Sidi Lamine Oumar, sociologue malien de 31 ans, à la barre de la chambre de première instance du Tribunal militaire de Ouagadougou, le 30 octobre 2018. Il aurait pris activement part au putsch manqué du 16 septembre 2015, selon le parquet. Mais il dit n’avoir rien joué dans ce putsch et que les procès-verbaux ont été dressés contre lui, juste pour le charger, s’est-il défendu. Sa deuxième audition se poursuivait ce vendredi 2 novembre 2018, au tribunal militaire de Ouagadougou.
Accusé des faits d’« incitation à la commission de l’infraction d’attentat à la sûreté de l’Etat », Sidi Lamine Oumar a assisté à la retranscription des communications entre le général Gilbert Diendéré et lui, présentée par le tribunal.
Durant 3h, le parquet militaire a présenté à l’accusé, la substance de ses messages échangés avec le Général Gilbert Diendéré lors du putsch manqué. Selon le parquet, l’inculpé a envoyé ces messages suivants dits de soutien au Général Gilbert Dienderé : « vous allez gagner inch’Allah ! Nous avons des hommes à la frontière, la situation va changer d’ici là » Il va plus loin en affirmant dans une autre communication « je suis prêt à mourir pour vous mon Général ». Sur ce dernier message du prévenu au général Gilbert Dienderé, Sidi Lamine Oumar réagit en ces termes « j’ai juste fait cette déclaration pour exprimer mon amitié au General, c’était juste ça ». Et il ajoute que chez eux les arabes, le fait de dire que je suis prêt à mourir pour toi, est une façon de témoigner de son affection et son amitié pour la personne. Quant au fait qu’il ait suggéré au général Dienderé de motiver le RSP à tenir bon, et de ne pas déposer les armes et qu’il serait prêt à leur prêter main forte, Sidi Lamine Oumar nie ces faits et accuse les enquêteurs de manœuvre de certains de ses propos pour l’intenter. Mais pour le parquet, l’accusé a apporté clairement son soutien au général Gilbert Diendéré, dans le but d’avoir la nationalité burkinabé et d’empocher quelques billets de banque. Car poursuit le parquet, bien avant le putsch, l’accusé aurait entamé des démarches pour avoir la nationalité burkinabé. Il a même signé des procès-verbaux à la gendarmerie qui confirme le fait selon le parquet. Mais Sidi Lamine Oumar reste droit dans ses bottes et affirme qu’il ne reconnaît pas avoir émis ces propos devant les gendarmes. Néanmoins, il reconnaît avoir signé les procès-verbaux à la gendarmerie. Il dit l’avoir fait parce qu’il pensait qu’il allait être libéré.
Maître Hervé Kam de la partie civile, dans la même logique que le parquet militaire, dit ne pas comprendre pourquoi l’accusé a signé les procès-verbaux sans prendre le soin de les lire. Il demandera à Sidi Lamine Oumar ce qu’il aurait fait, si dans les documents qu’il a signés, on lui avait attribué des propos très graves. L’accusé rétorque que même le plus grand savant du monde cède devant l’espoir. Il réaffirme avoir signé ces procès-verbaux en espérant être libéré.
Pour la partie civile, Sidi Lamine Oumar reconnaît seulement les déclarations qui l’arrangent. Et quand ça ne l’arrange pas, il incrimine les enquêteurs.
Mais est ce qu’aujourd’hui vous regrettez ces propos ? Lui demande le parquet. « Bien sûr ! Si je savais que ça pouvait m’amener devant un tribunal, je ne l’aurai pas fait comme ça » répond Sidi Oumar Lamine.
Toujours dans le souci de convaincre le tribunal sur la culpabilité de l’incriminé, le parquet divulgue une partie des appels interceptés entre Sidi Lamine Oumar et le général Gilbert Dienderé. Des audios qui font état d’une proposition d’envoi de troupe par Sidi Lamine Omar pour soutenir le putsch. L’accusé réfute en bloc la crédibilité de ces enregistrements sonores qu’il qualifie de montage, même s’il y reconnait sa voix. Le parquet promet d’exposer tous ces éléments de preuves devant le tribunal au moment venu.
Maître Michel Traoré du conseil de l’accusé, s’étonne du fait que l’on a pu penser qu’un seul sociologue puisse avoir des troupes à envoyer à un général, avant d’ajouter « en venant ici, nous avons pensé qu’il y avait des preuves tangibles contre Sidi Lamine Oumar. Mais à l’analyse, l’accusation est fondée sur des supputations et c’est grave » déclare-t-il.
Et quand la partie civile a voulu savoir en quelle qualité l’accusé résidait au Burkina Faso depuis octobre 2013,Sidi Lamine Oumar, dit qu’il y résidait en qualité de représentant de la Coalition du mouvement des Arabes de l’Azawad. Ce titre, la partie civile l’a contesté. Pour elle, l’inculpé est au Burkina Faso pour ses propres affaires.
Chose qui amène la partie défense a présenté des documents pour prouver la qualité de l’accusé. Pour le premier document, le parquet dira que c’est une lettre de résiliation de son bail sans aucune précision du titre de représentant d’un quelconque mouvement.
Le deuxième document est une lettre du mouvement de l’Azawad adressée aux autorités militaires, administratives et judiciaires du Burkina. Mais il ne contient pas de cachet. Et la partie civile et le parquet en ont douté de sa fiabilité.
Mais pour le conseil de l’accusé, ces preuves sont suffisantes et aucun fait n’est lié à l’incitation à commettre un attentat à la sûreté de l’Etat. Car, les supposées conversations téléphoniques ont eu lieu bien après le coup d’Etat.
L’interrogatoire de Sidi Lamine Oumar s’est achevée ce vendredi 02 novembre 2018. L’audience reprend le lundi 5 novembre 2018 avec l’audition du commandant Aziz Korogo à 9h au tribunal militaire de Ouagadougou.
Siébou KANSIE
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