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FCFA : « C’est faux. La France ne tire aucun avantage financier de la Zone franc » (Ambassadeur Xavier Lapeyre De Cabanes)

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Libreinfo.net (Li): Il y a quelques semaines l’ambassade de France à travers sa page Facebook a repris une interview d’un journal Burkinabè sur le FCFA ce qui a suscité une vive réaction des internautes, malgré le recadrage que vous avez apporté nombreux sont restés sur leur position. www.libreinfo.net souhaite savoir quelle est votre position exactement sur le FCFA ? (2/4)

Xavier Lapeyre De Cabanes (XLDC): L’intention de ce partage sur le réseau social Facebook n’était ni de défendre le franc CFA ni de prendre parti pour ou contre. Nous trouvions que le partage de cet article, publié dans le plus vieux et le plus respecté des quotidiens burkinabè, L’Observateur Paalga pour ne pas le nommer, pouvait apporter au débat un autre regard, un propos différent de ce que l’on entend sur le sujet.

Nous pensons que les échanges sur notre page Facebook sont toujours très intéressants. Nous profitons de l’occasion pour remercier toutes les personnes qui se sont exprimées avec pertinence, tous les points de vue rencontrés et affichés sur le mur.

Notre position sur le FCFA est celle exprimée par le Président Macron, à l’université Ouaga 1 Joseph Ki-Zerbo, à Ouagadougou, le 28 novembre 2017. Le Président a été très clair lorsqu’un étudiant l’a interpellé sur ce sujet. Il s’est déclaré totalement ouvert sur la question de l’avenir de cette monnaie ouest-africaine, son périmètre, son nom et son existence même.

« La France accompagnera la solution qui sera portée par vos dirigeants », a-t-il déclaré. Et de poursuivre : « J’accompagnerai la solution qui sera portée par l’ensemble des présidents de la Zone franc (…) S’ils veulent en changer le périmètre, j’y suis plutôt favorable. S’ils veulent en changer le nom, j’y suis totalement favorable. Et s’ils veulent, s’ils considèrent qu’il faut même supprimer totalement cette stabilité régionale et que c’est mieux pour eux, je considère que c’est eux qui décident et donc je suis favorable ».

La Zone franc est un dispositif parfois critiqué, en Afrique et même en France, par certains détracteurs issus des champs universitaires, politiques et de la société civile. Mais, permettez-moi, dans vos colonnes, de revenir sur des critiques récurrentes et souvent approximatives, voire infondées.

Une première critique pourrait être résumée de la sorte : « La Zone franc est une survivance néocoloniale » ; « La France dispose d’un droit de veto au sein des instances de la Zone franc » ; « Les Etats de la Zone franc sont dans une position de servitude face à la France ».

A cette première critique, je dirai qu’il ne faut pas surestimer le rôle de la France dans la gouvernance de la Zone franc. S’il est vrai que le système trouve ses origines dans la coopération monétaire mise en place lors de la colonisation, il a très largement évolué depuis, à l’initiative de toutes les parties prenantes et en particulier des jeunes Etats nouvellement indépendants. Le système est aujourd’hui essentiellement africain et préserve l’équilibre et la souveraineté des Etats de la Zone franc.

La deuxième critique, que nous entendons partout, dénonce ceci : « Les pays de la Zone franc paient une taxe coloniale à la France ». C’est faux. La France ne tire aucun avantage financier de la Zone franc. Elle s’engage au contraire à soutenir financièrement les Etats de la Zone franc par la garantie de convertibilité illimitée. De la même façon, le mécanisme du compte d’opération ne constitue en rien une « taxe coloniale ». Il s’agit d’un placement librement accessible et très bien rémunéré des banques centrales, qui conduit à l’inverse au versement chaque année de plusieurs dizaines de millions d’euros de la France vers l’Afrique.

La troisième critique procède d’une vérité : « Oui ! Le Franc CFA est fabriqué en France ».
Mais, à cela, je dirais que malheureusement, rares sont les pièces et billets africains fabriqués sur le continent. Si le Franc CFA est effectivement fabriqué en France, le franc guinéen, le birr éthiopien, le shilling ougandais ou le pula botswanais sont fabriqués en Angleterre ; l’ouguiya mauritanien, le nakfa érythréen, le shilling tanzanien ou le kwacha zambien en Allemagne ; le dollar libérien aux Etats-Unis.

Je déplore tout comme vous que les industries de fabrication de la monnaie soient encore peu développées en Afrique subsaharienne ; seuls neuf pays sur 54 dont le Ghana, le Soudan ou l’Afrique du Sud disposent d’imprimeries capables de produire des billets de qualité et non falsifiables. De nombreux pays font donc appel à des partenaires extérieurs.

La quatrième critique porte sur l’affirmation que « les Etats de la Zone franc paient chaque année plusieurs milliards d’euros à la France par le biais du compte d’opérations ».

Même si cela est légèrement technique, il est important de préciser deux ou trois choses. Je suis persuadé que vos lecteurs n’auront pas de difficulté pour les comprendre. Donc, il est important de savoir que les unions économiques et monétaires (UEMOA et CEMAC) sont des institutions exclusivement africaines, où la France n’est pas représentée. De la même façon, la France n’est institutionnellement pas présente lors des conférences des chefs d’Etats et conseils et comités ministériels, qui sont les principales instances de gouvernance de la Zone franc. Elle ne participe donc pas à l’élaboration et à la mise en œuvre des politiques communes.

De plus, dans le cadre des unions économiques et monétaires, les réserves de change sont mutualisées entre les pays de l’UEMOA (à la BCEAO) et de la CEMAC (à la BEAC). Cela ne pénalise pas les Etats ou les acteurs économiques et ne constitue en rien une ponction de richesse puisqu’ils reçoivent la contrepartie, en Francs CFA, des devises placées dans les banques centrales, et peuvent donc bien utiliser ces montants pour financer, par exemple, des projets de développement. La centralisation des réserves de change ne prive donc pas les Etats de ressources financières.

Les accords de coopération monétaire signés avec la France prévoient qu’une fraction de ces réserves (50%) soit déposée sur un compte d’opérations au Trésor français. Il s’agit d’un placement libre de réserves, immédiatement disponibles et accessibles, par les banques centrales, en fonction des besoins et de l’évolution des relations des Etats, entreprises et ménages de la Zone franc avec le reste du monde.

Il ne s’agit donc pas d’un paiement des Etats de la Zone franc à la France, mais d’un placement financier par les banques centrales, librement consenti et accessible, rémunéré et sûr.

Les dépôts de la BEAC et de la BCEAO sur le compte d’opérations sont rémunérés et un plancher de rémunération a été instauré pour assurer une rémunération minimale dans un environnement de taux bas. La France verse ainsi des intérêts à la BEAC et à la BCEAO à hauteur de plusieurs dizaines de millions d’euros chaque année.

On est bien loin de l’assertion comme quoi « les Etats de la Zone franc paient chaque année plusieurs milliards d’euros à la France par le biais du compte d’opérations » : c’est plutôt l’inverse qui est vrai !

La cinquième critique est encore plus pernicieuse, car elle suppose de maîtriser trois dimensions, l’une portant sur l’histoire monétaire et l’autre sur le développement, la troisième étant une comparaison entre les pays issus de l’ancien empire colonial britannique et ceux issus de l’ancien empire français. Elle pourrait se formuler ainsi : « L’appartenance à la Zone franc est un frein au développement ».

Si nous faisons un petit peu de macroéconomie comparée, et je vous prie de m’en excuser, voici ce que je peux vous dire. En termes de PIB par habitant, les niveaux du Gabon (7500 USD) et du Botswana (7000 USD) sont similaires, comme ceux du Congo (1800 USD) et du Ghana (1600 USD), de la Côte d’Ivoire et du Kenya (1500 USD tous les deux), du Sénégal et de la Tanzanie (960 USD), du Bénin et de l’Ethiopie (775 USD) ou du Burkina Faso et de l’Ouganda (640 USD).

De plus, en matière d’indice de développement humain (IDH), le Gabon est mieux classé en 2016 que de nombreux pays en Afrique subsaharienne (Afrique du Sud, Namibie) mais également au-delà (Indonésie, Egypte, Maroc, Bolivie) ; le Cameroun est mieux classé que le Ghana ou le Rwanda ; le Sénégal mieux classé que l’Ouganda ; la Côte d’Ivoire mieux classée que l’Ethiopie et le Mali mieux classé que le Mozambique.

Enfin, les trajectoires de croissance économique ne sont pas moins bonnes en Zone franc. Le taux de croissance de l’UEMOA a été de 6,1% en 2016 et devrait être au même niveau en 2017, alors que celui de l’Afrique subsaharienne dans son ensemble était de 1,4% en 2016 et ne devrait pas dépasser 2,6% en 2017.

La croissance en Zone CEMAC, où les pays sont souvent plus dépendants des cours des matières premières, est plus erratique mais pas significativement différente des autres pays exportateurs de pétrole. Le choc en CEMAC en 2016 (-0,9% de croissance) est donc moindre que celui subi par exemple par le Nigeria (-1,5%), et la croissance est légèrement repartie en 2017 (1,1%) – à un niveau similaire à celui du Nigéria (0,8%).

Enfin, la France respecte l’entière souveraineté des Etats de la Zone franc. Elle reconnaît que la Zone franc est avant tout un dispositif africain, en faveur des pays africains, et est ouverte à toute proposition d’évolution que ses membres formuleraient. Notre position est donc claire, il n’y a pas de tabou sur l’évolution de la Zone franc.

A lire ce samedi 6 avril, la 3e partie de l’entretien sur la coopération militaire, le G5 Sahel et l’opération Otapuanu

Retrouvez la première partie de l’entretien ici: Manifestation gilets jaunes: “Il existe une stricte différence entre ce que les chaînes de télévision en continue diffusent et la réalité” (Ambassadeur Xavier Lapeyre De Cabanes)

Entretien réalisé par :
Albert Nagreogo et
Siébou Kansié
Libre info.net

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