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[Interview]«Parfois, le problème du football burkinabè n’est pas sur le terrain, il est dans son environnement», dit Kamou Malo

Kamou Malo As Douanes

L’As Douanes, vainqueur du championnat national de football au Burkina Faso, saison 2022, s’apprête activement avec son entraîneur Kamou Malo à entamer les préliminaires de la campagne africaine de football. Dans quelle ambiance se déroule cette préparation? quelles sont les ambitions du club et comment l’ex entraîneur national apprécie la gestion du football burkinabè? Kamou Malo a répondu aux questions de Libreinfo.net le jeudi 18 août 2023 au cours de l’entrainement.

Propos recueillis par A. Nimbnoman

Libreinfo.net: Comment se porte aujourd’hui l’AS Douanes ?

Kamou Malo : L’AS Douanes, à l’image de tout le pays, se porte bien malgré les difficultés.

Libreinfo.net : Vous avez régné en maître durant la saison écoulée sur le championnat national. Faut-il voir Kamou Malo ou l’AS Douanes ?

Kamou Malo : Non, il faut voir simplement l’AS Douanes. Kamou Malo n’est qu’un maillon de cet ensemble. J’ai trouvé sur place une équipe qui était bien organisée, je n’ai fait qu’ajouter ma manière de voir les choses. Sinon, l’élément catalyseur c’est toute notre organisation.

Libreinfo.net : Comment expliquer votre performance ? Qu’est-ce qui fait la particularité d’avec les autres clubs ?

Kamou Malo :  Quand vous arrivez nouvellement dans un club, pour réussir, il vous faut revisiter ce qui se passe au niveau de l’écurie. En tout cas, j’ai eu les mains assez libres pour opérer les choix de ceux qui allaient partir et ceux qui allaient rester et apporter cette rigueur dont on m’avait parlé qui manquait à l’équipe. Nous avons essayé d’apporter de la discipline au niveau des comportements et même au plan tactique.

Déjà, au niveau de l’administration, tout est suivi, chacun joue son rôle. Et quand vous êtes dans une équipe où vous ne manquez pas du minimum vital, je pense que c’est ce qui fait la différence.

Libreinfo.net : On peut dire aujourd’hui que l’AS Douanes est à l’abri du besoin financier comme on le voit dans beaucoup d’autres clubs ?

Kamou Malo : Non, l’AS Douanes aussi a des difficultés financières. L’organisation que l’AS Douanes a aujourd’hui est mieux que celle d’autres clubs, mais ce n’est pas suffisant pour aller chercher au plan international.

Pour aller titiller les grands, il nous faut beaucoup plus. Vous savez, il nous manque pratiquement tout. Là (espace aéré de la BCEAO ndlr), nous sommes en location, vous voyez que le terrain, par moment, dans les après-midi, n’est pas à notre disposition.

Tout ça pour dire que, quelque part, il y a toujours des choses qui manquent mais l’AS Douanes est sur la bonne voie. Et je pense que quoi qu’on dise, l’argent c’est le nerf de la guerre dont on a toujours besoin.

Libreinfo.net : Vous louez le terrain d’entrainement ?

Kamou Malo : Oui, naturellement, c’est un terrain qui est en location. L’AS Douanes paie chaque jour pour utiliser le terrain ; et cela, les gens doivent savoir, cela coûte énormément cher.

Libreinfo.net : Après une saison couronnée par le sacre en championnat national et en coupe AJSB, est-ce-que Kamou Malo a encore quelque chose à prouver avec l’AS Douanes ?

Kamou Malo : Oui, sans challenge on arrête et on dort à la maison. Pour la petite expérience que j’ai eue avec l’AS Douanes, l’année dernière, en campagne africaine, nous avons été éliminés au premier tour, pendant les préliminaires.

Cette année, c’est le challenge qui se pose à nous, ce n’est pas le titre national qui est mon véritable challenge mais c’est aller titiller cette Afrique. Nous avons besoin aussi d’écrire notre histoire dans cette Coupe d’Afrique, donc c’est un challenge pour Kamou Malo et l’AS Douanes.

Libreinfo.net : En un mot, le challenge pour vous c’est quoi ?

Kamou Malo : C’est d’entrer dans la phase de poule d’abord. Si on arrive à le faire, on ira chercher la première place car en ce moment tout est jouable.

Libreinfo.net : Dans quel état d’esprit êtes-vous déjà pour aller chercher la première place au niveau africain ?

Kamou Malo : J’ai un groupe et une administration qui sont déjà tournés vers la campagne africaine. Quand vous voyez les garçons courir, à chaque geste qu’ils effectuent, ils ont en tête déjà la campagne africaine.

Nous travaillons depuis un certain temps pour aller chercher justement cette qualification en phase de poule. Pour cela, nous avons fait une mise au vert à Ziniaré (une quarantaine de km de Ouagadougou ndlr) où nous avons passé 10 jours de préparation.

Après cela, nous avons joué la Coupe AJSB dont vous avez les résultats (vainqueur de la coupe ndlr). À présent, nous sommes de plein pied et nous continuons notre préparation. Nous utilisons les matchs de la coupe de la ligue du centre pour peaufiner notre préparation.

Libreinfo.net : Il y a un signe indien qui est là. Comment comptez-vous le vaincre? C’est le fait que les clubs burkinabè parviennent difficilement à accéder à la phase des poules ou quand ils y accèdent, c’est plus compliqué d’aller loin.

Kamou Malo :  Je vous disais, les difficultés majeures que nous avons à l’AS Douanes ; malheureusement c’est commun à l’ensemble du football burkinabè. Toutes nos équipes ne sont pas qualifiées directement pour les 16è de finale. Déjà, il faut d’abord jouer les préliminaires.

Les préliminaires ont lieu à une période où aucune équipe n’a repris les entraînements, donc il faut peut-être revoir notre calendrier du début du championnat. Si nous nous qualifions, nous affronterons probablement des équipes qui sont à 3, 4 ou 5 journées de leur championnat, cela fait une grosse différence.

Je vous parlais tantôt aussi du côté financier, une équipe comme l’AS Douanes doit être capable de garder ses meilleurs joueurs. Mais on ne peut pas le faire à cause des problèmes financiers.

On ne peut pas garder un joueur avec un salaire mensuel qui n’atteint pas 500.000 F.CFA alors qu’ailleurs il aurait peut-être 1 ou 2 millions F.CFA comme salaire mensuel. Pour attirer les grands joueurs d’autres pays, il faut que la cagnotte monte un peu. C’est le football en Afrique dans son ensemble, ce n’est pas une particularité du football burkinabè.

Libreinfo.net : Cela veut dire que le niveau du championnat burkinabè n’évolue pas ?

Kamou Malo : Non, ça n’a rien à voir avec le niveau du championnat parce que si c’est en valeur intrinsèque, notre football produit pas mal de jeu. Quand je regarde certains matchs de championnat en Afrique, je me demande parfois si ce sont des matchs de première division, comparés à ce que nous vivons tous les weekends. Donc cela n’a rien à voir. C’est simplement une question de motivation et d’organisation.

Libreinfo.net : Que vivez-vous tous les weekends ? Est-ce-que ce sont les conditions qui ne sont toujours pas réunies malgré tout ?

Kamou Malo : Nous sommes dans l’adversité à tout moment. Je ne prends pas le cas de l’AS Douanes. Moi même, j’ai eu l’année dernière 3 points face à l’ASECK de Koudougou qui, malheureusement, à l’époque traînait trois mois d’arriérés de salaires de ses joueurs. Comment pouvez-vous inculquer une chose à quelqu’un qui a faim ? On dit que le salaire c’est un droit et si le joueur n’a même pas ce minimum ?

Parfois, le problème du football burkinabè n’est pas sur le terrain, il est en dehors du terrain, il est dans son environnement. Et c’est ce qu’il faut simplement corriger car nous travaillons tous les jours sur le terrain ici et nous voyons que les garçons travaillent.

On passe beaucoup de temps avec les joueurs à travailler et à parler, on va quitter ici peut-être aux environs de 11h (à l’entrainement ndlr). On passe beaucoup de temps avec les garçons à travailler et à parler mais il faut qu’autour de nous cet environnement suive.

Je ne parle pas du cas spécifique de l’AS Douanes où je suis mieux loti que les collègues d’autres clubs. Il faut avoir le courage de le dire, et cela n’amène pas l’ensemble du football à grandir.

Libreinfo.net : Quand vous parlez de l’environnement, est-ce de  la gouvernance ?

Kamou Malo : Oui, bien-sûr! la gestion à tous les niveaux. Je ne peux pas comprendre qu’un Etat qui finance les salaires, puisque le problème s’est posé à un moment donné, l’administration a pris l’engagement de payer une bourse à ses équipes afin de donner le minimum à ces garçons et que ces garçons se retrouvent avec trois mois d’arriérés, on ne peut pas comprendre.

On ne vient pas à la direction d’une équipe simplement pour se remplir les poches mais c’est plutôt pour créer de la richesse autour de l’équipe. Cela, il faut avoir le courage de le dire, c’est notre environnement : mais souvent, on trouve que c’est l’entraîneur ou les joueurs qui ne sont pas bons ; mais on ne se remet jamais soi-même en cause, c’est dommage.

Libreinfo.net : Pensez-vous que cela peut changer un jour ?

Kamou Malo : Naturellement ! Il faut bien que ça change. C’est à nous tous de travailler pour le changement, même la presse. Ne vous fatiguez pas de dénoncer ces cas. Surtout quand c’est financé par l’État, ce n’est pas normal que cet argent ne se retrouve pas dans les poches des joueurs. On doit savoir où va l’argent, et s’il y a des fautifs il faut les sanctionner. Il ne faut pas qu’on cri tous les jours qu’il faut qu’on change; les gouvernants doivent aussi changer la mentalité du football burkinabè.

Libreinfo.net : Selon certaines informations au ministère des Sports, on parle de « restrictions budgétaires ». Les clubs burkinabè n’auront que la prise en charge des billets d’avion. Comment accueillez-vous la nouvelle ?

Kamou Malo : J’accueille la nouvelle avec beaucoup de tristesse. Je disais tantôt que notre football est un éternel assisté. Pour moi, cela ne m’étonne pas, car un jour cette décision allait forcément tomber.

Je trouve que c’est le timing qui est défaillant dans la mesure où c’est à la veille des départs des équipes que la nouvelle tombe. Jusqu’à l’heure où je vous parle (jeudi 17 août ndlr) , moi je n’ai pas une version officielle de ma direction qui évoque cette restriction.

Mais je me prépare activement à aller jouer mon match à l’extérieur. Je pense que cela doit interpeller nos clubs à aller chercher le financement ailleurs que d’être des éternels assistés.

C’est mon point de vue, et je pense que ça va faire réfléchir beaucoup nos dirigeants. Et les gens vont réfléchir par deux fois avant de venir dans la gestion de nos équipes.

Je dois le dire et je le répète encore : beaucoup viennent tout en pensant secrètement qu’à partir du football ils pourront s’enrichir. Non, ici on vient au football pour créer de la richesse et pas simplement pour prendre. Car pour que ça produise de l’argent, il faut par exemple, que nous arrivions à nous qualifier pour les phases de groupe, c’est cette qualification qui apporte une plus value. Et pour parvenir à ce stade, il faut créer un environnement propice. Pour moi, on a un peu mal à notre gouvernance simplement.

Libreinfo.net : Comment trouvez-vous votre adversaire, l’AS Garde du Niger ?

Kamou Malo : L’AS Garde est une équipe que nous connaissons très bien. Elle est habituée à cette compétition par rapport à l’AS Douanes. Elle est pratiquement chaque fois championne du Niger mais je me dis qu’aux âmes bien nées, la valeur n’attend point le nombre des années.

Nous sommes confiants dans notre préparation. Nous savons que L’AS Garde n’est pas une équipe hors de notre portée. Quand on part en compétition, c’est pour gagner, c’est pas pour perdre et revenir. Nous partons avec pour ambition de nous qualifier.

Libreinfo.net : Est ce que Kamou Malou a reçu des offres de clubs extérieurs cette année ?

Kamou Malo : J’ai paraphé un contrat de deux ans avec l’AS Douanes. Je suis dans ma deuxième année justement. Là, j’ai débuté un projet ; ce n’est pas un projet qu’il faut laisser en plein chantier pour aller se retrouver ailleurs. Sinon, l’année passée j’ai eu des offres mais je n’ai pas voulu partir car j’avais déjà pris langue avec l’AS Douanes.

Ce n’est pas tout le monde qui ira chercher ailleurs, il faut des Burkinabè pour construire le football burkinabè. Si ma présence dans le championnat peut être une plus value, pourquoi pas ?

Libreinfo.net : Sauf que vous n’êtes pas à votre première fois. Vous avez déjà entraîné d’autres équipes burkinabè comme le RCK avant d’aller à l’équipe nationale. Est-ce-que qu’il n’est pas temps pour vous d’aller acquérir de l’expérience hors du pays ?

Kamou Malo : Oui, quand on est à ce niveau, il y a des moment où on se dit que ça devient lassant, c’est toujours la même chose et on a besoin d’aller voir ailleurs. Mais chaque chose en son temps et le moment venu.

Libreinfo.net : Vous louez les stades pour jouer à l’extérieur, pour les entraînements également. Que dites-vous concernant la réhabilitation du Stade du 4-Août ?

Kamou Malo : Les politiques sont là dessus, beaucoup de ministres se sont succédé mais le Stade du 4-août est toujours attendu. L’un dans l’autre, il y a la promesse ferme qui a été faite que le terrain sera livré incessamment.

Nous attendons comme tous les Burkinabè. Surtout nous les acteurs du football en premier, nous sommes pressés de montrer à notre public sportif que nous savons aussi jouer au ballon mais on a besoin d’infrastructures.

Libreinfo.net : On a vu votre performance exceptionnelle à la Coupe d’Afrique des Nations (CAN) au Cameroun. La prochaine CAN, c’est en Côte d’Ivoire. Est-ce-que Kamou Malo a la nostalgie de la CAN ?

Kamou Malo : Oui, car je suis un compétiteur. J’aurai aimé vivre ma deuxième expérience. J’ai commis des erreurs pour ma première expérience, j’aurai aimé être de cette aventure peut-être pour corriger ce que j’ai eu comme défaillances.

Mais à l’impossible nul n’est tenu. Tout le mal que je souhaite à notre équipe, c’est qu’elle aille au bout, afin de nous ramener le trophée continental qui nous manque. Même si je ne pars pas en tant qu’acteur, je ferai tout pour être à Abidjan pour témoigner de mon soutien aux Etalons.

Libreinfo.net : En toute humilité, vous reconnaissez que vous avez commis des erreurs. Pour vous quelles sont les erreurs qui vous restent à l’esprit ?

Kamou Malo : Quant vous partez pour une première fois à une compétition de haut niveau, elle se joue souvent dans les détails. Je ne garde pas en souvenir le match de classement. C’est quelque chose qui peut arriver à tout moment dans la vie.

A cette compétition, je garde le match de demi-finale ou cela se joue à un cheveu, à de petits détails. Quand on est revenu à 2-1 contre le Sénégal on a encaissé un but gag, un troisième but qui nous a éliminés.

Que ce soit moi où les joueurs qui étaient sur le terrain, beaucoup étaient à leur première CAN. C’est cette expérience qui nous a manqué. Quand je parle d’erreurs ce n’est pas que nous avons commis des gaffes, non, loin s’en faut.

Kamou Malo ne se reproche rien dans la gestion du groupe même si des gens se sont livré à des mensonges. Je veux oublier cette parenthèse et repartir de plus belle : et ne retenir que ce qui est intéressant.

Ce qui a été intéressant dans cette coupe d’Afrique, c’est la vie que j’ai mené avec les garçons, qui à leur tour ont tout donné pour atteindre un certain niveau. Quand on partait à cette CAN personne ne pensait que le Burkina allait franchir le premier tour.

Je suis heureux aujourd’hui d’avoir donné cette envie, d’avoir aiguisé l’appétit des supporters. C’est normal, quand on gagne on veut davantage et pour cela j’ai compris le public.

Voilà pourquoi quand je suis arrivé, j’ai dit au public burkinabè, je vous ai compris, je vous demande pardon. J’ai fait ma part. L’histoire retiendra qu’un jour Kamou Malo a été sélectionneur et a atteint ce niveau. D’autres personnes prendront la relève.

Libreinfo.net: Est-ce-que vous pensez que dans l’équipe nationale, on a actuellement cette expérience qui manquait à certains joueurs pour aller titiller les grands de l’Afrique ?

Kamou Malo: Ecoutez! Ne me faites pas dire des choses. Quand on change Kamou Malo parce que simplement peut-être, il m’a manqué cette experience, on a amené d’autres personnes beaucoup plus chevronnées que moi. Je suppose que ces imperfections seront corrigées. C’est tout ce qu’on souhaite à l’équipe nationale.

Libreinfo.net: Est-ce-que vous seriez prêt à prendre l’équipe nationale si on venait vous la proposer pour la CAN ?

Kamou Malo : (Rire) Je ne vais pas tomber dans ce piège. J’ai un match dans une semaine avec l’AS Douanes, c’est ce qui me préoccupe.

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