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Jazz à Ouaga: j’ai trois grands regrets,c’est de n’avoir pas pu programmer Manu Dibango,Moustapha Thiombiano et Randy Weston

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Chaque année la capitale burkinabè vibre au rythme du Jazz à l’occasion du festival jazz à Ouaga. Un rendez-vous culturel devenu incontournable dans l’agenda des mélomanes depuis plus d’un quart de siècle. Le festival a attiré des sommités de la musique jazz à Ouagadougou grâce à la passion des organisateurs pour ce genre de musique mais aussi pour le bonheur des festivaliers. Cette année,pour la 28è édition,la pandémie coronavirus a obligé les organisateurs à annuler le festival pour plusieurs raisons que le Coordonnateur Abdoulaye Diallo explique dans cet entretien avec Libreinfo.net. Pour ne pas priver totalement les fidèles festivaliers de leur plaisir,l’organisation a prévu de rediffuser les moments intenses du festival à partir du 29 mai au 6 juin à 21h sur la chaîne LCA (CANAL 256) et sur la page Facebook de jazz Ouaga avec également des films d’anthologie. 

Propos recueillis par Albert Nagreogo

Libreinfo.net (LI): Vous êtes l’organisateur du festival Jazz à Ouaga,l’un des plus grands événements culturels de la ville de Ouagadougou depuis plusieurs années. Alors vous avez annoncé officiellement l’annulation pour cette édition racontez-nous comment vous êtes arrivés à cette décision ?

Abdoulaye Diallo(AD) : il y a eu une évolution de la pandémie avec des décisions que les autorités ont prises et puis l’évolution au niveau mondial, on s’est rendu compte que ça va être difficile. D’abord la plupart des aéroports sont fermés, les déplacements sont compliqués, en plus on n’a pas réussi à mobiliser des financements pour le moment et la période n’est pas propice pour aller vers les partenaires. Il y a confinement, il y a quarantaine, c’était très compliqué. On s’est rendu compte aussi que psychologiquement c’est difficile d’organiser un événement comme celui-ci dans les conditions où les gens parlent encore de coronavirus. On a pensé que c’était plus sage d’annuler, de se concentrer et d’attendre 2021.

LI : C’est quand-même historique parce que dans le parcours de jazz à Ouaga ce n’était jamais arrivé n’est-ce pas ?

AD : ce n’était jamais arrivé. En 1999 on n’a pas annulé mais on a transformé. On ne pouvait pas faire Jazz à Ouaga comme on a l’habitude de le faire mais on a fait les nuits du jazz. Ça veut dire qu’on a tenu quand-même. En 2011, on a décalé. Quand il y a eu les mutineries, on a quand même fait jazz à Ouaga. C’est la première fois qu’on annule. Les autres fois, en 1999, ce sont les contraintes, parce que Norbert Zongo venait d’être assassiné, c’est très compliqué donc finalement de report en report on a fini par transformer et on a fait les nuits du jazz.

LI : Mais vous avez déjà engagé des dépenses ?

AD : on a déjà engagé des dépenses, il y’a certains billets d’avion qu’on a déjà réservé. Il y a des voyages d’exploration que nous avons eu à faire, donc il y a des dépenses engagées.

LI : Comment vous avez réussi depuis ces années à créer cet engouement autour du Jazz à Ouaga qui est devenu un véritable rendez-vous chaque année pour plusieurs mélomanes ?

AD : je pense que c’est la passion. C’est aussi la volonté, l’engagement de faire quelque chose  d’utile aux autres. Je pense que le groupe avec qui aujourd’hui je préside aux destinées de jazz à Ouaga, on est des mélomanes, on adore la musique, on adore le jazz, le blues,et on est content de faire cet événement de manière bénévole et le sentiment de dire voilà on rend les gens heureux,on permet à des gens d’être content, d’aimer, et on se fixe des objectifs, on arrive à le faire car il y a des artistes qu’on a fait bouger, on a changé leur carrière, on a changé leur vie. Chaque année malgré les difficultés on démissionne toujours mais on revient. Chaque édition on démissionne et puis on recommence encore(Rire).

LI : Vous avez réussi à faire de Ouagadougou une destination à cause de cet événement aussi, aujourd’hui des gens trouvent que c’est quand-même une musique propre à une certaine élite,qu’en dites-vous?

AD : c’est totalement faux, cet objectif on l’a réussi complètement.Regardez le documentaire qui a été fait pour les 20 ans, où les gens se sont permis de montrer des photos, au début c’était effectivement ça. Aujourd’hui quand il y’a jazz à Ouaga, le public est très diversifié. Avant vous avez 80% d’expatriés et 20% des burkinabè, aujourd’hui c’est le contraire. On a réussi à renverser cette tendance-là. Et ça,on l’a fait dans une certaine intelligence dans la programmation pour que chacun trouve son compte, dans une certaine ouverture vers la fusion, vers la world music pour attirer et les gens restent. On a su mêler tout ça à travers les concours jazz performance qu’on organise à travers les tournées qu’on fait dans les régions, les formations et tout.

LI : Le Coronavirus qui vous a fait reporter cet événement a eu raison de Manu Dibongo qui est une icône d’ailleurs, comment vous trouver la perte de cet homme ?

AD : ça fait très mal, et vous savez pourquoi ça fait très mal? parce qu’il est mort, il est appelé d’une manière ou d’une autre à  rencontrer la mort, nous tous d’ailleurs. Mais ça fait mal parce que ça vient à un moment où on ne peut pas lui rendre hommage, ça vient à un moment où on l’enterre presque en catimini. On n’est pas libre de lui rendre un hommage mérité. C’est ça qui fait mal. Ça fait aussi mal pour le programmateur de Jazz à Ouaga que je suis parce qu’on a tenté à trois reprises,on n’a pas pu faire venir jouer Manu Dibongo à Jazz à Ouaga. Lui-même a voulu jouer à Jazz à Ouaga,il a même demandé à jouer à jazz à Ouaga. Jazz Ouaga était très important parce que lui-même a dit à son manager comment se fait-il, je dois jouer à jazz à Ouaga. On lui a dit tonton tu vas jouer à jazz à Ouaga sauf que à chaque fois, problème d’agenda,on a jamais pu faire coïncider nos agendas pour que Manu Dibongo vienne jouer à Ouaga et il nous a quitté. Que son âme repose en paix. C’est une grosse perte.

LI : Vous voulez dire que c’est l’un de vos plus grands regrets de n’avoir pas eu Manu Dibongo à Jazz à ouaga ?

AD : oui, j’ai trois grands regrets. C’est d’avoir raté Manu Dibongo, on n’a pas pu le programmer alors que c’était bien avancé, c’est de n’avoir pas pu finalement programmer ce grand artiste, ce jazzman américain Randy Weston et Moustapha Thiombiano parce qu’on avait lancé le projet Voltaïque, l’idée aussi c’était de programmer Moustapha Thiombiano et on a jamais pu faire ça . Lui aussi nous a quitté paix à son âme c’est le grand regret que l’on puisse avoir.

LI : Finalement comment vous trouvez l’impact du Covid-19 sur le secteur culturel au Burkina ?

AD : mais c’est un impact désastreux souvenez-vous que les premières interdictions ont frappé le monde culturel, les premières choses qu’on a interdit ce sont des événements culturels avant qu’on en arrive aux marchés et au couvre-feu et autres, ce sont des événements culturels qu’on a annulé. Donc forcément ça marque. C’est un désastre pour le monde culturel.

LI : le président du Faso a donné un milliard 25 millions de francs CFA pour aider dans la relance des activités culturelles après la covid-19,en tant qu’un averti du milieu culturel burkinabè si vous deviez vous prononcer là-dessus,quelle sera votre opinion ?

AD : en fait, j’aurai bien aimé éviter de me prononcer là-dessus parce que moi je dis l’Etat a décidé de donner un milliard 25 millions pour soutenir le milieu culturel, donc j’imagine qu’ils n’ont pas décidé au hasard. Ils ont décidé compte tenu d’une situation précise. Certainement en tant que responsable ils ont dû analyser la situation, ils ont dû comprendre le problème qu’il y’a  et ils apportent une contribution. J’attends de voir quelle est la solution qu’ils apportent à travers le milliard pour réagir. Moi je ne peux pas réagir à ce stade. L’Etat a son plein droit  de mettre en place son comité de réflexion, je vais pas commencer à critiquer pendant que je ne sais même pas qu’est-ce qu’ils vont proposer.

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