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[Entretien] décryptage de la situation sécuritaire après les 100 jours au pouvoir du capitaine Ibrahim Traoré (avec Mahamoudou Savadogo)

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Le 30 septembre 2022, le capitaine Ibrahim Traoré prenait le pouvoir d’Etat à travers un coup d’Etat au Burkina. Il s’était alors donné comme objectif principal la reconquête du territoire national assailli de toute part par des groupes armés terroristes. 100 jours après cette prise de pouvoir Libreinfo.net donne la parole à l’expert en sécurité M. Mahamoudou Savadogo qui, dans l’entretien suivant, fait une analyse de l’évolution de la lutte pour la survie de l’Etat burkinabè.

Propos recueillis par Adrien Djiguemdé

Libreinfo.net : L’argument avancé par le capitaine Ibrahim Traoré lors de sa prise du pouvoir le 30 septembre 2022 à été la lutte contre le terrorisme. 3 mois après, quelle analyse faites-vous de la situation sécuritaire du pays ?

M. Savadogo : La situation sécuritaire, de façon générale, continue à se dégrader. Moi, je considère l’année entière des deux militaires (ndlr : Lt-Col Paul-Henri Damiba et Cpt. Ibrahim Traoré).

On peut dire que la situation s’est dégradée plus que sur le magistère du président Roch Marc Christian Kaboré. Dans certaines régions, nous sommes passés du simple au double. D’autres régions qui n’étaient pas touchées ont été atteintes : je prends l’exemple de la région du Centre-Ouest où on n’avait pas connu d’incident ; je prends la région du Centre-Nord où l’axe Kaya-Dori était encore fréquentable en 2021.

Aujourd’hui, cet axe n’est pratiquement plus fréquentable. Et aussi la partie ouest du pays qui n’était pas touchée qui est en train de basculer. On voit clairement que, de façon globale, la situation continue de se dégrader.

Libreinfo.net : En matière de lutte contre le terrorisme, est-ce qu’on peut affirmer qu’il y a eu des avancées au cours des cent (100) premiers jours de pouvoir du capitaine Ibrahim Traoré ?

M. Savadogo : Oui, on peut dire qu’il y a eu des avancées qu’on peut mettre sur le compte du capitaine IB (Ndlr : Capitaine Ibrahim Traoré).

La première avancée, c’est d’abord la volonté affichée de trouver des réponses aux préoccupations. Là, on voit clairement cette volonté apparaître. Ce n’est pas comme sous les autres régimes où on sentait des hésitations et où on ne voyait pas d’actions.

Ensuite, il y a le fait qu’il y ait eu un revirement de la situation sur la tactique. Aujourd’hui, les Forces de Défense et de Sécurité (FDS) ont l’initiative du combat ; ils engagent le combat, ils n’attendent pas de subir le combat.

On constate aussi qu’au sein de l’armée, il y a un engagement des hommes qui combattent : il y a plus de volonté aussi au niveau des hommes. Puisqu’il y a la volonté au niveau de la tête, cela se répercute au niveau des hommes du rang (Ndlr : les FDS engagées au front).
Il y a aussi la réorganisation même de l’appareil de défense.

À ce niveau il y a deux volets. Il y a, d’abord, une réorganisation du maillage sécuritaire, qui fait qu’on est passé de trois à six régions militaires et de gendarmerie plus deux bases aériennes ; ensuite, au niveau aussi du commandement, vous avez le Commandement des Opérations du Théâtre National (COTN) qui a été redimensionné.

Avant (Ndlr : sous le régime du Lt Col Paul-Henri Damiba) il y avait un lien seulement fonctionnel entre le Commandant du COTN et le chef d’état-major général des armées. Mais aujourd’hui, il y a un lien fonctionnel et hiérarchique.

Cela veut dire qu’on avait un état-major bicéphale, aujourd’hui on a un état-major uni. Il y a une unité de commandement qui fait que les actions sont beaucoup plus faciles à mener.

Même sur le terrain vous avez vu qu’on a créé des Groupements de Forces. C’est une manière d’unir le commandement et de ne pas le rendre éparse. Cela fait que les ordres vont aller très vite, et aussi le commandement devient plus proche de la troupe qu’il commande.

Enfin, il y a la question des 50 000 Volontaires pour la Défense de la Patrie (VDP) engagés dans la lutte contre le terrorisme. Ces derniers vont venir en appui aux FDS. Tout cela est à mettre à l’actif du capitaine Ibrahim Traoré. Mais sur la question de ces 50 000 VDP, je reste quand même assez mitigé.

Libreinfo.net : Justement, dans vos sorties médiatiques vous êtes toujours dubitatif quant à cette question de recrutement massif de VDP initié par le capitaine Ibrahim Traoré ; qu’est-ce qui explique votre position ?

M. Savadogo : Pour moi, lorsqu’on met en place une solution, il ne faut pas que cette solution soit un problème dans le futur. Et lorsqu’on met en place une solution, il faut que le contexte s’y prête.

Les questions que je me pose sont : est-ce qu’aujourd’hui le Burkina Faso est un peuple ? Est-ce que nous sommes unis ? Est-ce que nous formons un bloc ? Est-ce que nous avons les mêmes intérêts ? Est-ce que nous convergeons vers les mêmes objectifs ?

Parce que lorsque vous décidez d’armer les populations, lorsque vous décidez d’armer les communautés, il faut s’assurer que ces communautés ne se regardent pas en chiens de faïence. Il faut s’assurer que ces communauté n’ont pas de compte à se régler. Est-ce qu’on a pris le soin d’étudier le cas ?

Est-ce qu’il ne faut pas, dans les communautés où il existe déjà des tensions, éviter de donner des armes à l’une ou l’autre communauté ? On a des zones où la tension est claire. Donc si vous décidez d’armer ces deux communautés, ça veut dire qu’à la moindre étincelle, ce sera un drame. On a plusieurs exemples, le dernier c’est Nouna.

Ensuite, il y a le nombre. Est-ce qu’on a besoin de 50 000 VDP qui représentent le double des l’effectifs de l’armée ? Nous sommes dans un pays où l’effectif des supplétifs dépasse celui de l’armée ; je me demande si ce n’est pas l’armée qui est devenue supplétif des VDP. La question qui se pose : s’ils décident de se rebeller on fait quoi ? C’est tout cela qu’il faut mettre sur la table.

Est-ce qu’il ne fallait pas aller étape par étape ? Des deux (2) ans des VDP sous Rock, quelles conséquences on en a tirées ? Qui a fait un bilan ? Qui a dit que c’était bon ou pas bon ? Personne !

Avec ses VDP je crains qu’en déversant beaucoup d’armes, on ait à lutter contre la criminalité, le terrorisme et qu’en plus de cela, on bascule dans la guerre civile.

Sans oublier la question religieuse. Vous êtes journaliste, vous savez que, de plus en plus, la question religieuse est en train de remonter à la surface.

Libreinfo.net : En plus de cette question de recrutement des VDP, est-ce que d’autres actions ou absences d’actions du capitaine Ibrahim Traoré peuvent être citées comme écarts au cours de cette période ?

M. Savadogo : Au niveau de la gouvernance sécuritaire, je pense qu’on n’a pas encore enclenché la lutte contre la mal gouvernance au sein de l’appareil sécuritaire et de l’appareil de défense. Parce que, pour moi, l’une des clés pour atteindre les objectifs c’est de faire « tolérance zéro » face à la mal gouvernance et à la corruption.

Si ce gouvernement avait montré des pistes de bonne volonté de lutter contre la mal gouvernance et la corruption, notamment sur le ravitaillement des groupes armées terroristes, et la motivation des hommes sur le terrain, les choses allaient changer.
Est-ce que vous savez que ce sont des Burkinabè qui ravitaillent les groupes armés terroristes ?

Est-ce que vous savez que les groupes armés terroristes vendent de l’or et de la drogue à des Burkinabè ?
Mais ce sont des agents de l’État qui sont chargés de surveiller les frontières.

Libreinfo.net : Donc on peut insinuer qu’il y a des complicités au sein de l’armée ?

M. Savadogo : Ce ne sont même pas des complicités ; c’est pire que cela. Ce n’est même pas une complicité parce que ces pratiques ont toujours existé. Le racket au niveau des postes frontaliers a toujours existé. Il va falloir, au niveau des agents de l’administration et des FDS, reformater les manières.

Pour moi, la mal gouvernance doit être le cheval de bataille. Si on arrive à lutter contre la mal gouvernance, je suis convaincu qu’on aura déjà réussi à combattre le terrorisme à 40%.

Il est impensable que les gens soient sur le terrain et qu’ils n’aient pas à manger, qu’ils n’aient pas les armes nécessaires, qu’il n’y ait pas d’avions. Alors qu’il y a plus de 1000 milliards de F. CFA qui ont été déversés pour que cela puisse se faire.

Pour moi, il doit s’attaquer à la mal gouvernance le plus rapidement possible.

Libreinfo.net : Le capitaine Ibrahima Traoré a déjà donné carte blanche à l’Autorité Supérieure de Contrôle d’Etat et de Lutte contre la Corruption (ASCE/LC) de procéder à l’audit de l’armée. Est-ce que vous croyez en ce processus que veut entamer l’ASCE/LC ?

M. Savadogo : Pour moi cet audit représente un brin d’espoir, si toutefois ça va jusqu’au bout. Mais, pour le moment, je reste encore sceptique parce que déjà au sein de l’armée, il y a une fracture il faut le reconnaître.

Pour qu’un capitaine puisse prendre le pouvoir, ça veut dire qu’en haut ils ne se sont pas entendus. Alors que ce sont eux qui avaient la gestion de la chose.

Est-ce qu’en mettant le doigt sur la plaie, ça ne va pas créer encore une grosse rupture ? Voilà pourquoi je dis que je suis sceptique quant aux résultats. Mais l’intention est vraiment très bonne.

Libreinfo.net : Depuis quelques mois la région du Centre-Ouest est harcelée par les groupes armés terroristes. Comment peut- on expliquer cela ?

M. Savadogo : L’un des handicaps du Burkina, depuis le début, c’est le manque de stratégies.
Et, malheureusement, le capitaine Traoré ne vient pas combler ce handicap. Il est plus dans l’opérationnel, dans la tactique et il l’a dit.

S’il y avait la stratégie, on allait se rendre compte qu’en allant rapidement à Solenzo, dans la Boucle du Mouhoun, on découvrait nos arrières.

Libreinfo.net : Le capitaine Ibrahim Traoré a parlé de tactique et la stratégie. Pour nos lecteurs qui ne sont pas familiers aux concepts militaires, quelle est la différence selon vous ?

M. Savadogo : La stratégie implique qu’on mette en œuvre des plans qui prennent en compte toutes les dimensions : économique, militaire, social, coutumière pour trouver réponse à un problème.

Alors que la tactique est opérationnelle. C’est-à-dire comment est-ce que je déploie les hommes, combien d’hommes je déploie, etc. Je prends l’exemple de Solenzo. La question stratégique qu’on devait se poser avant d’arriver à Solenzo, c’est pourquoi avons-nous choisi Solenzo ?

capitaine Ibrahim Traoré
Le chef de l’Etat, le capitaine Ibrahim Traoré

La stratégie va te dire qu’il y a le haut-commissariat qui a été pris, c’est le seul chef-lieu de province qui a été pris par les terroristes, c’est un symbole donc il faut automatiquement et forcément que nous le reprenons pour raviver la flamme des hommes.

La stratégie va demander aussi, quel sera l’effet de la reconquête de Solenzo sur la suite de la lutte ? Est-ce que ça nous arrangerait de mettre tous nos efforts pour un symbole ?

La stratégie va te dire, non. On peut même laisser tomber Solenzo. On peut faire ce choix douloureux et s’intéresser à une autre région.

Libreinfo.net : Est-ce donc à dire que c’est cette absence de stratégie qui a causé la ruée des terroristes vers la région du Centre-Ouest ?

M. Savadogo : Exactement ; je vous explique. Lorsqu’on est allé très rapidement dans la région de la Boucle du Mouhoun, à Solenzo, on a découvert nos arrières.

En tapant là-bas, nous avons pensé qu’ils (Ndlr : les terroristes) allaient aller au Mali ou qu’il allait y avoir des combats. Non, qu’est-ce qu’ils ont fait ? Ils nous ont laissé aller et ils sont revenus derrière nous tout simplement. Puisque, quand vous prenez la carte du Burkina Faso, la région du Centre-Ouest est derrière.

Ils ont utilisé la géographie, ils ont utilisé les forêts pour contourner pour revenir derrière nous. Aujourd’hui la région du Centre-Ouest est victime du succès dans la province des Banwa. Vous êtes d’accord que les militaires ne peuvent pas être partout à la fois.

Ils savent que les FDS sont occupés en haut, donc eux, les terroristes, ils descendent. Il y a même Dédougou, Nouna, Tougan qui sont aujourd’hui attaqués.

Dans ce cas, la stratégie allait dire, mais quelle est la plus-value ? Vaut-il mieux conserver le Centre-Ouest et avancer jusqu’à nos frontières ou faut-il commencer par la frontière pour avancer vers l’intérieur au risque de pousser l’ennemi vers la capitale ?

Qu’est-ce qu’il fallait faire ? Il fallait aller lentement. La stratégie va te dire que si nous allons très vite, nous allons commettre beaucoup d’erreurs ; et ce sont ses erreurs qui font qu’aujourd’hui on se retrouve pris à revers.

Vous avez vu le communiqué du gouverneur de la région du Centre-Ouest qui demande aux orpailleurs de quitter les forêts parce qu’il y aura des opérations.

Vous voyez qu’on mène des opérations en haut (Ndlr : dans la région de la Boucle du Mouhoun) pour revenir mener des opérations en bas (Ndlr : région du Centre-Ouest). Alors qu’on aurait dû tout rafler pour monter. Il y a problème. Il y a un manque de vision et de stratégie.

Libreinfo.net : Comment l’armée peut-elle arriver à stopper l’avancée de terroristes au niveau de cette région du Centre-Ouest ?

M. Savadogo : Alors, il va falloir avoir ce qu’on appelle une ligne rouge que l’armée va se donner et dire qu’à partir de là nous allons remonter. Mais, pour cela, il va falloir que nous ayons une armée unie, une armée soudée. Il va falloir que nous ayons une armée qui a pour seul but la reconquête du territoire.

Actuellement, nous avons une armée divisée puisqu’il y a des velléités de coup d’État chaque jour. Toute l’attention de l’armée n’est pas braquée sur la lutte contre le terrorisme. Voilà un des handicaps que nous avons.

Ensuite, il va falloir que nous y allions doucement. En allant très vite, on fait beaucoup d’erreurs. Il faut aller étape par étape, hameau de culture par hameau de culture pour pouvoir débarrasser la région du Centre-Ouest de ces terroristes. Parce qu’il y a des mines que les terroristes posent. Et il est difficile de déminer toute une zone.

Mais c’est le populisme qui fait que la tactique devient la stratégie. Si on ne fait pas la politique, normalement ça devrait aller. Mais, malheureusement, il y a tous ces enjeux qui sont mis dans le plat qui font qu’il y a beaucoup de handicaps sur l’armée.

Libreinfo.net : Comment les autorités peuvent-elles accélérer la lutte antiterroriste de manière globale ?

M. Savadogo : Est-ce que les autorités ont compris la dynamique ? Est-ce qu’elles ont compris pourquoi des Burkinabè prennent des armes contre des Burkinabè ? Est-ce qu’elles ont fait un diagnostic ? C’est là la vraie question. Moi, je ne crois pas.

Si on avait fait un diagnostic, on n’aurait pas accusé les Peuhls d’être des terroristes. Ce qui est complexe dans cette affaire, c’est que chaque région a, malheureusement, sa propre dynamique.

Ce ne sont pas les mêmes causes qui ont provoqué le basculement dans toutes les régions. Cela veut dire que le « tout sécuritaire » dans toutes les régions n’est pas la réponse.

Il y a des régions où l’on n’a pas besoin de faire crépiter une arme pour amener la sécurité. Parce que c’est le comportement de l’administration, c’est le comportement des agents de l’État, c’est le comportement des FDS, qui ont poussé les populations du côté des groupes armés terroristes.

Et la lutte n’est pas seulement entre les mains des militaires. C’est toute l’administration. Par exemple, à Solenzo, si l’administration n’y retourne pas, c’est inutile ce que l’armée a fait comme travail.

Mais il faut une autre forme d’administration ; ce n’est pas cette même administration cupide qui rackette les populations, non !

Il faut une administration au service des populations. Il faut aussi des FDS qui soient au service des populations. C’est ce paradigme qui a changé, mais on ne l’a pas encore compris.

Les populations ne se laissent plus faire parce qu’on a mis à leur disposition des objets de la violence. Avant, elles acceptaient d’être victimes, mais maintenant elles n’acceptent plus.

La donne a changé, si on se comporte comme cela elles vont se rebeller. Il y a des zones où on a qualifié le terrorisme d’insurrection armée locale ; une insurrection des populations contre le pouvoir central.

Pour revenir à votre question, comprenez que ce n’est pas l’armée seule. Toutes les composantes de l’administration doivent se mettre en branle. La lutte contre le terrorisme doit se faire province par province, région par région.

Libreinfo.net : Lors de son adresse à la nation à l’occasion du Nouvel an, depuis Solenzo, le chef de l’État, le capitaine Ibrahim Traoré a rappelé qu’une réorganisation est déjà enclenchée au sein de l’armée et se poursuivra. Comment voyez-vous cette réorganisation ?

M. Savadogo : Cette réorganisation qu’on a mise en place, il y a les VDP, les Brigades d’Intervention Rapide (BIR), et aussi les composantes de l’armée qu’il va falloir redimensionner.

Mais comme je l’ai dit, ce n’est pas la seule réponse à la crise. Toutefois, il faut reconnaître que cette réorganisation était nécessaire et elle est même judicieuse, parce que la configuration qu’on avait n’était pas adaptée à la menace.

Il est courageux d’avoir osé refaire le maillage et de revoir comment est-ce que on peut avoir une unicité de commandement. Pour moi, cette réorganisation est vraiment très bonne et elle est à encourager.

Libreinfo.net : La diversification des partenaires est évoquée régulièrement depuis que le capitaine Traoré est au pouvoir et même avant. Pensez-vous que cela soit vraiment nécessaire ?

M. Savadogo : Effectivement les événements ont tendance à nous donner raison ; de plus en plus, le Burkina est en train de tendre vers la Russie. La preuve, le Premier ministre a effectué une visite en Russie.

On a, de plus en plus, des vagues d’avions qui viennent de la Russie, on a des équipements qui arrivent, c’est bien et c’est beau.

Mais, peut-être il y a une ligne qu’on ne doit pas franchir. C’est de faire appel à Wagner (Ndlr : société privée de sécurité russe).

Nous, nous avons déjà résolu ce problème en optant pour les VDP. Si on veut copier le Mali, il faut savoir le faire. Le Mali n’a pas de VDP ; ils ont choisi Wagner pour les appuyer. Nous, nous avons les VDP.

On ne peut donc pas en plus des VDP ajouter les hommes de Wagner, ça va être infernal, ça va être incontrôlable.

La solution malienne n’est même pas forcément la bonne. Le Mali ne s’en sort pas plus que le Burkina. La situation continue de s’y dégrader avec des exactions des agents de Wagner et autres.

Donc, pour moi, il va falloir faire très attention, être raisonnable dans la prise de décision ; surtout quant au choix de partenaires. De toute façon, tout partenaire doit jouer son rôle, il n’y aura pas de partenaire qui vienne pour nos beaux yeux, c’est forcément pour ses intérêts.

Encore une fois, je crains que cette question de diversification de partenaires ne soit du populisme. Parce que cette diversité, on l’avait, cette liberté de nouer des liens avec des partenaires, on l’avait.

Maintenant, ce qu’on doit exiger de nos partenaires, c’est de leur dire ce que nous voulons. Avant, on attendait que les partenaires nous disent : « nous voulons ci, ça de vous. »

Si nous voulons prendre notre souveraineté en mains, c’est à nous de dire ce que nous voulons à nos partenaires. S’ils sont d’accord, ils adhèrent, s’ils ne sont pas d’accord, on passe à autre chose.

Libreinfo.net : Un autre point qui vous tient à cœur pour terminer cet entretien sur les 100 jours du pouvoir du capitaine Ibrahim Traoré ?

M. Savadogo : L’élément que je voudrais évoquer, c’est la question des tensions communautaires, la question de la stigmatisation et la question religieuse.

Il faut que le Burkina se ressaisisse pendant qu’il est encore temps. Pendant longtemps le Burkina a été un exemple de cohésion sociale, un exemple de dialogue interreligieux. Donc il n’y a pas de raison qui puisse justifier que le Burkina tombe dans une guerre religieuse ou dans une guerre intercommunautaire.

Ma sonnette d’alarme est que toutes les communautés, doivent faire passer des messages pour que nous puissions nous unir pour combattre le terrorisme.

Et l’État aussi doit jouer son plus grand rôle en empêchant la stigmatisation et en empêchant qu’une partie de sa communauté bascule de l’autre côté.

Aujourd’hui, nous avons besoin de tout le monde. Le terrorisme n’a pas de visage. Le terrorisme a un comportement, des paroles, mais le terrorisme n’a pas de visage. Si nous n’y prenons garde, nous risquons de basculer.

Cela a déjà commencé dans nos grandes villes où, de plus en plus, on voit des gens qui sont radicalisés, des gens qui sont très violents envers d’autres personnes ; c’est cela la radicalisation et c’est ça le terrorisme. Et cette radicalisation risque de quitter les villes pour les campagnes, ce qui est très dangereux.

Lire aussi: Burkina : 100 jours de gestion du pouvoir par le capitaine Traoré, ce qu’en pensent des acteurs de la société civile

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