproché à toutes ces trois personnes morales des « homicides involontaires et blessures involontaires contraventionnelles et délictuelles ».
Par ailleurs, deux chefs d’entreprise, M. Dieudonné Soudré, directeur général de GESEB Sarl et M. Lamine Yaoliré, président directeur général de COGEA International sont poursuivis pour « fraude en matière de commande publique ». Ces deux personnes étaient déjà poursuivies pour « homicides involontaires et blessures involontaires »
L’AJE veut des clarifications sur l’entité poursuivie dans ce dossier
La poursuite de l’État, qui est un fait rare dans la procédure pénale, a suscité un débat. En effet, dans cette affaire, le parquet poursuit l’Etat burkinabè ici représenté, selon lui, par la Maîtrise d’ouvrage de l’aéroport de Donsin (MOAD).
Pour l’agent judiciaire de l’Etat (AJE), le représentant légal de l’État est l’AJE. « Le Directeur général de la MOAD représente la MOAD dans tous les actes civils. Il est donc important de clarifier l’entité poursuivie dans le dossier » explique M. Karfa Gnanou, agent judiciaire de l’État.
Tout de même, M. Gnanou reconnaîtra par la suite que « que ce soit l’État ou la MOAD qui est poursuivi, l’AJE peut apporter son assistance aux personnes publiques poursuivies en justice. »
«Entre l’État et la MOAD, nous avons voulu savoir qui est ce que le parquet souhaite qu’il réponde. Dès lors que la clarification est faite, nous sommes là pour porter la voix de toutes les personnes publiques au niveau central ou déconcentré» a expliqué M. Karfa Gnanou au sortir de l’audience.
C’est également pour lui permettre, à lui, agent judiciaire de l’Etat, d’organiser convenablement la défense de l’Etat dans ce dossier, qu’il a demandé et obtenu le renvoi du procès au 20 février prochain.
La liberté provisoire refusée aux détenus
Suite au renvoi du procès, les avocats de la défense ont une fois de plus plaidé pour la mise en liberté provisoire de leurs clients détenus dans le cadre du procès.
«Je réitère que M. Dieudonné Soudré est juge consulaire au Tribunal du commerce de Ouagadougou. Il est également Consul honoraire du Libéria au Burkina Faso. Il n’a pas intérêt à fuir » plaide Me Boama Ouali, avocat de M. Soudré.
Selon lui, le Directeur général de GESEB Sarl est accompagné par deux autres détenus dans l’exécution de marchés qui s’élèvent à plus de 3 milliards de F. CFA», comme pour dire que M. Soudré n’a pas intérêt à fuir au regard de ces enjeux économiques.
Pour sa part, Me Ambroise Farama, l’un des avocats de la défense, estime qu’il y a « un rapport de déséquilibre dans la mesure où le représentant de l’État est libre de ces mouvements alors que d’autres prévenus sont détenus ».
« Deux parties comparaissent, l’un est en détention depuis le 25 janvier 2023 et l’autre est libre. Est-ce que les rapports sont équilibrés ? Ceux qui sont détenus ne peuvent pas se défendre au même niveau que ceux qui sont libres » s’insurge Me Farama, qui exige la liberté provisoire des détenus pour « rétablir l’équilibre entre les parties».
Et Me Christophe Birba, l’un des avocats de la partie civile de rétorquer que dans les auditions de la police lors des enquêtes, il est ressorti des suspicions « d’un mutisme concerté des blessés ».
« Il peut y avoir donc de la subornation de témoins au regard des enjeux économiques du dossier » s’inquiète Me Birba, avant d’ajouter que « si vous mettez ces personnes en liberté, c’est la mort assurée du dossier.»
Après une suspension de quelques minutes de l’audience, le tribunal a finalement rejeté la demande de mise en liberté provisoire des détenus.
Toute chose qui a reçu l’assentiment des avocats de la partie civile et du parquet qui ne demandaient que cela.
« Au cours des enquêtes, les enquêteurs ont suspecté qu’il y ait eu des pressions sur des témoins et des victimes pour ne pas déposer plainte (contre leurs patrons).
Nous avons expliqué au tribunal que ce sont des indices qui font croire que si les prévenus sont en liberté, ils peuvent tenter d’obtenir des compromis avec des témoins. Et cela est de nature à empêcher la sereine manifestation de la vérité » a expliqué Me Christophe Birba.
Aux environs de 15 h, l’audience a été suspendue pour reprendre le 20 février 2023.
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