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Province du Soum: Djibo le récit d’une ville qui souffre le martyr entre les mains des terroristes

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La ville de Djibo, chef lieu de la province du Soum, région du Sahel souffre le martyr depuis plusieurs semaines. Plus rien ne va, la population est prise entre le marteau et l’enclume. Les groupes armés terroristes dictent leurs lois. Le correspondant de Libreinfo.net sur place nous fait le récit d’une ville et ses populations abandonnées aux abois. Si rien n’est fait dans l’immédiat, la population risque de subir le pire. Lisez ce récit!

Par Inoussa Sankara, correspondant Soum

Djibo est située à 200 km de la capitale Ouagadougou. Aujourd’hui, elle est un camp de déplacés internes à ciel ouvert. Si au Burkina Faso depuis 2016, il y a un chef-lieu de province qui a souffert de l’insécurité, c’est bien cette ville. Elle est le concentré de tous les maux liés à l’insécurité dus au terrorisme sur le sol burkinabè.

En rappel, il faut souligner que cette localité a longtemps été l’épicentre de la crise sécuritaire avec le Groupe Ansarul Islam qui, de nos jours fait partie du GSIM (Groupe de Soutien à l’Islam et aux Musulmans) dirigé par Iyad Ag-Ghali.

Depuis plus d’une semaine, Djibo fait la « Une » de la presse nationale et internationale. En effet, les GAT (Groupes Armés Terroristes) ont imposé un blocus sur la ville de sorte que, si la situation viendrait à perdurer au-delà d’une semaine, il est fort à craindre un drame humanitaire.

Tout a commencé en mi-janvier après l’opération Laabingol 1 qui a permis de détruire certaines bases des groupes armés dans le Centre-Nord et dans le Sahel surtout dans la province du Soum. En représailles, ils auraient planifié de s’attaquer au camp du 14e RIA (Régiment Inter Armes) basé à Djibo.

Afin de limiter les dégâts collatéraux semblent-ils, ils ont donné un ultimatum de 4 jours au village de Borguindé, situé à 6 km du camp de déguerpir car ils se prépareraient bientôt à attaquer la garnison. Ce gros village de près de 4000 âmes, aujourd’hui quasiment désert a été obligé de se lever pour rejoindre Djibo.

Le blocus de la ville de Djibo commence en mi février 

Le mercredi 16 février 2022, un groupe d’hommes armés a, entre Bourzanga et Namssiguia intercepté tous les cars de transport en commun et les camions de marchandises et intimé l’ordre aux chauffeurs de ne plus remettre pied à Djibo sous peine d’être exécuté. C’est le début du blocus sur la ville. Personne n’y entre, ni ne sort.

D’autres hommes armés non identifiés, le même soir ont fait le tour de tous les villages dans un rayon de 10 km de la ville et menacer les habitants en donnant un ultimatum allant d’une journée à trois de partir.

C’est ainsi que les villages de Baagadoumba, Baama, Mandali, Sintaou, Firguindi,  Djaw djaw, Baakoore, Senobaani, Inagani etc…ont tous rejoint Djibo. D’autres villages par contre comme Ganoua, Sè, Petelthioudi, Pilaadi et Simbè ont été pris en otage et ne peuvent avoir accès à la ville.

Encouragés par leurs succès de faire partir les villages aux alentours de la ville et la molle réaction des FDS, les terroristes vont pousser plus loin en chassant tous les habitants des secteurs 9, 8,7 6, et 5 de Djibo. Toutes ces personnes se sont retrouvées dans les 4 secteurs restants de la ville.

C’est un spectacle triste que présente Djibo de nos jours. Des milliers de personnes qui errent à travers la ville, parfois sans logements, sans famille d’accueil et qui dorment à la belle étoile. Des vieillards malades ne pouvant marcher embarquer dans des charrettes sous le regard des enfants et femmes.

Le cimetière central de la ville de Djibo, province du Soum ne désemplit pas depuis une semaine.

Djibo est par excellence une zone d’élevage et rare sont les familles dans les villages qui n’ont pas un troupeau de bétail. Avec les déplacements, ces milliers d’animaux sont parqués et gardés dans des espaces ou réserves de la ville, ou dans les locaux du marché à bétail. Le blocus fait qu’aucun animal ne peut paitre au -delà d’un Km et interdiction est faite aux villages lointains de faire entrer de l’herbes ou du bois de chauffe en ville.

Nous avons interrogé M.S, habitant du secteur 5 de Djibo « Moi, je ne comprends rien à cette situation, comment on peut croiser les bras jusqu’à ce que les terroristes fassent déguerpir des quartiers entiers ? » et il poursuit « si l’Etat ne peut rien autant nous dire, chacun va se défendre comme il peut, vous avez vu le blocus ? enfermer dans un espace réduit des centaines de milliers d’habitants et il y a aucune réaction ? bon, tu parles on va te créer des problèmes.

Ces terroristes ont peut-être un programme funeste, qui est de nous rassembler et massacrer comme des rats ! Mais il faut que l’armée nous montre que sous Roch et maintenant c’est différent ».

A.T, fonctionnaire de santé, soupir et dit « On va vivre de quoi ? La route est bloquée, le réseau Orange et Moov ne marchent plus depuis plusieurs semaines, c’est la fin du mois, nos réserves sont finies, c’est à ne rien comprendre ! Un camp à Djibo, un autre à Gaskindé 25 km, à Bourzanga aussi, et ces HANI nous narguent jusque dans la ville, moi si je sors de cette situation Ah ! Djibo là, ce n’est plus sûr avec moi ! Être confinés avec l’armée à côté !».

Nous sommes allés à la rencontre de S.L, homme d’une cinquantaine d’année qui a trouvé refuge dans une cour au secteur 2 de Djibo.  Il nous relate les larmes aux yeux « Les terroristes m’ont chassé de Silgadji, je suis venu m’installer à Firguindi. On vient de me chasser de Firguindi et je vais dans un non- loti au secteur 5 de Djibo. Et voilà que le jeudi, on me somme de partir encore.

Me voilà ici sans toit, j’ai 10 enfants et mes deux femmes. Le propriétaire de la cour m’a autorisé de rester ici, sous le hangar, mais pas dans la maison qui est une villa à louer. Je le comprends bien, espérons que dans la semaine nous pourrons réintégrer notre maison au secteur 5. Vous voyez, j’ai ici, 5 moutons et 2 bœufs, cela fait deux jours que les animaux n’ont pas mangés. J’avais une quinzaine, j’ai dû brader les autres car il n’y a pas d’espace pour les garder et pas d’aliments pour eux ».

La situation est de plus en plus critique. Sans ravitaillements depuis une semaine, les produits de première nécessité commencent à manquer et les prix sont parfois multipliés par deux. Le petit mil, aliment de base des populations commence à être introuvable.

Ce qui fait craindre encore plus les habitants de la ville est que dans certains villages, les Hommes armés non identifiés qui passent les menacer ont un accent étranger, la peau blanche et de longs cheveux comme des femmes mais ce sont bien des hommes. Les HANI auraient occupé tous les villages abandonnés par les populations.

Pour ne rien arranger, il y a trois jours, des individus armés non identifiés ont fait sauter les installations de l’ONEA situé juste derrière le barrage privant depuis ce jour une partie de la ville en eau potable.

Les populations sont obligées dans leur majorité à se rabattre sur les puits pour avoir de quoi boire, les quelques forages étant insuffisants. Des puits, ils sont allés jusqu’à déverser du gasoil dedans pour empêcher les habitants de boire.

Nous apprenons qu’ils viennent de sauter un château d’eau du secteur 7 (Firguindi) qui avait été donné aux populations par un de leurs fils entrepreneur de son état.

Face à cette situation, des personnes ressources de la ville Djibo , province du Soum , regroupées autour du Chef de Canton ont tenté de rentrer en contact et de dialoguer avec les GAT (Groupes armés Terroristes) mais pour le moment cela n’a donné aucun fruit.

En résumé, la situation de la ville de Djibo au moment où nous écrivons ces lignes est, des trois opérateurs mobiles, seul Telecel est fonctionnel après une rupture de quelques jours du au sabotage de pylônes (la ligne est constamment saturée, il faut plusieurs tentatives pour appeler).

L’eau potable manque à Djibo, aucune route pour sortir ou entrer en ville du fait du blocus, l’électricité est servie 10 H/24H, des enseignants absents depuis le mois de décembre, les humanitaires entrain de fuir, les transactions monétaires impossibles sans réseau et connexion, la psychose permanente des habitants, la malnutrition avancée des nouveau-nés, pénurie de carburant, manque de condiments en provenance de Ouahigouya tous les mardis, le marché à bétail fermé (manque d’acheteurs et vendeurs),

A Djibo dans la province du Soum, les malades qui meurent faute d’évacuation

L’armée, à travers le MPSR qui vient de prendre le pouvoir est interpellée vivement afin que des réactions fortes soient faites. C’est un défi à relever pour le nouveau pouvoir, et il faut paraitre au plus urgent pour éviter une tragédie de plus au Burkina.

Les populations de Djibo, chef-lieu de la province du Soum et les burkinabè attendent de voir. La prise en otage d’une population d’aussi grand nombre peut déboucher soit sur une tragédie comme nous l’avons souligné ou sur un chantage.  En tout état de cause, Djibo doit rester debout pour le Burkina Faso et pour le MPSR.

Messiers les soldats, à vos armes !

www.libreinfo.net

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