Le général de Gendarmerie Djibril Yipinè Bassolé est appelé à la barre ce mercredi 19 décembre 2018, pour répondre des faits de complicité d’attentat à la sûreté de l’Etat, meurtre, coups et blessures volontaires et trahison. Comme l’on s’y attendait, le refrain a été repris. « Je ne reconnais pas les faits, je plaide non coupable », a répondu le général à la question du procureur « reconnaissez-vous ces faits qui vous sont reprochés ? ».
Vêtu d’un Boubou blanc et en posture assise devant le tribunal, M. Bassolé était prêt pour s’expliquer sur les faits qui l’incriminent. Le tribunal attendait impatiemment sa déposition. Mais cela n’aura pas lieu. Sa défense a informé le tribunal aussitôt après avoir plaidé non coupable, d’une requête pour faux introduite au parquet. En effet, la défense estime que le rapport de l’expert sur les écoutes téléphoniques entre leur client et Guillaume Soro, a été tripatouillé. « L’expert a manqué de sérieux et on doute de la qualité du document produit », a expliqué Me Boukoungou. Pour la défense, Hermann Kunzel, l’expert allemand a démissionné en cours de travail, suite à une pression de son pays pour protéger les relations diplomatiques entre le Burkina et l’Allemagne.
Nonobstant cet abandon officiel notifié par une lettre, l’expert a continué quand même à travailler, et a rendu les conclusions de ses travaux le 5 décembre 2016 au juge d’instruction, François Yaméogo. Pour Me Bonkoungou, M. Kunzel qui a démissionné n’avait plus de base légale pour poursuivre le même travail. Et s’il devait poursuivre de nouveau le travail, une motion devait le lui permettre, pour qu’il prête de nouveau serment. Mais cela n’a pas été le cas. Il a poursuivi son travail comme si de rien n’était. C’est la procédure de cet expert qui est décriée par la défense.
Pour la partie civile qui dit avoir pris connaissance dudit document argué de faux ce 19 décembre, jour de l’audition de Djibril Bassolé, a demandé une suspension de 30 minutes pour prendre connaissance du fond du dossier.
A la reprise de l’audience, une situation inattendue s’est produite. Le général qui a rejoint la barre demande la parole et dit ceci : « c’est vrai, je suis un profane dans la procédure judiciaire. Mais je voudrais commencer immédiatement les débats. On pourrait revenir sur la pièce à problème ». Cette déclaration a surpris plus d’un. Pendant que les débats se mènent sur une pièce protestée de son dossier, lui, le concerné veut commencer immédiatement les discussions. Est-ce à dire que le général et sa défense ne dansent pas au son de la même musique ? Ou c’est une tactique de défense ? Ces questions, beaucoup de gens les ont posées dans la salle.
Contradiction flagrante entre la volonté de Djibril Bassolé et celle de ses avocats
Mais pourquoi c’est à la veille de l’interrogatoire de « Djibril Bassolé que la défense dépose sa plainte ? », se demande le parquet. Pour lui, l’intention des avocats de la défense est claire « ils veulent que leur client ne soit pas jugé, raison pour laquelle ils brandissent des pièces arguées de faux pour que le tribunal prononce l’arrêt de renvoi. Ces pièces qui font débats avaient été suffisamment débattues à la cour de la chambre de contrôle et une décision avait été prise. Pourquoi revenir sur ces mêmes éléments si l’intention n’est pas de retarder la suite du procès ? », s’interroge le ministère public. Et la défense de préciser, qu’elle est dans la légalité et qu’elle n’avait aucune intention d’arrêter le cours des choses. Pour elle, le parquet flatte le peuple en lui faisant croire que le dossier est propre et que c’est la défense, de mauvaise foi, empêche le déroulement du procès.
Mais quelle est le fond du problème se demande Me Prosper Farama, pour qu’il y ait une contradiction aussi flagrante entre la volonté de Djibril Bassolé et celle de ses avocats ? Pour cet avocat de la partie civile, une défense doit toujours harmoniser les lignes de défense avec le client. Pourquoi cela n’a pas été le cas avec M. Bassolé et ses avocats ? L’on ne saurait réponse. La défense notera qu’il n’y a aucune contradiction entre la poursuite des débats souhaitée par leur client et leur acte formel de requête sur les actes de faux introduit à la juridiction compétente.
Tant d’avocats intervenus, tant de lectures faites sur la conduite à tenir face à cette requête de la défense. Pour les uns, le procureur doit écarter purement et simplement la pièce pour permettre aux débats de se mener. Pour les autres, le procureur doit attendre la décision du parquet par rapport à cette requête avant de statuer. Quand l’on se réfère à la disposition dans ce cas d’espèce, un article avec deux alinéas précise la conduite à tenir. Mais les interventions des uns et les autres avec une lecture différente de cette disposition, met le procureur en dilemme.
Pourquoi ne pas attendre que tout soit clair sur la pièce à débat avant d’entamer toute procédure, d’autant que les débats sur M. Bassolé seront centrés sur les interceptions d’écoutes téléphoniques entre lui et Guillaume Soro ? Pourquoi se presser alors qu’il n’y a aucune contrainte à le faire? Si le procureur ordonne d’écarter la pièce des débats et la décision du parquet confirme l’irrégularité ou l’authenticité de ladite pièce. Que fera alors le procureur, se demande le conseil de Bassolé. Mais selon la partie civile, quel que soit la décision de la juridiction compétente sur la question, il appartiendra à la défense d’en tirer les conséquences. Cela n’empêche donc pas de maintenir ou d’écarter la pièce du champ des débats afin que le procès se poursuivent.
La décision du tribunal sera connue le vendredi 21 décembre 2018, à la reprise du procès.
Siébou Kansié
Libre Info.net
